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"Ousmane Sonko et le système : Vocation combative ou populisme pouvoiriste ?"

Le succès d’Ousmane SONKO résulte de son combat contre le fameux système (l’article de la semaine prochaine portera sur le système). Homme politique de la révélation (l’homme providentiel), SONKO apparaît sur la scène politique en se réclamant antisystème et en suscitant beaucoup d’espoirs auprès des jeunes, la diaspora et des intellectuels, dont certains le suivent avec zèle.

Décrit comme l’homme de la situation par ses militants et sympathisants pour l’assainissement de l’espace politique, SONKO ne se prétend pas messie, comme il le dit lui-même : «Le Sénégal n’a pas besoin de messie ni de héros, mais d’une masse critique de citoyens conscients des enjeux.» Aussi n’est-il pas exempt de reproches comme tout être humain normal. Et cela apparaît clairement dans son ouvrage-vision qui, à notre sens, comporte beaucoup de choses à améliorer. L’ouvrage est critiquable comme toute œuvre humaine d’ailleurs, dans la forme, le ton et le fond. On y relève trois éléments sur lesquels nous aimerions apporter des observations.

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D’abord, à la place d’un diagnostic économique et social, SONKO se focalise beaucoup sur les attaques crypto-personnelles à l’endroit du Président Macky SALL et des procès d’intention à l’encontre des Sénégalais. Le ton du discours est trop rustre.

Ensuite, évoquée dans l’ouvrage, l’idée du modèle économique n’est pas sentie dans les développements. Modèle économique étant différent des options économiques, le financement de l’économie par la monnaie, les ressources naturelles, la fiscalité et l’aide au développement, sur l’option économique, l’agriculture familiale et le développement durable, sur le protectionnisme et la préférence nationale ne constitue pas un modèle mais des options. Vision globale de l’économie et du développement, le modèle doit répondre au pourquoi (idéologie), au quoi (choix économiques) et au comment (vision, programmes, plans, phases, échéances et moyens concrets de réalisations).

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Jusque-là, le Sénégal ne fonctionne pas suivant les paradigmes d’un modèle économique cohérent et global. Il s’accommode d’options économiques basées sur la dépendance vis-à-vis des puissances étrangères. Un tel modèle se caractérise par les options ci-après :

– Surendettement pour financer les politiques publiques
– Bradage de matières premières contre de l’argent pour renflouer le trésor public (économie de rente) ;
– Désorganisation et Faible productivité du secteur primaire (agriculture, élevage, pêche)
– Absence de tissu industriel ;
– Faible pouvoir d’achat et absence de classe moyenne
– Dépendance monétaire
Enfin, concernant le programme de protection sociale décliné dans l’ouvrage, SONKO propose «d’améliorer le niveau de rémunération des domestiques de maisons en évaluant et en y intégrant les avantages en nature qui sont des contreparties de leur travail, tels l’hébergement, la nourriture et autres petits avantages ».

La proposition est socialement utile, mais peu ambitieuse. La question domestique, à l’instar de la plupart des métiers de l’informel au Sénégal, doit être traitée de manière globale et sous l’angle de sa professionnalisation et de sa formalisation. Pour y arriver, il faudra juste aller vers la moyennisation de la société en procédant à une revalorisation des salaires des cadres inférieurs et moyens de l’administration publique a ceux du secteur privé.

Si les ménages, la plupart composés au moins d’un fonctionnaire ou d’un travailleur du secteur privé, arrivent à se tailler un pouvoir d’achat raisonnable, le niveau de consommation sera relevé et le besoin en domestiques dans les ménages renforcé. Ainsi, l’Etat va travailler en connivence avec les acteurs pour faire du travail domestique un métier comme tous les autres, avec des droits et des devoirs dignes de tout travailleur normal.

