Criminalisation du viol : Les acteurs de la justice mis devant le fait accompli

Alioune Ndao n’est pas trop optimiste face aux effets attendus de la loi sur la criminalisation du viol. Lors du panel de l’Union Jaaratulah qui s’est tenu à la mosquée Massalikul Jinaan, ce vendredi, l’ancien procureur de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) a fait part de sa position sur la question.

Pour le procureur Alioune Ndao, cette loi répond à des situations qui se sont passées ces derniers temps, notamment durant la fin de l’année 2019, avec le crime crapuleux qui avait eu lieu à Tambacounda.

Là où ça pose problème…

« Donc, poursuit-il sur seneweb, cette loi constitue une réponse à ces forfaits se sont accumulés pendant un certain temps. Et sur ce plan, je pense que c’est un élément positif parce que c’est une réponse à un certain nombre d’actes criminels… Mais là où ça pose problème pour nous praticien du droit, c’est que ça aura des conséquences sur les longues détentions. Actuellement, le problème des prisons sénégalaises, c’est les longues détentions. Et on décrie chaque fois une telle situation. Si on prend en parallèle le cas de la criminalisation de la drogue, on se rend compte que quelque fois, la criminalisation n’a pas l’effet escompté et par contrecoup, ça entraîne une lenteur dans le traitement des dossiers concernés ».

Le cas du viol..

« Si on prend l’exemple du viol, jusqu’à l’adoption de cette loi, le viol était considéré comme un délit sauf dans le cas des viols aggravés. Mais dans le cas des viols simples, c’était un délit conjugué rapidement soit en flagrant délit ou à l’instruction au bout de 6 mois maximum. Mais maintenant, tous les dossiers de viols, iront à l’instruction et les présumés auteurs de viols seront gardés en prison jusqu’à la fin de l’instruction… La chambre criminelle de Dakar est bondée de dossiers. Et si on y ajoute les dossiers de viols qui ont été criminalisés, ça va créer un engorgement. Et par contrecoup les longues détentions vont perdurer. Et c’est de ce point de vue que nous praticien du droit nous critiquons cette loi », renchérit-il.

Tous mis devant le fait accompli…

« Par rapport à la compréhension, on n’a pas beaucoup communiqué sur cette loi. Parce que tous les praticiens et tous les citoyens ont appris ensemble que le projet de loi a été déposé sur la table du conseil des ministres. Or une loi comme ça qui concerne des faits de société devait être l’objet d’amples discussions pour avoir un consensus. Malheureusement, nous avons été tous mis devant le fait accompli et c’est pour cette raison que les acteurs judiciaires eux-mêmes s’interrogent« , regrette Alioune Ndao.

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