Publicité pour Mesri_Juillet
Publicité

Senegal-Gambie-Voisinage: revisiter l'Histoire. Par Abdou Ndukur Kacc Ndao

2017 se profile à l’horizon. Une occasion pour faire le point de nos relations de voisinage dans un contexte attendu de confrontation militaire avec la Gambie. Comme en pareilles circonstances, les imaginaires se renforcent ainsi que les exagérations. On parle de coup d’Etat et de beaucoup d’informations fantasmagoriques. Par exemple, on prête beaucoup à Ousmane Badji. Jammeh a essayé plusieurs systèmes et plusieurs hommes pour gérer son armée. Il a à la fin choisi deux Joola comme lui, importés pour conduire les affaires militaires. Il s’agit bien sur du chef d état major Ousmane Badji et Saul Jatta le CET de la garde prétorienne qui ont un sort lié à l’enfant de Kanilaï. Il est peu probable que ces deux alliés fassent un coup tordu à Yahya.

Tout compte fait, Yahya risque de connaitre une fin tragique. Il sait que les rapports de force ne lui sont pas favorables. Alors pourquoi il se radicalise ? Sans doute sa mise à mort va arranger plein de gens. Voilà pourquoi des forces travaillent à le radicaliser. Les vautours sont là et ont toujours rodé autour du festin sénégambien. La Gambie a été pendant longtemps laissée à elle même. On l’a souvent fois traitée avec condescendance et on continue de la piller. Nous avons été pendant longtemps injustes vis-à-vis de la Gambie. Quoi qu’on puisse dire, sur certaines questions majeures relatives à la CPI, au Comonwealth, à l’homosexualité, Yahya a incarné le front du refus. Face à l’indifférence sénégalaise. « J’ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l’indifférence «  disait Anatole France.

Publicité

La posture guerrière est facile, mais elle cache une faillite d’un Etat qui n’a jamais assumé sa géographie. C’est un échec politique et diplomatique. Au- delà de la Gambie, nous devons réfléchir sur nos relations avec les voisins. On a toujours navigué entre lâcheté, compromissions et extorsion. Il en est ainsi avec tous les « failed states » qui nous entourent. De la Mauritanie qui nous impose un rapport de force sur la gestion de l’eau, la gestion des barrages, les migrations de pêcheurs…

La Guinée Bissau avec ses frontières poreuses et ses lobbies de narco, le pétrole à la frontière. La Guinée avec nos alliances contre nature (transfert d’électeurs ), notre silence sur les bavures et forfaitures électorales. Le Mali avec qui on était le plus lié sur le plan colonial. Le fameux soudan. Nous leur avons tourné le dos au figuré comme au propre. On ne parle pas de posture belliciste mais d’un voisinage assumé et libre. On a littéralement soit détourné les yeux sur les drames qui s’y jouent soit développé des formes d’implication sous l’injonction de la France. C’est une diplomatie « veule ». Mêmes les « victoires diplomatiques » tant vantées portent souvent le sceau d’une injonction étrangère. Ce n’est ni une ligne ou une posture de principe ni une constante.

Publicité

On est toujours assis entre deux chaises. Le débat actuel sur la Gambie ne doit pas se limiter à ces aspects événementiels. On entend déjà les analystes bondir à chaque dépêche et se fendre en recommandations (solution militaire finale, médiation, laissez faire etc). Pourquoi avons-nous eu aujourd’hui tous ces maillons faibles qui nous entourent ? Sommes nous finalement le « ventre mou » d’une périphérie pourrie ? Par des plaies séculaires ou se mêlent des décolonisations mal achevées, des formes d’extrativismes néo-coloniales, des alliances entre des gouvernements peu démocratiques et toujours pillards, et la lâcheté de la communauté internationale et africaine qui laisse des appendices comme la Gambie à son sort depuis toujours.

Il faut revenir à l’histoire pour comprendre pourquoi on cohabite avec Yahya après Douada Diawara. Pourquoi on a un régime esclavagiste au nord, en Mauritanie. Pourquoi Condé fait son apartheid éthique dans le château d’eau de l’Afrique de l’ouest qui par ironie a voué ses enfants à l’exil ? Pourquoi la Guinée « portugaise » se dresse sur nos flancs et règle ses contradictoires à coups de machettes ou de baïonnettes ?

Les gens vont rétorquer que la paix et l’équilibre régionale est à ce prix. Mais pouvons nous contraindre au silence et même la compression sur la question casamançaise ? Pourquoi sur le Mali on est juste le prolongement de la France ? Ce sont des questions qui fâchent.  Pour aller plus loin, on observe comment nos contrées périphériques à la lisière de ces pays sont traitées. Comment nous gerons nos voisins et nos territoires transfrontaliers nous renseignent sur la nature de notre pays. Il y a à écrire un beau livre sur ces frontières insaisissables. On devrait peut-être aller re-visiter les rapports entre le Trarza et le Walo. Barthurst et la fondation de Faecfbanjul, le Dwebou, etc. pour redessiner nos rapports aux voisins.

Jean Gottmann (géographe) disait que la frontière est une manifestation du cloisonnement du monde ; elle est un lieu de friction entre des identités et représentations différentes, des iconographies au sens d’appartenance et de reconnaissance dans des symboles distincts. Avons-nous souvent pris le temps de réfléchir avec sagesse sur notre indifférence face à nos voisins ? Cette folie de l’indifférence risque de nous perdre un jour.

Kololi, Gambie.

Par Abdou Ndukur Kacc Ndao Anthropolgue

Votre avis sera publié et visible par des milliers de lecteurs. Veuillez l’exprimer dans un langage respectueux.

Dans le même thême

Laisser un commentaire