Aujourd’hui, des sociétés se créent pour aller vers la professionnalisation des métiers du gardiennage et des employés de maisons. Toutefois, la situation de ces travailleurs reste précaire, en ce sens que non seulement, les sociétés prennent le gros des rémunérations proposées par les entreprises et ménages partenaires, mais aussi, la distribution de la richesse y est tellement inégalitaire que la majeure partie n’ont pas les moyens de se payer de tels services, comme Ousmane SONKO l’a reconnu dans l’ouvrage, sans pour autant préciser concrètement comment il compte créer la classe moyenne et réduire les inégalités sociales, hormis l’industrialisation. C’est dire que la meilleure façon d’aller vers la professionnalisation et la formalisation d’un métier, c’est de booster d’abord la capacité de consommation (pouvoir d’achat) à travers la moyennisation pour ensuite voir comment réguler les relations entre les gens de l’offre et ceux de la demande.

SONKO se réclame comme un antisystème, mais s’entiche de beaucoup d’incohérences dans son combat contre le système.

Suscite espoir chez une frange importante de la jeunesse et de la diaspora poreuse à son discours de rupture, ses maladresses, incohérences et légèretés communicationnelle, dans son ouvrage, ses sorties publiques et sa démarche, frisant populisme et manque notoire de maturité, notamment sa fréquentation secrète de Sweet beauté, sa visite de recherche d’alliance à Abdoulaye Wade, Pape du système, pourraient impacter négativement son avenir politique et son combat contre le système.

Aussi ses incitations intempestives aux manifestations sanglantes (Mortal Combat) révèlent-elles qu’Ousmane SONKO est prêt à marcher sur des cadavres pour sauver sa peau, et ne pas aller en prison. Un vrai leader incite-t-il son peuple à la mort pour sauver sa peau ? Y a-t-il dans l’histoire des grands hommes (exemple prophète Mohamed et Nelson Mandela), une telle façon de faire ? En appelant au mortal Combat, laisse-t-il penser que sa vie est plus précieuse que celle de ses jeunes inconditionnels.

De la même manière qu’il accuse Macky SALL d’utiliser les forces de l’ordre contre sa jeunesse pour conserver le pouvoir, Ousmane SONKO utilise-t-il le peuple (la jeunesse) comme bras armé pour accéder au pouvoir ?

Dans le conflit SALL vs SONKO, sommes-nous en face d’un choc entre pouvoirisme et populisme, concepts ayant en partage l’extrémisme dans les actions, pour ne pas dire exactions ? Au Sénégal, l’exercice et la quête du pouvoir sont à repenser.

L’engouement à l’endroit des candidats du renouveau, même s’il importe d’y aller avec plus de froideur et moins de zèle et de fanatisme, est un droit. Cet enthousiasme est lié au fait que la masse a besoin de certitudes et de tranquillité. Quand on est sur le point de retrouver l’espoir, après une longue période de frustration, de déceptions et d’incertitudes, on a tendance à nous y abandonner et de refouler toute idée pouvant saper cet espoir (instinct de combinaison). «Il est agréable de se laisser aller et de hurler avec les loups», disait l’autre.

Qu’à cela ne tienne, moins de sentimentalisme dans nos façons de suivre les hommes politiques, tous bords confondus, le changement du Sénégal n’est pas entre les mains des hommes politiques. Il est entre les mains du peuple. S’il décide d’exercer sa souveraineté de vigie et se départir du suivisme inconditionnel des hommes politiques, les situations vont changer, quel que soit celui qui est mis à la tête du pays.

* Par Docteur Cheikh Tidiane MBAYE
Enseignant à l’UCAB (Sociologie de l’entreprise ; Ethique des affaires)
Spécialiste en sociologie des religions
DG Cabinet l’œil du sociologue (Formation ; encadrement de mémoires et de thèses ; production de données ; intervention sociale ; voyage d’étude ; correction de documents scientifiques)
Président Think Tank GARAB
Responsable pédagogique CLUB RMS

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Un commentaire

  1. X5

    Dauminique Strauss-Kahn est un grand homme. Piège ou pas piège, il ne devait pas faire. Il a fait, il est pris; il s’est effacé.


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