Je suis rentré de Dakar la semaine dernière. Je dois y retourner début septembre.
Pour la plupart des intellectuels africains, le Sénégal n’est pas simplement un autre des cinquante et autres États que compte l’Afrique.
Il aura longtemps été une idée incarnée, à des degrés divers, par maintes figures: Senghor évidemment, Cheikh Anta Diop, Cheikh Hamidou Kane, Ken Bugul, Ousmane Sow, Djibril Diop Mambety et son frère Wasis. Et tant d’autres.
Nombre de penseurs, écrivains et artistes africains ont trouvé refuge au Sénégal à un moment ou à un autre de leur vie, notamment lorsqu’ils étaient persécutés dans leurs lieux d’origine. Plusieurs autres y ont été accueillis à bras ouverts. Le Sénégal nous aura tous nourri et nous a protégé. Tout cela, qui peut l’oublier?
J’y ai, pour ma part, passé quelques années de ma vie, à mon retour d’Occident. C’était au cours des années 1996-2000. J’habitais alors à Yoff non loin de l’aéroport, et Sembene Ousmane était mon voisin. Et c’est toujours le cœur ouvert que j’y retourne. Faut-il ajouter que je voyage avec un passeport sénégalais? Et qu’avec mon ami Felwine Sarr, nous avons créé, il y a quelques années déjà, les Ateliers de la pensée de Dakar, dont l’un des buts est de continuer cette tradition d’hospitalité?
Ce qui se passe dans ce pays me (nous) concerne donc au plus haut point. Dans le texte qui suit, Felwine fait le procès de la tragédie en train de se tramer et en établit sans ambage les responsabilités. Il pointe du doigt la régression en cours et les menaces qu’elle risque d’entraîner, dans une sous-region d’ores et déjà embourbée dans la tourmente.
Il y a donc urgence. Pas seulement pour les Sénégalais. Mais pour nous tous, Africains et non-Africains, qui a un moment ou à un autre, ont lié leur sort à celui du peuple sénégalais.