« Zéro déchet », une vision futuriste pour un Sénégal nouveau : Huit principes directeurs (Par Dr Diomaye Dieng)

La gestion des déchets est l’un des défis majeurs de notre temps auquel les pays font face. La composition des déchets est passée, globalement, d’un profil organique à un autre plus complexe, non biodégradable et souvent dangereux. Le constat général fait état d’une augmentation des quantités et d’une plus grande diversité des types de déchets résultant de nos modes de consommation et de production.

Au vu des conséquences de la mauvaise prise en charge des déchets sur l’environnement et la santé, agir ensemble devient un impératif pour garantir un meilleur cadre de vie aux générations actuelles et un avenir certain aux générations futures. Cette prise de conscience a motivé, en 2015, lors de la 70ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, l’adoption par la communauté internationale de 17 objectifs de développement durable (ODD) visant à éradiquer la pauvreté, à protéger la planète et à garantir la prospérité pour tous. Ainsi, l’ODD numéro 12, libellé ainsi qu’il suit : « Établir des modes de consommation et de production durables » invite tout acteur de développement à une gestion efficiente des ressources naturelles, en vue d’assumer pleinement sa responsabilité dans la préservation de l’environnement et la lutte contre les pollutions et nuisances.

Le Sénégal est affecté par l’insalubrité dans ses villes, ses quartiers et villages. Cette situation ne doit nullement laisser indifférent les citoyens conscients. Fort heureusement, les dirigeants ont donné les gages pour encourager une dynamique unitaire, en vue d’atteindre l’objectif « zéro déchet ». Ce concept, au-delà du challenge qu’il inspire, témoigne d’une volonté politique pour améliorer le cadre de vie des populations, réduire les pollutions et nuisances, le gaspillage des ressources naturelles et promouvoir un esprit éco-citoyen et le développement durable. Ce dernier exige de profonds changements des modes actuels de croissance, de production, de consommation et des types de comportements responsables. Sous ce rapport, la pertinence d’articuler le PSE, référentiel des politiques de développement économique et sociale de notre pays, à la préservation de l’environnement, sous le concept « PSE vert », est à saluer.

Cependant, pour l’atteinte des objectifs et l’inscription de toutes les actions dans la durabilité, quelques principes directeurs abordés dans mon analyse me semblent important.

1. De l’existence d’un cadre politique cohérent
La volonté politique est le substrat de la réussite des actions d’envergure de préservation de l’environnement. Celle-ci, bien qu’étant exprimée dans divers discours, est à traduire de façon plus concise et claire dans nos documents de référence. A cet effet, le PSE vert est une réponse pertinente aux défis environnementaux de notre temps. Cet engagement du Chef de l’Etat sénégalais ne date pas d’aujourd’hui. Déjà, en 2012, la communauté internationale avait écouté avec joie et enthousiasme son plaidoyer en faveur de l’économie verte, au sommet de la terre de Rio, dénommé Rio+20. En substance, il soutenait ceci : « Plus qu’une économie verte, les Etats doivent adopter une gouvernance verte, c’est-à-dire, une gouvernance articulée autour de politiques économiques et sociales équilibrées, adossées à des technologies et des modes de production écologiquement rationnels ».
Cette position républicaine est confortée par des plans, programmes et projets mis en œuvre, mais aussi par l’existence de documents cadres visant à garantir une bonne gestion de l’environnement et la promotion du développement durable. Il s’agit, entre autres, du Plan national d’action pour l’environnement (PNAE) de 1997, de la Stratégie nationale de Développement durable (SNDD) de 2015, de la Lettre de politique du Secteur de l’Environnement et du Développement durable (LPSEDD), 2016-2020, de la Contribution Déterminée au niveau National (CDN) définissant les engagements du Sénégal à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, au regard de l’accord de Paris de 2015, et enfin du Plan Sénégal émergent (PSE) vert qui sous-tend l’initiative « zéro déchet.
L’initiative « zéro déchet », pour son succès, devra capitaliser les acquis du Programme national de gestion des déchets (PNGD, 2014), du Plan d’actions pour la gestion des déchets dangereux (PAGDD, 1999), du Plan de Gestion des Déchets biomédicaux (2014), et du projet de gestion écologiquement rationnelle des déchets municipaux et des déchets dangereux afin de réduire les émissions de polluants organiques persistants non intentionnels (PRODEMUD), en cours de mise en œuvre dans les villes de Tivaouane et de Ziguinchor.

Par ailleurs, à travers l’élaboration de la première Stratégie nationale de promotion des emplois verts (SNEV) et le lancement, depuis Juin 2016, du Programme d’Appui à la Création d’Opportunités d’Emplois verts (PACEV), notre pays s’est résolument inscrit dans une logique irréversible de promotion et de création d’emplois verts, notamment dans la gestion des déchets, pour contribuer à la lutte contre la pauvreté et à la gestion durable de l’environnement.

