Dans ce contexte de quasi instabilité au niveau de la frontière sud du Sénégal (Casamance) et de la Sous-région, il nous plait de remettre au jour notre lettre adressée, en 2012, au Président de la République, Son Excellence Monsieur Macky SALL. Celle-ci traitait, point par point et de façon prémonitoire, des problèmes sociaux internes à notre pays et de ceux relevant presque de la « géopolitique ». L’acuité de ces problèmes qui défient encore le temps, nous interpelle tous.
Ce « remake » épistolaire, sans toilettage majeur, recommande, voire exige de nos autorités une re-lecture éminemment lucide. Certes, notre pays vient d’être couronné, pour la première fois de son histoire, Champion d’Afrique de football, mais rappelons-nous, malgré l’euphorie suscitée par ce sacre, les événements de mars de 2021. Souvenons-nous, également, des Etats voisins frappés par une labilité institutionnelle continue. Mais gardons surtout en mémoire que ce sont, récemment, quatre de nos braves soldats qui ont été tués et sept autres pris en otage par le MFDC, depuis les territoires gambiens.
Cette lettre soumise ainsi à la lecture du peuple sénégalais, mais adressée surtout au Chef de l’Etat, n’a pas fait que constater des faits. Elle a, par anticipation, appelé à la résilience d’une certaine manière, en alertant le Chef de l’Etat de bons nombres de menaces auxquelles nous allions faire face.
Par conséquent, nous comptons sur nos Services de Défense, de Sécurité et de Renseignements pour que notre message parvienne, si cela n’a jamais été fait, aux yeux et aux oreilles de son principal destinataire : SE, Monsieur le Président Macky SALL. Nous ignorons ce que lui suggèrent en ce moment ses conseillers spéciaux, mais il faut qu’il sache que seule la prise en compte de ces quatre mesures suivantes garantira la stabilité de ce pays, au moins jusqu’en 2024 : (1) réduction du prix des denrées dites de première nécessité, (2) réduction du loyer, (3) insertion professionnelle des jeunes et (4) fonctionnement réglementaire des institutions.
« Cher Macky », voudrions-nous lui dire directement, cette lettre, ci-dessous, est peut-être votre ultime boussole.
Monsieur le Président de la République du Sénégal,
Après votre « plébiscite » à la tête de la Grande Nation sénégalaise, je viens, en tant que citoyen ordinaire, vous encourager et vous exhorter à plus de vigilance et d’engagement pour la réussite de la noble mission qui vous a été assignée.
G
râce au vaillant Peuple du Sénégal, dont le vœu fut exaucé par Dieu, vous êtes devenu notre quatrième Président, bien que vous fissiez face à un adversaire « redoutable ». Votre accession à la magistrature suprême est le fruit de l’attitude digne et responsable dont vous avez fait montre, lorsque vos anciens collaborateurs se sont acharnés sur votre personne. Dans un de mes écrits (2009) intitulés « Mensonge et illégitimité au Sénégal, Des faits qui confirment les inquiétudes de Sérigne Cheikh Ahmed Tidiane SY », je consacrais quelques lignes à ce conflit qui vous opposa à la valetaille de notre ancien Chef d’État, SE, Monsieur Abdoulaye WADE. Ce tripatouillage institutionnel orchestré contre votre personne, a tout de même permis aux Sénégalais de saisir des aspects jusque-là méconnus de votre personnalité. Un homme certes flegmatique, serein, mais également combatif.
Qu’en soit remercié notre Président à travers qui je suis dorénavant plus que persuadé que la vie est une lutte, que les anciens partenaires et amis d’hier peuvent être les adversaires et les ennemis de demain. Grâce à votre parcours, je sais que, malgré les obstacles, nul ne doit lâcher la bride, mais aussi, que chacune de nos décisions et chacun de nos actes ont un coût, un prix.
Macky SALL, voilà comment nous vous appelons dans la « rue ». Armez-vous de courage, soyez très vigilant et engagé, surtout. Bonne chance !
À présent, permettez-moi, mon cher président, de vous livrer quelques avis à propos de sujets sur lesquels, j’en suis sûr, vous êtes en train de réfléchir.
Inflation
Aujourd’hui, tout dirigeant, qui veut un second mandat, doit impérativement lutter contre ce « fléau » : l’inflation. Diminuer le prix des produits alimentaires est aussi nécessaire que la réduction du coût de l’électricité, du logement ou l’accès au soin pour tous. Il faut une mise en place régulière d’actions porteuses pour mieux contrôler le prix des denrées dites de « premières nécessités » au niveau des points de ventes, surtout chez les boutiquiers de quartier, qui usent de multiples malices pour contourner les prix fixés par l’Etat. Par exemple, certains boutiquiers augmentent le prix des articles non homologués, ou tout simplement ne respectent pas le poids requis pour certains produits, pour gagner ce qu’ils pensent perdre dans l’homologation.
