Financement des femmes : Nicole Gakou dénonce les inégalités persistantes au Sénégal

Financement des femmes : Nicole Gakou dénonce les inégalités persistantes au Sénégal

L’Union des Femmes Chefs d’Entreprise du Sénégal (UFCES) a organisé ce samedi 31 mai à l’hôtel Azalaï la deuxième édition de son « Dîner de l’Entreprise », un rendez-vous d’exception qui a réuni décideurs publics, partenaires institutionnels, acteurs économiques et représentantes de la société civile.

Placée sous le thème « Femmes et Transformation Économique : L’Économie Islamique comme Paradigme Alternatif », cette édition a été l’occasion de sceller un partenariat stratégique entre l’UFCES et la Chambre de commerce Canada-Afrique, mais également de formuler des plaidoyers forts en faveur de l’autonomisation économique des femmes.

Prenant la parole au nom de la Chambre de commerce Canada-Afrique, sa Secrétaire Générale Tania Louis a souligné l’importance symbolique et stratégique de cette entente. « C’est avec une grande fierté et une profonde émotion que je prends la parole ce soir, au nom de la Chambre de commerce Canada-Afrique, à l’occasion de la signature de cette entente de partenariat avec l’Union des Femmes Cheffes d’Entreprises du Sénégal », a-t-elle déclaré, estimant que ce moment est bien plus qu’un simple acte administratif.

« Il marque notre volonté commune de bâtir des ponts durables entre nos économies, en mettant l’accent sur un levier essentiel du développement : le leadership féminin. » Elle a insisté sur le fait que les femmes entrepreneures sont des piliers incontournables de la croissance économique, au même titre que leurs homologues masculins. À ses yeux, cette coopération Canada-Sénégal permettra de créer des opportunités concrètes pour renforcer les capacités, élargir les réseaux d’affaires, encourager l’innovation et promouvoir un entrepreneuriat plus inclusif.

Mais au-delà de cette entente prometteuse, le Dîner de l’Entreprise 2025 a aussi servi de tribune à la Présidente de l’UFCES, Mme Nicole Gakou, pour livrer un message fort et structuré sur les défis auxquels font face les femmes entrepreneures africaines. Elle a d’emblée rappelé un chiffre saisissant : « Le déficit de financement pour les femmes africaines est estimé à 42 milliards de dollars, soit 21 000 milliards de francs CFA, dont 15,6 milliards de dollars rien que dans l’agriculture. » Et pourtant, malgré ces barrières persistantes, l’apport des femmes à l’économie sénégalaise est considérable. « Au Sénégal, les femmes entrepreneures ont contribué à hauteur de 2 681,0 milliards FCFA à la création de valeur ajoutée, soit 22,1% du PIB du Sénégal selon les données de 2022 de l’ANSD », a-t-elle précisé.

Pour Mme Gakou, les obstacles à l’accès au crédit sont multiples et profondément enracinés. « Les femmes rencontrent davantage d’obstacles pour accéder aux financements. Les taux d’intérêt élevés dissuadent les femmes de solliciter des prêts. Tandis que les strictes exigences en matière de garanties réduisent leurs chances d’accéder aux prêts comparé à leurs homologues masculins », a-t-elle dénoncé. Ce déséquilibre découle, selon elle, d’un manque de compétences commerciales et financières, ainsi que d’une mauvaise compréhension du marché des micro, petites et moyennes entreprises dirigées par des femmes.

« Lorsque les femmes parviennent à obtenir un financement, elles sont souvent confrontées à des accords de prêt plus contraignants. De plus, les institutions financières considèrent généralement les MPME dirigées par des femmes comme présentant des risques plus élevés. »

À cela s’ajoutent des obstacles liés à la demande. Mme Gakou évoque « des divergences de comportements financiers, des préférences en termes de risques, de sociabilité et de compétitivité, qui influent sur la perception des entrepreneurs féminins. » Elle estime que la complexité des procédures et des conditions de demande de crédit contribue à freiner les initiatives féminines. « En d’autres termes, ces perceptions entravent leur motivation pour la demande de crédit. » Et pourtant, insiste-t-elle, les femmes entrepreneures doivent pouvoir bénéficier du même accès au capital-risque que les hommes.

Elle en appelle alors à un renforcement de l’éducation financière des femmes, condition indispensable selon elle pour corriger ce déséquilibre. « Des entrepreneures financièrement instruites sont plus enclines à prendre des décisions judicieuses et à évaluer objectivement leur capacité à honorer leurs obligations financières. » Elle plaide pour des réformes ambitieuses dans les services financiers, un cadre juridique renforcé et l’introduction de produits financiers mieux adaptés aux revenus faibles, pour stimuler une demande inclusive.

Dans la même dynamique, elle insiste sur la nécessité d’investir dans la numérisation. « Le chemin vers une égalité financière passe aussi par la numérisation des femmes. Car l’inclusion financière numérique permet aux femmes d’accéder à des services financiers via des plateformes numériques, réduisant ainsi certaines barrières traditionnelles. » Mais cette transition numérique ne sera possible, dit-elle, que si des efforts sont fournis pour améliorer l’accès des femmes à la technologie et renforcer leurs compétences digitales. « La numérisation des femmes n’est pas seulement une question d’équité, c’est aussi un levier de croissance économique. »

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