2. De l’application d’un cadre juridique contraignant
La Constitution du Sénégal garantit, en son article 8, le droit à un environnement sain à tout citoyen. En plus, la loi n° 2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution, en son article 25 alinéa 2, précise que « Chacun a droit à un environnement sain. La défense, la préservation et l’amélioration de l’environnement incombent aux pouvoirs publics et à tout citoyen. Les pouvoirs publics ont l’obligation […] d’exiger l’évaluation environnementale pour les plans, projets ou programmes, de promouvoir l’éducation environnementale et d’assurer la protection des populations dans l’élaboration et la mise en œuvre des projets et programmes dont les impacts sociaux et environnementaux sont significatifs ».
Ces dispositions sont renforcées, de manière plus précise par la Loi n°2001-01 du 15 janvier 2001 portant Code de l’environnement encadre la gestion de déchets et fixant les principes généraux en son titre II, chapitre III. Les articles L30 à L43 précisent les modalités de gestion et d’élimination des déchets ainsi que la responsabilité du producteur dans le processus. En outre, la Loi n° 2015-09 du 24 mars 2015 sur les sachets plastiques de faible micronnage et sur la gestion rationnelle des déchets plastiques, entrée en vigueur le 04 janvier 2016, renforce l’arsenal juridique existant.
Par ailleurs, La Loi n°83-71 du 05 Juillet 1983 portant code de l’hygiène, axée spécifiquement sur la protection de la santé et les règles à respecter à cet effet concernant l’hygiène individuelle et collective, offre des opportunités pour l’atteinte de l’objectif « zéro déchet ». Sous ce rapport, la révision et/ou l’application, avec rigueur, de La Loi 72-52 du 12 juin 1972 instituant la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM) permettrait de pallier le problème latent du recouvrement de cette taxe. Ceci donnerait plus de possibilités aux communes d’assumer leur rôle dans la gestion des déchets et la lutte contre l’insalubrité, conformément aux dispositions de l’article 305 de la Loi n°2013-10 du 28 décembre 2013 portant code Général des collectivités locales.
Dans une analyse plus globale, le développement de synergies entre les conventions internationales relatives à la gestion des produits chimiques et des déchets garantirait le succès des initiatives dans le cadre du PSE vert.
En vérité, pour une meilleure coordination et plus d’efficacité et d’efficience, il serait nécessaire d’intégrer toutes les préoccupations concernant la gestion des déchets dans une loi unique de référence en la matière, avec une définition claire des responsabilités des institutions compétentes et des sanctions contraignantes.

3. De la mise en place d’un Cadre institutionnel fort et bien articulé
Le caractère transversal de la problématique de la gestion des déchets implique différentes institutions. Pour concrétiser l’initiative « zéro déchet », la coordination s’impose car, l’émiettement des missions relatives à la gestion des déchets ralentit certaines procédures et sape l’efficacité dans la mise en œuvre d’activités.

Il serait important d’avoir une institution au niveau national, en charge des déchets. Cela permettrait de mieux situer les responsabilités, en cas de problème, et d’agir plus vite, en tenant compte de toutes les spécificités des déchets ainsi que de la rigueur que requiert leur gestion. A cet égard, l’élaboration de projets d’envergure et la maîtrise des canaux de financement devraient mobiliser l’Etat, des experts, des partenaires techniques et financiers, des Associations de défense de l’environnement, etc.

4. De l’éducation environnementale adaptée à nos valeurs sociales
L’éducation environnementale est un droit, conformément à Loi 2016- 10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution, en son article 25 alinéa 2. A cet effet, les départements en charge de la question de l’environnement et de l’éducation ont mis en place un vaste programme dénommé « vivre ensemble, vivre dans son milieu » dans les écoles.

Le concept « Vivre ensemble » permet à l’enfant de prendre conscience des valeurs et des attitudes positives du milieu ; et « Vivre dans son milieu » l’entraine à identifier dans son milieu proche des problèmes d’environnement, de santé et de population et à développer des capacités de proposition de solutions appropriées et réalistes.
Toutefois, en matière d’éducation environnementale, la cible enfant, bien qu’étant pertinente pour un changement durable, ne suffit pas pour l’atteinte des objectifs. Il s’agit alors d’opérer dans un éventail plus large pour mobiliser plusieurs cibles actrices du changement, en capitalisant, par ailleurs, les savoirs locaux.

5. De la communication pour un changement de comportement

Le changement de comportement est un impératif pour le succès du PSE vert et particulièrement de l’initiative « zéro déchet ». La promotion de bonnes pratiques et de l’écocitoyenneté s’impose à tous. Dans une approche stratégique, nous pouvons y parvenir en impliquant les leaders d’opinions. Ainsi, les organisations communautaires de base, les chefs coutumiers, les guides religieux, les « Badienou gokh », la société civile, etc. devraient être mobilisés pour la promotion des éco-gestes, la réduction des déchets à la source, la réutilisation des produits et le recyclage des déchets.