Si j’étais président, je considérerais, à chacun de mes réveils, ce fléau qu’est l’inflation, comme un criminel qui chercherait à anéantir tous mes biens, ma femme et mes enfants.
Emploi des jeunes
La jeunesse se sent désintégrée de sa société. L’emploi constitue pour elle le moyen de se donner une identité au sein de la communauté et lui permet de mesurer son utilité sociale. L’absence de travail la rend rancunière, révoltée et la contraint à opter pour la déviance ou pour toute autre forme de reconversion professionnelle pouvant conduire à une instabilité sociale.
L’éducation scolaire et universitaire
Aujourd’hui, l’élève et l’étudiant inspirent presque la honte tellement leur avenir ne présage rien de certain, au moment où le muscle devient la référence sociale (« La lutte sénégalaise, une bonne merde », un article que nous avions écrit). C’est l’image de l’étudiant, de l’enseignant, du professeur qui devrait être revalorisée, à travers leur situation matérielle, mais également, grâce à leur performance intellectuelle, afin de susciter, chez les enfants, l’amour du savoir (« Esquisse d’un mémorandum synthétique de la jeunesse sénégalaise », envoyée au Président WADE, à sa propre demande, le 23 juillet 2011, par l’entremise des jeunes de L’UJTL).
Parrainage des événements sportifs et autres évènements par des ministres de la République
Il y a dans votre entourage des personnes qui utilisent leur statut de ministre comme une ruse pour faire leur promotion politique personnelle, alors que leur mission véritable est de travailler en équipe et pour l’intérêt du Sénégal tout entier. Quiconque croit qu’en parrainant des combats de lutte, par exemple, il s’attirera la sympathie et le suffrage des sénégalais, se trompe lourdement et n’aurait même pas assimilé les erreurs de WADE, parmi lesquelles se trouvent la « carte-lamb, Modou LO ou Balla GAYE ». Rappelons-nous, le Président Wade avait essayé, avec maladresse et au mépris des priorités du pays, de réconcilier les deux lutteurs à l’intérieur du Palais Présidentiel.
Je m’esclaffe quand j’entends des hommes politiques agiter l’idée d’inclure un « lutteur » dans la résolution de la crise casamançaise. Ces représentations marchent comme un « symbole magique » (Didier DEMAZIÈRE), mais n’ont quasiment rien d’objectif. Là où le Président lui-même a décidé de « fuir » les médias, je trouve anormal la surexposition médiatique d’un ministre qui profite de son statut pour jouer au « bon samaritain ».
Sur l’international
Le problème malien nous « pend au nez ». C’est donc notre problème. Mais faisons-en une lecture éclairée. Pour capturer KHADAFI, les Occidentaux ont ouvert une brèche afin de permettre aux Rebelles touaregs et à Al-Quaїda d’avancer vers le désert du Mali. Ils ne sont intervenus que lorsque KHADAFI fut isolé. Alors, ma conclusion est que le problème malien actuel, c’est l’Occident. Il est de son intérêt de confiner des forces qui lui sont hostiles loin de ses territoires. Limalay wax, dёgё bu leerla, aqiqala. Kon da ngéy naxantee ak ñoom.
Dans un, deux ou trois ans, Monsieur le Président, des pressions de toutes sortes seront mises sur votre personne. Je vous en citerai juste une. La France s’est engagée dans la voie de la légalisation de l’homosexualité et de l’homoparentalité, après les avoir « combattues » pendant longtemps. Je crains qu’une fois qu’elle aura adopté cette loi, qu’elle veuille l’imposer au reste du monde, surtout aux États comme le nôtre. Assurer la présidence de la république, pour un musulman (ou pour tout croyant), c’est aussi mettre en pratique certaines exigences de sa foi.
Par ailleurs, Monsieur le Président, j’ai le sentiment souvent que certains de nos partenaires occidentaux œuvrent subrepticement pour faire plus tard du conflit en Casamance un foyer de déstabilisation du Sénégal, en l’occurrence le jour où notre pays se comporterait en « mauvais élève ». Les douteux soutiens apportés aux « Nouveaux Rebelles » – devenus soudainement fréquentables) – ne sauraient avoir pour moi la force d’un argument dirimant.
Monsieur le Président, « gouverner, c’est prévoir », dit-on. Alors, il faudrait, dès maintenant, engager des réflexions profondes allant dans ce sens, et voir quelles stratégies adopter pour résoudre définitivement la crise casamançaise. D’aucuns pensent qu’il faut utiliser tous les moyens possibles. Mêmes militaires ! Mais le dialogue doit prévaloir avant tout.
Doléances
Mon cher Président, veuillez-vous pencher sur le sort des militaires sénégalais libérés du service actif, valides et invalides, sur lesquels j’ai consacré deux mémoires (master 1 et master 2), et sur lesquels… (cette partie a été volontairement élidée).
Par Dr Malick GAYE
Spécialité : Sociologie militaire
Etudiant à l’époque
socioomalick@yahoo.fr
Fait à Dakar, le 8 août 2012
Article prémonitoire vraiment. Tout y est dit