Thiaroye 44: L’histoire tragique du massacre des tirailleurs toujours aussi douloureux 80 ans après

Thiaroye 44: L’histoire tragique du massacre des tirailleurs toujours aussi douloureux 80 ans après

Le 1er décembre 1944, il y a exactement 80 ans, un massacre marquait l’une des pages les plus sombres de la collaboration entre la France et l’Afrique. Ce jour-là, plusieurs dizaines de « Tirailleurs sénégalais », au nombre de 1280, furent tués. Ces soldats, qui avaient combattu pour la libération de la France pendant la Seconde Guerre mondiale, avaient été faits prisonniers par les nazis après la défaite de l’armée française en juin 1940. Après leur libération, ils furent renvoyés au Sénégal, où ils furent confinés au camp militaire de Thiaroye, en banlieue de Dakar, en attendant d’être répartis dans leurs pays d’origine, pour ceux qui n’étaient pas sénégalais.

Démobilisés, ces soldats réclamaient le paiement des sommes qui leur étaient dues : pécules, primes, rappels de solde de captivité, etc. Selon une circulaire du gouvernement français, cet argent devait leur être versé en deux temps : un quart à leur embarquement en France et le reste à leur arrivée à Dakar. Cependant, cette promesse ne fut jamais respectée. La raison de ce manquement demeure floue, mais c’est là que débute une tragédie.

Le 27 novembre 1944, un groupe de 500 tirailleurs, devant rejoindre Bamako et d’autres colonies du Sud, refuse de partir sans être payé. Le lendemain, le général Marcel Dagnan, chef de la division Sénégal-Mauritanie, prend l’initiative de les rencontrer, en l’absence de son supérieur, le général Yves de Boisboissel, ainsi que du gouverneur civil Pierre Cournarie. Humilié par le comportement des tirailleurs, Dagnan décide de réagir de manière violente, avec l’accord de ses supérieurs. Dans son rapport, il écrit : « Ma conviction était formelle : tout le détachement était en état de rébellion. Il était nécessaire de rétablir la discipline et l’obéissance par d’autres moyens que les discours et la persuasion. »

Le 1er décembre 1944, les tirailleurs sont rassemblés sur l’esplanade du camp de Thiaroye, où Dagnan donne l’ordre d’encercler le camp et d’ouvrir le feu sur eux. Selon le témoignage d’El Hadj Doudou Diallo recueilli par la RFI en 1994 et rapporté par France Inter, les tirailleurs n’avaient pas menacé le général Dagnan, contrairement à ce qu’il affirmait. « Ils étaient fermes, décidés, mais patriotes. Nous avons simplement demandé ce que nos camarades français avaient reçu. Le général nous a rassurés en disant : « Restez calmes, nous allons régler cela dans deux ou trois jours. » Nous lui avons fait confiance. Mais deux ou trois jours après, nous avons vu l’armée encercler le camp de Thiaroye. Et ce qui s’est passé… s’est passé. »

Le bilan fut tragique, mais le nombre exact de victimes n’a jamais été communiqué, probablement en raison d’une tentative d’effacer l’histoire de ce drame. Selon diverses sources, le nombre de morts est estimé entre 1200 et 1700. Tous furent enterrés dans une fosse commune au sein même du camp de Thiaroye, un lieu qui, ironiquement, n’a rien à voir avec le cimetière des martyrs où un hommage leur est rendu. Ils n’y reposent pas.

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