Palestine : Le feu de l’humiliation, (Par Adama Gaye, journaliste-consultant)

Les pays arabes ayant normalisé ou apaisé leurs relations avec Israël, assistent, depuis le 7 mai, avec embarras, à une nouvelle escalade des tensions avec les Palestiniens. Une affaire qui interpelle nombre d’observateurs sur la plan international. Dans un post sur son compte facebook, Adama Gaye, journaliste-consultant, passe la situation au peigne fin.

Texte in extenso  

Il faut dénoncer. Condamner le déséquilibre entre les projections militaires Israélo-Palestiniennes et s’insurger contre les tueries, principalement arabo-musulmanes, en cette journée de l’Eid, c’est participer à une bronca générale. Elle traverse la plupart des peuples déshérités du monde, soudain invités, par la puissance du feu de Tel-Aviv, à réaliser que rien n’a changé dans ce point de fixation du désordre international qu’est le Moyen-Orient. L’illusion s’envole, au milieu des tirs de roquettes et des bombardements échangés entre Palestiniens et Israéliens, d’une avancée diplomatique dans la région. S’effondre ainsi le plus emblématique marqueur de l’action internationale dont se flattait l’ex-Administration américaine de Donald Trump au nom des Accords Abraham qu’elle avait pu pousser sur cette terre particulièrement inflammable. Ils avaient conduit à une extraordinaire normalisation des relations diplomatiques entre l’Etat Hébreu et certains de ses vieux rivaux arabes, dont le Maroc, Bahrein, le Soudan, les Emirats Arabes Unis ou encore l’Arabie Saoudite. On avait cru alors que les chemins de la paix s’y ouvraient brusquement brisant les blocages enregistrés de part et d’autre des lignes d’un conflit devenu le plus incertain sur la planète tant les postures semblaient être irréductibles.

Violences

Les violences mortelles, l’écrasement, contre le peuple Palestinien, sont donc venus rappeler qu’à l’ère de la déterritorialisation de la géopolitique, signe de la fin de l’Etat Westphalien, la question Israelo-Palestinienne reste le plus lourd héritage d’un monde évanescent, fruit d’une polarisation aussi sécuritaire que religieux, sur fond de lâchetés d’une communauté internationale qui a pensé qu’elle pouvait faire comme si elle n’existait plus pour faire semblant de l’avoir résolue.
Les temps ont changé. Quarante ans plus tôt, arme à la main, le 6 Octobre 1981, un soldat Egyptien AL Islambouli, descendait de son char lors d’un défilé célébrant la participation de son pays à la guerre du Yom Kippour d’Octobre 1973 pour mieux abattre l’alors Raïs Egyptien, le Président Anouar El Sadate à qui il reprochait d’avoir signé, trois ans auparavant, en 1978, les Accords Israelo-Palestiniens de Camp David sous l’égide du Président américain, Jimmy Carter.

Accords Abraham

En donnant l’impression que les Accords Abraham, dits de paix entre Israel et un groupe de pays arabes réunis autant par la haine de l’Iran Shiite que par la peur d’un islam prosélyte, sur fond de terrorisme, suffisaient à enterrer la volatilité qui baigne la région du Moyen-Orient, les diplomates qui, depuis les USA, ont voulu refaire le coup de Camp David, ont oublié le nouveau moteur de la diplomatie mondiale. Celui de l’émotion, de l’humiliation, de l’injustice. Amplifiée par la techtonique des plaques, l’immédiateté, la viralité, des informations, la brutalité des images du sang des martyrs, ou encore le déséquilibre du rapport de forces, cette diplomatie qui se nourrit de la différence des sens et symboles a fait le reste. Elle a projeté dans le monde entier, notamment dans les pays pauvres, les peuples damnés, ce mouvement de colère légitime, cette condamnation unanime, de la violence d’Etat déployée pour subjuguer le rêve, le droit, les aspirations du peuple Palestinien à avoir un Etat pour y vivre en paix.
C’est dire que la diplomatie politique à l’ancienne, celle des négociations secrètes, illustrée par la Déclaration Balfour de 1917 et les Accords Sykes-Picot autour du démantèlement de l’Empire Ottoman au profit de la Grande Bretagne et de la France, s’est retrouvée au milieu des tirs dans le nouveau regain de tensions, le plus violent depuis des années, qui l’a abattue sur l’Esplanade des Mosquées.
Dans cette zone de la Cisjordanie où se concentrent trois des symboles les plus puissants des religions monothéïstes, le feu n’a cessé de couver sous la cendre.

