L’Université Virtuelle du Sénégal : un dangereux leurre

Il ne fait guère de doute qu’au moment de sa création, l’Université Virtuelle Sénégalaise (UVS) répondait à une urgence absolue. Le pays se trouvait avec un trop plein de bacheliers qu’il fallait absolument orienter quelque part. Les universités publiques sénégalaises avaient atteint leur point de rupture et la prise en charge d’une inscription dans le privé pour tous ces bacheliers aurait fait exploser le budget de l’enseignement supérieur. Malgré ce contexte difficile, le choix de créer une université virtuelle sénégalaise et d’y orienter le surplus de bacheliers était un choix certes politiquement pertinent mais pédagogiquement injustifiable et en tous points contraire à l’intérêt de l’État du Sénégal et de la société sénégalaise.

La seule justification de la mise en place de l’Université Virtuelle Sénégalaise est politique ; ce mot étant ici entendu au sens le moins noble qui soit. Les étudiants orientés à l’UVS, ne sont pas dans la rue à exiger du gouvernement une orientation. Malgré tout, ces étudiants ont, de facto, connu une année blanche. Pis encore, nous allons voir que l’État du Sénégal a choisi de sacrifier leur avenir en les orientant dans une structure inadaptée à leurs besoins et capacités d’apprentissage.

L’UVS en effet, quoique à certains points de vue unique au monde, s’inscrit dans un mouvement global de virtualisation de l’enseignement supérieur. Depuis le début des années 2000, avec la mise en ligne intégrale des cours du MIT, l’idée de démocratiser à peu de frais, grâce à internet, l’enseignement supérieur le meilleur au monde a fait son chemin. Les MOOC (acronyme anglais pour cours en ligne ouvert et massif) sont l’aboutissement de cette œuvre pionnière et l’UVS est une forme, certes particulièrement sommaire, de MOOC. Il existe donc une histoire des MOOC et surtout il existe maintenant des études scientifiques qui nous apprennent exactement dans quelle mesure les MOOC sont utiles et à quelles fins on devrait les utiliser. La décision de mettre en place l’Université Virtuelle Sénégalaise semble malheureusement avoir été prise en ignorant totalement ces études. Or que nous apprennent-elles ?

La plus célèbre de ces études est celle effectuée sur les étudiants de l’Université d’État de San José aux États Unis. Menée par Sebastian Thrun, le fondateur d’Udacity, une des premières plateformes de cours en ligne, elle a montré que, pour la grande majorité des étudiants, les cours à distance sur internet sont beaucoup moins efficaces que les cours en présentiel. Le taux de rétention est très bas et pour ceux qui arrivent à compléter les cours et qui passent les examens, les taux d’échecs sont plus importants que pour des enseignements en présentiel. Le résultat principal de cette étude, qui reviendra constamment dans tous les travaux ultérieurs sur les MOOC, est qu’il y a une petite minorité d’environ 5% –les étudiants qui ont la double caractéristique d’être déjà bien formés et d’être extrêmement motivés– pour lesquels cet enseignement à distance est approprié.

Pour tous les autres, l’échec est massif et beaucoup plus important que dans une formation classique. L’autre étude de référence menée par l’Université de Pennsylvanie souligne ce caractère élitiste des cours massifs en ligne puisque 80% des inscrits sur leur plateforme sont déjà titulaires d’un diplôme universitaire. Quant au rapport sur l’éducation en ligne des professeurs Hollands et Tirthali du Teachers College de l’université de Columbia, il montre que d’une part, ainsi qu’on l’a déjà dit, ce type d’enseignement est inadapté à un public non expérimenté ; mais surtout, d’autre part, que le développement d’un enseignement en ligne de qualité est couteux à la fois en ressources humaines et en ressources financières.

Que nous apprennent ces études une fois rapportées à la situation sénégalaise ? Essentiellement que la virtualisation est un miroir aux alouettes incapable de résoudre les problèmes auxquels le Ministère en charge de l’enseignement supérieur a à faire face. Notre problème en effet est d’avoir un trop plein de bacheliers et une pénurie de ressources financières à consacrer à leur éducation. Créer une université virtuelle pour y orienter ces bacheliers n’est pas une solution à nos difficultés financières si l’on sait que la mise en place d’un enseignement à distance de qualité est un processus coûteux. Rien que cette semaine, l’État du Sénégal a emprunté 3,5 milliards de nos francs pour développer la plateforme de l’Université Virtuelle. Il y a fort à parier qu’entre la construction des Espaces Numériques Ouverts disséminés dans tous le pays, la production des cours par des enseignants, la subvention des ordinateurs des étudiants orientés à l’UVS, etc., l’État se retrouvera à payer plus cher pour un étudiant orienté à l’UVS que pour un étudiant orienté à l’UCAD.

