Insécurité : « Une translation perceptible et prévisible… »

L’assassinat, dans la nuit du mardi 21 au mercredi 22 janvier courant, à Kaolack du jeune ressortissant américain Mohamed Cissé a créé l’émoi, suscité l’indignation et provoqué un véritable effet de sidération au sein des populations et plus particulièrement dans la communauté religieuse de Médina Baye dont il était un fervent disciple. La nature des blessures infligées aux victimes en disent long sur la barbarie, la sauvagerie et la violence inouïe qui animaient les agresseurs.

Cet acte odieux relevant du grand banditisme soulève, on serait tenté de dire une fois de plus, le problème de l’épineux fléau que constitue l’insécurité dans notre pays. Et, il faut admettre, tout tend à le démontrer, que c’est un phénomène prégnant[u1] et récurrent qui semble se développer de manière exponentielle sur l’ensemble du territoire national. Toutefois, il est bon de préciser que l’insécurité est un phénomène inhérent à la vie en communauté ; aucun groupe social n’y échappe. Il s’agit de s’organiser pour en limiter les effets pervers avec la mise en place de structures dédiées à la lutte contre le fléau, comme la police et la gendarmerie. Il est dit « qu’il y a fonction policière lorsque, dans le cadre d’une collectivité présentant les caractères d’une société globale, certains des aspects les plus importants de la régulation sociale interne de celle-ci sont assurés par une ou des institutions investies de cette tâche, agissant au nom du groupe, et ayant la possibilité pour ce faire d’user en ultime recours, de la force physique ».

Il faut nécessairement faire le départ entre le phénomène de l’insécurité et les nombreux cas de violences, notamment domestiques qui sont mal maîtrisées par les forces de police et de gendarmerie, parce qu’étant hors de leurs zones de compétence et de leurs champs d’action. Ces violences ont souvent un caractère spectaculaire qui les met au-devant du champ médiatique qui en amplifie les échos auprès des populations. Cette résonance médiatique qui privilégie souvent le sensationnel au détriment des faits développe chez les populations un sentiment d’insécurité qui, parfois, peut ne pas refléter l’état réel du phénomène. Le sentiment d’insécurité relève de la perception subjective ; « La sécurité est l’état d’esprit qui résulte de l’opinion que chacun se fait de sa propre sûreté » (Montesquieu). Autant il faut combattre l’insécurité, de la même manière il faut vaincre le sentiment d’insécurité.

La tragédie qui s’est passée récemment avec le meurtre ignoble perpétré à Kaolack fait suite à une longue série d’agressions les unes plus violentes que les autres dans différentes localités ; et ce qui semble nouveau, c’est le développement, la propagation et la prévalence du phénomène de l’insécurité dans des zones traditionnellement épargnées, notamment le monde rural et de manière globale ce que l’on appelle l’intérieur du pays. C’est une translation perceptible et même visible qui s’explique par plusieurs facteurs.

Il y a d’abord, et c’est à saluer, les différentes actions des forces de sécurité, notamment la police, dans la capitale avec une présence quasi permanente et une traque sans répit contre les différentes bandes criminelles qui y sévissent. La police a réhabilité d’anciens modes opératoires, notamment les patrouilles, pour assurer une présence permanente dans les quartiers, plus particulièrement au niveau de la banlieue très longtemps désertée par les forces de sécurité ; de même qu’en matière d’innovation la police a privilégié l’approche préventive non seulement en se réappropriant la voie publique mais aussi en orientant son action dans l’utilisation des nouvelles technologies telle que la vidéo surveillance. Tant d’efforts ont poussé les délinquants à migrer à l’intérieur du pays.

Face à de nouveaux dispositifs qui les bousculent dans leurs certitudes et leurs habitudes, les délinquants adoptent ce que les chercheurs appellent des stratégies de déplacements ; elle peut etre géographique (un même délit est commis dans un lieu différent), temporel (commis à un autre moment de la journée), tactique (selon une méthode différente), ou fonctionnel (le même délinquant commet un délit de nature différente). Dans notre cas d’espèce, les délinquants traqués et mis à l’étroit dans la capitale et sa banlieue ont adopté la stratégie de déplacement géographique en investissant des zones reculées non encore prises d’assaut par les forces de sécurité ; et ne cela ne devrait guère surprendre. On note également de plus en plus de déplacements des centres urbains vers le milieu rural qui présente des vulnérabilités ; on y observe ce que j’appelle des déserts sécuritaires, c’est-à-dire de très vastes étendues géographiques ou l’on note une absence totale de forces de sécurité.