Émotions différenciées…

J’en sais quelque chose pour l’avoir visitée dans le passé. Entre le Mur des Lamentations où les Juifs viennent envoyer (en les incrustant dans ses parois), par des bouts de papiers, leurs messages et vœux à Dieu, puis, a quelques metres, la Mosquée Al Aksa et, un peu plus bas, l’Eglise du St-Sépulcre, lieu de repos du Christ, pense-t-on, j’avais pu voir combien les peuples des confessions hébraïques, musulmanes et chrétiennes se ressemblent, par leurs traits physiques, mais sont à des années lumières par leurs émotions différenciées.
S’il en est ainsi, c’est en raison d’un malentendu originel. Lequel est né précisément de la grande politique cachotière, dite de puissances, qui a marqué le summum de la diplomatie Westphalienne, lors des deux précédents siècles. Parce que les Juifs se sont vus reconnaître par les décideurs d’alors de l’ordre mondial le droit d’être un peuple sans terre ayant droit à une terre sans peuple. Le poids de la honte né de la Shoah et d’une lecture hypocrite du rôle de la colonisation en vertu desquels le mouvement sioniste de Théodore Herzl puis l’Après Shoah ont amené la communauté internationale à pousser les juifs vers la terre qui était celle des Palestiniens. C’est de justesse que l’Ouganda, qui avait été initialement retenu, échappa à ce destin d’une Sion-colonisation.
Depuis lors, minorité portant en bandoulière son passé de persécutée, le peuple Juif n’a eu de cesse d’entretenir la paranoia autour de sa sécurité a assurer par tous les moyens.
Que Ben Gourion, son premier Président, ait tenté d’avoir la haute main sur la violence d’Etat en faisant couler même un bateau rempli d’armes que les mouvements terroristes Hébreu, dont l’Hagannah et l’Irgoun d’Itzak Shamir et autres Menahem Begin, n’y a rien changé. Israël reste un Etat violent. Tueur.
On dira certes que les maladresses et lâchetés des leaders arabes, champions de l’ambivalence envers l’ennemi Israelien, n’ont guère aidé à renforcer la légitimité de la cause palestinienne ou que leurs défaites lors des trois ou quatre guerres entre eux et le minuscule Israël n’ont pas peu contribué à ce climat d’humiliation qui, au-delà de leur sang qui coule, exprime l’impuissance des Palestiniens.
La jouissance de leurs dirigeants, tel l’affable mais inefficace, Mahmoud Abass, ne fait qu’ajouter à leur impéritie.
Reste évidemment le Hamas et son envie d’en découdre avec un Etat Israélien qui n’a que la violence comme gene dans son ADN, en plus du rôle d’une Amérique sous le joug d’un lobby juif exorbitant et on peut aisément deviner pourquoi malgré les tueries de l’extrémiste, quasi-terroriste Premier Ministre Israélien, Benjamin Netanyahou, et l’on comprend que le destin du Moyen-Orient restera celui des poussées de fièvres auxquelles nous assistons à intervalles réguliers.
La dernière, sous nos yeux, est la preuve que la diplomatie à l’ancienne n’est pas opératoire. Comment les Accords Abraham qui protègent les dirigeants arabes et les intérêts d’Etats peuvent-ils résoudre un conflit dont le fondement demeure les facteurs socio-religieux antagonistes qui l’irriguent ?

Israël

Condamnons fermement les violences sécuritaires d’Israël mais ayant aussi la lucidité d’admettre que tant qu’une juste, stable et rassurante, pour toutes parties, solution n’aura pas été trouvée, ce bout de territoire de la Cisjordanie continuera d’être une flamme dans la poudrière Moyen-Orientale.
La question est, par-dessus les cris de colère, s’il y a encore des hommes d’Etat capables dans notre monde au moment où l’asymétrie la plus dangereuse l’expose ici comme ailleurs aux risques d’une nouvelle conflictualité dont les tenants et aboutissants échappent aux praticiens d’une compréhension surannée de la polémologie. Les germes de la guerre ne sont pas seulement perceptibles qu’au Moyen-Orient. Nous sommes assis, tous, sur un volcan dont la lave s’intensifie tandis que les géants au pied d’argile, de l’Américain Biden à l’Onusien Guteress, et tous les grands acteurs étatiques, des puissances traditionnelles, sont dépassés. Jusqu’où, peut-on se demander, ira ce feu jailli des entrailles de l’une des régions les plus émotionnelles de notre planète?
Nous sommes tous concernés..
Adama Gaye*, opposant en exil au régime de Macky Sall, est un diplômé d’Etudes diplomatiques, Université d’Oxord, Angleterre.
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Ps : on annonce un discours du Boucher de Dakar à 13 heures, ce jour. Peut-être pour débiter des larmes sur le Moyen-Orient dans le populisme qui lui sert de politique étrangère ? Probablement.
Entre les drapeaux brandis par un peuple Palestinien spolié de ses terres et, sur l’autre image, devant la tribune où le President Sadate fut exécuté en Octobre 1981 (pour le punir d’avoir signe un Accord de paix avec Israel) par un militaire Egyptien.
La liste est longue des expressions de la colère du peuple arabe lâché par ses dirigeants, nouveaux alliés des sécurocrates israéliens.

1 COMMENTAIRE
  • rené Diagne

    mr gaye votre haine viscérale de son excellence Macky m invite à reconsidérer votre honnêteté intellectuelle..le discours de Macky sall n aura que le même format diplomatique que le Sénégal a toujours pris à l endroit du peuple palestinien…..soyez moins aigris

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