Le gâchis n’est cependant pas que financier. Il est d’abord et surtout pédagogique donc humain. Le Sénégal ne peut pas se permettre de ne pas former ou de mal former une partie de sa jeunesse. L’Université Virtuelle Sénégalaise, en tant que MOOC est cependant structurellement inadaptée au public auquel elle est destinée. Étude après étude montre que l’enseignement à distance via internet n’est adapté qu’à un public non seulement très motivé mais également extrêmement compétent. Or les nouveaux bacheliers, quelle que soit par ailleurs leur motivation, n’ont pas encore acquis les outils de base qui permettent de suivre un enseignement universitaire. Il est d’ailleurs révélateur que tous les établissements d’enseignement supérieur sénégalais qui ont développé ces dernières années une offre d’enseignement virtuelle (Ebad, Fastef, Université Virtuelle Africaine, etc.) l’aient réservée à des étudiants en formation continuée plutôt qu’à des étudiants en formation initiale.

Apprendre s’apprend et c’est le rôle des premiers cycles universitaires que de donner cette compétence là. Orienter de manière indiscriminée des bacheliers dans un enseignement à distance qui n’est adapté qu’à une minorité, c’est les sacrifier. Soit le ministère de l’enseignement supérieur n’est pas au courant de toutes les études qui ont été menées sur les MOOC et dans ce cas il a fait preuve d’une coupable légèreté et d’une rare incompétence ; soit il connaît ces études et il a fait le choix de sacrifier une partie de la jeunesse sénégalaise. Dans les deux cas il doit des explications au peuple sénégalais et aux parents des étudiants qui ont ainsi été sacrifiés sur l’autel de la raison d’État.

Dr Mouhamadou El Hady BA
Formateur à la Fastef UCAD
hady.ba@ucad.edu.sn

 

13 COMMENTAIRES
  • Oumar

    Bonjour,
    Je suis d’accord quand même que c’est un peu difficile pour ces étudiants dont certains sont novices par rapport aux nouvelles technologies mais une formation leur est délivrée avant de commencer les cours ce qui les retarde d’ailleurs.
    C’est juste pour attirer votre attention sur le fait que l’UVS ne fait pas partie des MOOC comme vous le dites. Ces cours en ligne ouverts et massifs (MOOC en Anglais) visent à valider les compétences acquises en délivrant un certificat de réussite. Ici, le qualificatif « massif » fait référence au nombre très important de participants qui peut aller jusqu’à 100 000 personnes. Ce qui est très énorme et difficile à gérer. Alors que dans les Universités telles que l’UVS, d’abord c’est un nombre très limité avec de petits groupes de travaux dirigés, avec en place des tuteurs dont le principal objectif est de soutenir les efforts d’apprentissage des apprenants. Ces tuteurs sont même appelés à faire des descentes dans les espaces numériques pour des besoins des étudiants. Et contrairement aux MOOC, dans lesquelles ce sont seulement des certificats qui sont délivrés, l’UVS délivre des diplômes au même titre que dans les autres universités publiques sénégalaises.
    Toujours est-il qu’il y a beaucoup de choses à revoir et améliorer. Entre autres, la connectivité est un souci majeur dans ce pays. Ce qui pose énormément de problèmes pour l’enseignement à distance.

    • OUMAR

      J’ai oublié de préciser que les examens dans les MOOC se font en ligne alors que pour l’UVS et autres formations en ligne, ça se fait sur table, en présentiel.

      • Mamadou Aliou DIALLO

        Je suis étudiant à l'université virtuelle du Sénégal, orienté en sciences économiques et de gestion.
        L'Université Virtuelle du Sénégal est une université où on a choisi les têtes à sacrifiées! Je m'explique. Comment peut-on orienter des tout nouveaux bacheliers à l'UVS alors qu'ils ne maîtrisent pas du tout l'outil informatique? Et, pourquoi les tuteurs même ne se connectent pas souvent à cause de la mauvaise qualité de la connexion? De même que les étudiants ne font pas leurs TD en ligne parce que tout simplement ne comprennent pas du tout l'enseignement à distance car ne maîtrisant pas l'environnement à distance et ne voient pas aussi leurs tuteurs en cas de besoin! Il est important aussi de noter que l'UVS va délivrer des diplômes à ses étudiants mais ne peut pas les donner une formation de qualité parce que tout simplement ils seront moins compétitifs devant les autres étudiants dans les universités traditionnelles . Il faut savoir que l'Etat a échouer car nous avons perdu deux années sans avancer alors que nos camarades de 2013 et de 2014 nous ont aujourd'hui devancé.