La fracture entre les centres urbains et les zones rurales a tendance à se réduire ; on trouve, désormais les mêmes produits de consommations, les mêmes services et les mêmes offres. Ceci a été favorisé par une politique de proximité généralisée dans beaucoup de domaines d’activités (lieux de commerce, stations d’essence, structures de micro finances etc…). Les délinquants ont d’autant plus de faciliter à opérer qu’ils profitent des avantages et facilités offerts par l’utilisation de véhicules pour assurer une plus grande mobilité dans leurs déplacements criminels ; ainsi peuvent-ils aller commettre leurs forfaits dans des endroits très éloignés de leurs bases de repli.

L’Etat a initié différentes politiques publiques pour maintenir les populations dans leurs terroirs et juguler ainsi le phénomène de l’exode rural ; cette option a eu pour conséquences une croissance démographique constante qui, malheureusement n’a pas été accompagnée d’un accompagnement sécuritaire. La population progresse alors que le taux d’encadrement stagne ou régresse avec pour conséquences une prise en charge sécuritaire défectueuse dont profitent les bandes organisées pour accomplir leurs forfaits.

Comme il est aisé de le constater l’insécurité, notamment le grand banditisme dans ses manifestations les plus violentes gagnent de plus en plus de terrain dans les zones reculées et isolées difficile d’accès. Il faut une réelle et véritable prise de conscience des autorités pour comprendre que la lutte ne peut etre gagnée que par une forte montée en puissance des forces de sécurité qui doivent être renforcées tant du point de vue des effectifs que des ressources matérielles et financières. Les forces de gendarmerie doivent pouvoir effectuer de manière constante et régulière des interventions et des projections en profondeur ; cela nécessite des équipements appropriés et suffisamment d’hommes à déployer.

Les autorités doivent revoir la cartographie sécuritaire du pays pour une répartition plus judicieuse des zones de compétence entre la Gendarmerie et la Police ; il se pose souvent sur le terrain des dysfonctionnements très préjudiciables à l’efficacité des actions mais aussi sources de confusion pour les populations qui ne savent pas à qui s’en remettre. Compte tenu d’une plus grande présence et d’une prévalence en très nette progression du banditisme dans le monde rural, il me parait nécessaire pour la Gendarmerie d’effectuer un repli des centres urbains et un retour vers les zones rurales en proie au fléau de l’insécurité ; un redéploiement qui doit etre accompagner par un relèvement du niveau des équipements (hélicoptères, drones, véhicules tout terrain etc…).

Le Président doit faire de la sécurité une sur priorité, ce qui ne semble pas etre le cas pour l’heure au vu de l’absence d’une réelle volonté politique pour une prise en charge correcte et efficace des besoins sécuritaires des Sénégalais. Il faut une réorientation budgétaire qui permettrait des investissements conséquents et massifs pour une forte montée en puissance des forces de sécurité ; de manière lucide et courageuse, il y a lieu, à mon avis, de revoir les dépenses prioritaires en faveur des forces de défense et de sécurité.

Pour gagner le combat contre le phénomène de l’insécurité il faut un engagement de toutes le composantes de la nation ; les forces de sécurité qu’il faut féliciter pour l’excellence de leur travail et leur dévouement, ne peuvent à elles en venir à bout. Aussi me parait-il d’une urgente nécessité pour les pouvoirs publics de créer les cadres et plateformes idoines pour favoriser un partenariat dynamique et salutaire entre les forces régaliennes traditionnellement en charge de la sécurité et les populations dont l’implication est indispensable. Les dispositifs territoriaux prévus dans la loi d’orientation de la sécurité intérieure auraient pu infléchir la courbe de l’insécurité.

« La sécurité précède le développement ».(Cheikh Anta Diop)

« La sécurité sans le développement c’est des prémices, le développement sans la sécurité est un sursis ». (François Mitterrand)

Dakar le 10 Février 2020.

* Boubacar SADIO
Commissaire divisionnaire de police de classe
Exceptionnelle à la retraite.

2 COMMENTAIRES
  • Malick Diallo

    ces bien beau de parler la responsabiliter vien de nos dirigeans qui delatide les bien de nos peuple les gens sont proteger par un president verreux malhonnete ces le meme systeme depuis les independances il senrichie sur le dos des gens la jeunesse est laisser enrade il nont pas de travaille il sont aiyer de passer par la mer en empreitant les bateaux hor que les marabouts les politiciens verreux vit sur le dos des pauvres citoiyens he vous jure si tiutes foi le systeme de gouvernance nont pas changer vous verrai pur a lavenire le peux que nous avons il faudra le partager

  • franky

    il aime trop les longues lettres Wakh rek .Nekoon nga fi my bro defo fi dara

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