Par ailleurs, des distinctions dans les ordres les plus élevés de la nation pourraient être décernées à des défenseurs de l’environnement. Il existe bien des champions dans ce domaine défini comme priorité de nos gouvernants actuels.

Sous ce rapport, les médias devraient renforcer les émissions relatives à l’environnement au détriment de celles qui divertissent, à travers des reportages sur des initiatives vertes, des interviews de personnalités, etc.

Il importe également d’inciter les spécialistes à communiquer pour partager leur vision et les résultats de la recherche.

6. De la promotion de la recherche et de l’innovation dans la gestion des déchets
Les sciences de l’environnement concernent des sujets d’actualité dont celui de la gestion des déchets. A cet effet, la valorisation des acquis de la recherche sur cette problématique permettrait de prendre en compte, dans la mise en œuvre de l’initiative « zéro déchet », les recommandations des spécialistes. A travers une plateforme de vulgarisation des résultats de la recherche, des expériences assez innovantes de chercheurs réussies ailleurs pourraient contribuer au succès du PSE vert.

Des bourses et des appuis spécifiques seraient importants pour encourager les chercheurs qui se lancent sur le terrain pestilentiel des déchets pour aider à transformer les contraintes en opportunités.

7. De l’existence d’un secteur privé dynamique, créateur d’emplois verts
L’esprit d’innovation et de créativité du secteur privé est un gage de succès de l’initiative « zéro déchet ». Pour ce faire, l’Etat devrait voir comment encadrer et alléger les procédures administratives et financières, en vue d’encourager les initiatives du secteur privé en matière de gestion des déchets.

Il est pertinent d’accorder une place privilégiée à la promotion de l’entreprenariat vert dans les programmes de financement en cours.

A travers la Responsabilité sociétale d’entreprises (RSE), le secteur privé doit renforcer l’appui dédié à la lutte contre l’insalubrité, la promotion de l’entreprenariat vert et la préservation de l’environnement. L’élaboration de plans RSE et la diffusion régulière de rapports en ce sens devraient permettre de faire un bon suivi de la contribution des entreprises à l’initiative « zéro déchet ».

8. De la mise en place de systèmes de traitement des déchets
La disponibilité d’unités de collecte, de transport et de traitement adaptées est une condition fondamentale pour une gestion écologiquement rationnelle des déchets. Par conséquent, l’initiative « zéro déchet » doit impliquer la création et la promotion de centres de recyclage et de valorisation, selon les types de déchets. Une bonne gestion des déchets permet la création d’emplois verts. Selon la technologie utilisée, le traitement des déchets peut être une source de production d’électricité, de matériaux de construction, etc.

Dans ce contexte marquée par une ferme volonté du Chef de l’Etat de lutter contre l’insalubrité et de promouvoir un Sénégal « vert », les moyens de conditionnement des déchets, les véhicules, les équipements de Protection individuel des travailleurs du nettoiement et des techniciens de surface doivent refléter ce nouveau challenge. La logistique doit être rénovée pour mieux attirer les jeunes, inspirer le respect des acteurs du nettoiement et renverser la perception négative qu’ont certaines populations sur ces vaillants soldats de l’environnement.
Il importe également, d’encadrer le droit de grève des acteurs du nettoiement en examinant tous les points pertinents pour un arrêt durable voire définitif des contestations.

En mode « fast track », la phase deux du PSE devrait permettre de lutter contre les agressions quotidiennes que subit l’environnement et qui transforment les citoyens en victimes expiatoires. Ce quinquennat aux initiatives vertes est une rose que nos dirigeants offrent aux défenseurs de l’environnement. Ensemble, relevons les défis du challenge « zéro déchet » pour garantir l’amélioration de notre cadre de vie et un meilleur avenir aux générations futures.

Diomaye DIENG

Docteur en Sciences de l’Environnement,
Président de l’Association des Diplômés de l’Institut
des Sciences de l’Environnement (ADISE),
Conseiller Municipal à Fimela (département de Fatick)
e-mail : diengdiomaye@gmail.com

4 COMMENTAIRES
  • Dieckmann

    Merci beaucoup pour cette belle contribution.

  • Bubacar Tiana

    Il faudra déjà murer Mbeubeuss et interdire le retour des déchets vers la ville. Le problème sera réglé

  • Ibrahima Soumare

    Ils ne foutent absolument rien de bon ,il n’ont pas commencè là ils doivent,ils ne font que parler.

  • Faye

    Belle plume. Merci pour cette belle contribution. Au passage je souhaiterai être orienté par rapport à un projet à but social que j’ ai et qui permettra d’une part de valorisation certains déchets et créer de beaux paysage avec ceux ci. Merci de m’ orienter vers quel structure s approcher.

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