        • hiiel

          salut a tous …… J voudrais savoir en uvs les cours vont démarrer vers quel mois et ; existe t'il des des bourse pour les etudiants en uvs et en fin comment obtenir un pc portable pour pouvoir etudier avec merci a tous

      • aminata ndione

        bonjour je suis bachelier cette annee on m a oriente a l uvs je veux savoir ou se situe cette siege

  • Fall oumar

    Merci pour les informations données. La contribution serait plus intéressante, à mon avis, si, après avoir admis qu’il y a un problème réel, elle proposait une autre solution. L’UVS n’est pas bon ! d’accord; alors qu’est-ce-qu’il faut faire ?

  • abdoulaye ndiaye

    bonjour je suis bachelier cette annee j ai eu mon BAC en serie S2 mais on m a oriente a l UVS. Cette derniere est critique partout au Senegal. Benh mw qui suis oriente la ba en MATHEMATIQUE APPLIQUEE ET INFORMATIQUE je suis vrement perturbe mais je n est pa le choix. j ai des questions a qui je voulais qu on me repond; Ou se trouve l UVS ;Comment se passe les cours et les Examens ; Quant est ce que debut les cours.
    VOTRE REPONSE SEREZ UN GRAND PLAISIR POUR MOI CAR JE NI CONNAIT RIEN

  • Elhadji Dioum

    Je suis un nouveaux bacheliers en serie L2 et je suis oriente en sociologie a UVS .Et j'en n'est pas la moindre des conditions d'etudes a UVS .En effet , je voudrais savoir quand va debuter les cours a UVS pour l'annee academique 2015_2016 .
    Merci de votre comprehension
    Et votre reponse est tres important les amis svp aidez _moi

  • seynabou ndoye

    bonjour j,aimerai bien savoir quant est ce que vont debuter les cours en sociologie dans l UVS

  • Abou Demba CAMARA

    c'est du pire sacrifice,l'uvs nous qui sommes,nous regrettons énormément ya pas d'étude ya que de la tromperie,aujaurd hui les resultats du bacalaurea au senegal risquerons d'etre catostrophe car bon nombres bachelier nont plus la gou mais aussi l'envie de preparer normalement pour affronter les epreuves du bac car la vie du parcour de leurs fréres et soeurs gachès ne les donnent plus jamais confiantes d'etre orientés d'autres université,

  • NDEYE AMY NDIAYE

    C’est vraiment injuste.J’ai eu mon bac en 2014 et je n’ai meme pas encore commencé ma deuxième année.En fait l’uvs n’est qu’un garderie d’étudiants.On a bataillé pour en arriver là et eu il foute tout en l’air.Moi personnellement jamais je vous le pardonnerai parce que vous nous avez sacrifié

  • odi

    je cherche a correspondre avec un etudiant de l’uvs je voulais savoir si vous pouvez m’aider.je suis etudiant a l’uvci en cote d’ivoire

  • P OUSMANE SECK

    LES intellectuel(es)honnête ont fait ce qu’ils devaient faire et ils sont parti . Leurs suivants(malhonnête)en majorité tiennent ce monde et sont aux affaires dans tous les segments de notre espace de vie ,oh! adolescents d’ici et d’ailleurs ne soyez pas surpris si tout est au rabais . Ces suivants( )ne sont mues que par leurs profits et ceux de leurs progénitures.Tous les mots du dictionnaire ont été utilisé pour narguer son auditoire (pour ne pas dire son peuple):BOOSTER une économie,les entreprises ,la qualité des services ,l’enseignement… Que de discours sur la déontologie (MOTTES de terre OUI !)ces suivants ne croient en rien . Pourtant ils sont sorti des grandes écoles comme leurs devanciers,la majeure partie termine le cursus scolaire avec brio et ils sont si nombreux dans ce pays et ailleurs dans le monde mais,peu honnête . LE redressement des institutions, des économies, des facteurs de développements revient aux intellectuel(es)mais,vous n’y parviendrez que quant vous êtes honnête . Prenez garde alors sur ce que vous avancez car,la vie de chacun de nous à un terme bien fixé (pensez au jugement dernier ) dés lors,Oh Croyants!INTELLECTUEL(ES)de mon pays et d’ailleurs Œuvrez pour le meilleurs (C’est maintenant!). PAR La Permission et La Grace DU SEIGNEUR DE L’UNIVERS LA QUIÉTUDE reviendra pour nous et pour Les Générations Futur .

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