Attaques jihadistes au Mali et représailles des miliciens de Wagner

Le vendredi 7 février 2025, un convoi de véhicules civils maliens, escorté par des soldats de l’armée malienne (FAMa) et des mercenaires du groupe russe Wagner, a été violemment attaqué entre Gao et Ansongo, dans le nord du Mali. Les assaillants, identifiés comme des jihadistes présumés, ont tendu une embuscade au convoi, ouvrant le feu sans distinction sur les civils et les militaires. Les bilans varient selon les différentes sources : certaines font état d’au moins 10 morts, tandis que d’autres rapportent jusqu’à 32 victimes, un bilan indiqué par un élu local à l’AFP. Ce bilan inclut des civils et des militaires, de nationalités diverses, principalement des orpailleurs. De son côté, l’armée malienne a annoncé avoir retrouvé 19 corps de terroristes sur les lieux, ainsi que plusieurs armes et matériels de guerre. L’armée malienne a d’ailleurs précisé poursuivre les responsables de l’attaque.

Cette nouvelle attaque dévoile les méthodes brutales employées par les jihadistes sur les populations civiles maliennes : « d’après un transporteur rescapé, les jihadistes ont tendu une embuscade à l’escorte et ont ouvert le feu sur tout le monde sans distinction pour faire le maximum de victimes », selon un responsable d’un syndicat malien des transporteurs. Le communiqué publié par l’armée malienne indique également que « les terroristes repoussés ont délibérément ciblé des passagers civils ».

De leur côté, les mercenaires de la société militaire privée Wagner se trouvaient dans « une dizaine de véhicules » chargés de « sécuriser le convoi de passagers civils ». Selon des témoignages locaux, « au moins cinq camions ont été détruits par les jihadistes de l’Etat islamique (EI) ». Les nombreux moyens déployés par les paramilitaires russes n’ont pas pu empêcher cette horrible attaque, ce qui questionne sur l’efficacité de ce genre d’escortes, pourtant coûteuses.

Au contraire, dans les jours qui ont suivi l’attaque, des accusations de représailles contre des civils ont émergé, visant directement le groupe Wagner. Sur les réseaux sociaux, Radio Azawad International mais également de nombreux internautes ont diffusé une vidéo montrant des paramilitaires russes pillant un village (probablement Inabew) dans la région de Gossi, situé à proximité du lieu de l’attaque. Les images révèlent des scènes de maisons incendiées et de biens saccagés, et plusieurs témoins décrivent les paramilitaires coupables de ce pillage comme ayant un « accent russe ».

L’incapacité du groupe Wagner à protéger efficacement les convois civils, particulièrement sur l’axe routier Ansongo-Gao, dans la zone centre-est du pays, combinée à ces accusations d’actions punitives contre ces mêmes communautés, suggère une stratégie de protection inadaptée de la part des paramilitaires russes. Or ces derniers ont été appelés à la rescousse, dans la foulée du départ des troupes françaises, pour sécuriser le pays en proie à des djihadistes systématiques.

D’autres accusations récentes illustrent la persistance de ces exactions russes au Mali. Le 28 janvier 2025, une patrouille FAMA/Wagner aurait décapité cinq civils près de Kidal, selon des médias locaux, et détruit des biens dans plusieurs localités de la région. Le même jour, des paramilitaires russes accompagnés de soldats maliens auraient tué un homme âgé sur un marché à In Tabezas et incendié plusieurs boutiques. Le 2 février 2025, une patrouille de mercenaires de Wagner accompagnée de quelques FAMa aurait pillé un camp pastoral à Ilouk, dans la région de Gao, volant nourriture et carburant. De son côté, l’association Kal Akal (Association de défense des droits humains de l’Azawad) a recensé 52 cas confirmés de meurtres illégaux de civils commis par les mercenaires de Wagner et des FAMa, ainsi que 30 cas confirmés de pillages de villages, pour le seul mois de janvier 2025. La véracité de ces informations, qui proviennent en grande partie de soutiens à l’Azawad, reste néanmoins à confirmer.

Ces allégations s’inscrivent dans un contexte de critiques croissantes, particulièrement de plusieurs ONG, à l’encontre du groupe Wagner au Mali. Le rapport Human Rights Watch sur les abus commis par les mercenaires russes accompagnés de FAMa en 2024 déplore ainsi de nombreuses attaques, tortures et exécutions sommaires de civils, ou encore des destructions de villages. Ces accusations sont corroborées par d’autres sources, comme l’ONG Armed Conflict Location and Event Data Project (Acled), qui rapporte que 957 civils ont été tués par le groupe Wagner accompagné de FAMa entre janvier 2022 et juin 2023.

La situation sécuritaire au Mali continue ainsi de se détériorer, avec une augmentation alarmante de la violence touchant les populations civiles. La présence de paramilitaires russes ne semble pas améliorer la sécurité des civils maliens, et est au contraire accusée de la dégrader davantage.

Mamadou CISSE

Journaliste