Il sera difficile de relever le défi de l’emploi pour le reste du quinquennat Macky si… (Par Mouhamed Koudo)

Vous l’avez tous remarqué. Les États du monde entier se foutent complètement en ce moment des critères macro-économiques, du taux d’endettement, du seuil de masse monétaire qu’il faut injecter sur le marché. Et tout cela pour…. rester envie et sauver des vies. Pourtant sauver des vies, c’est aussi donner de l’emploi, protéger les travailleurs et stimuler l’économie.

Lors de ma précédente tribune, je disais que certaines priorités comme l’environnement, la lutte contre le chômage étaient relégués au second plan au grand bénéfice de la bataille toute légitime contre le Coronavirus.

Quand on y pense, le Covid-19 est une aubaine pour notre pays dans le cadre d’une stratégie de lutte contre le chômage, qui devrait être la première priorité nationale post-pandémie. Les moyens colossaux dégagés en ce moment devront être pérennisé. In-fine, on s’en fou royalement de l’endettement, s’il est bien fait et pour une bonne cause.

Selon les dernières données rendues publiques par l’Agence nationale des statistiques et de la démographie (ANSD), le niveau du chômage des personnes âgées de 15 ans et plus est évalué à 14,3%, au quatrième trimestre 2018.

L’agence explique que ce phénomène est légèrement plus marqué en milieu rural où 16% de la population active est au chômage, contre 12,5% en zone urbaine.

Dans un rapport datant de mars 2018, la Banque Africaine de Développement (BAD) nous informait que la part cumulée des emplois vulnérables et des chômeurs dans la population active a atteint un pic d’environ 90 % au Bénin et au Niger en 2016. Elle a varié entre 70 et 90% en Côte d’Ivoire, en Gambie, au Ghana, au Mali, au Sénégal et au Togo.

Enfin, le chômage touche davantage les jeunes diplômés, notamment ceux ayant passé quelques années à l’université. 27% des bac+2 n’ont toujours pas décroché d’emploi selon l’ANSD, sans compter les nombreux parmi eux qui sont en stage de pré-embauche depuis plus de 6 mois.

Des chiffres qui doivent nous interpeller d’autant plus qu’avec le Covid-19, nos systèmes seront durablement perturbés.

Fort de ce constat, nous devons être réactif, préactif et proactif. C’est à dire ne pas différer la résolution de la problématique du chômage, mettre les dispositifs de lutte immédiatement en place, saisir l’opportunité et agir. Pour cela il faut une attitude adaptative, préventive et volontariste.

La solution au chômage est bien sûr de créer de nouveaux emplois. On sait que la manière de poser une question change la réponse. Si la bonne question n’est pas posée, la réponse passera certainement à coté. A cet effet, j’en viens sur quelques leviers qu’on devrait tout de suite pré-activer pour enclencher le processus de création d’emplois en masse.

La politique monétaire – Baisser les taux d’intérêts

La première solution est une politique monétaire. C’est puissant, rapide et efficace. Baisser les taux d’intérêt pour permettre aux personnes physiques et morales d’emprunter plus facilement ce dont elles ont besoin. Cela devra inclure l’achat de véhicules, de maisons et articles grands publics. Cela stimulera une demande suffisante pour booster l’économie. Les faibles taux d’intérêt permettrons également aux entreprises d’emprunter moins cher. Cela leur donnera un capital financier nécessaire pour embaucher suffisamment de travailleurs pour répondre à la demande croissante. C’est pourquoi d’ailleurs, à défaut de demander une baisse supplémentaire du taux d’intérêt principal de la Bceao qui est actuellement de 2,5%, il faut en profiter.

Politique fiscale ou budgétaire

Si à la fin de la pandémie la récession est plus grave que prévue, la politique monétaire pourrait ne pas suffire à elle seule, le gouvernement devra réduire les impôts ou augmenter les dépenses pour stimuler l’économie. Une politique budgétaire donnera la confiance nécessaire à la population pour redémarrer la consommation quand on sait que la réduction des impôts fonctionne comme une baisse des taux d’intérêt. Les deux donnent aux entreprises et aux consommateurs plus d’argent à dépenser. Cela augmente la demande. Il donne aux entreprises plus de trésorerie pour investir et embaucher plus de travailleurs.

Ensuite, augmenter les dépenses publiques en mettant en place des programmes/emplois. Dans cette hypothèse, le gouvernement contracte avec les entreprises ce que j’appelle un pacte Marchés contre X recrutement(s) exigé(s). C’est à dire imposer le recrutement de X travailleur(s) pour la réalisation d’un projet étatique X. Cela obligera aux entreprises de recruter et non de faire faire des heures supplémentaires aux travailleurs existants. Les projets en cours comme le BRT et le TER peuvent faire l’expérience de ce type de mesure.

Ensuite, réduire les charges sociales des entreprises. Le meilleur allégement fiscal devra porter sur les Petites et Moyennes Entreprises (PME) qui représentent 99,8% des unités économiques du pays.

Le troisième dispositif de lutte contre le chômage consiste évidement à financer l’éducation.

Dans cette hypothèse recruter au moins 5 000 enseignants spécialisés dans les métiers de l’avenir (même s’il faut les recruter dans la diaspora). Le raisonnement est simple. Tous les travailleurs dans les métiers de l’avenir gagnent beaucoup d’argent, de facto ils ont un pouvoir d’achat plus élevé et de facto ils dépensent plus. La demande stimule la création de l’offre.

Pour une bonne politique de l’emploi, une protection des travailleurs (mutuelle, retraite, etc), le gouvernement doit régler certains pré-requis comme :

– Tirer l’informel vers le formel
Constat : dans chacune des régions du pays, le nombre d’employés du secteur informel dépasse largement celui du formel. Prés de 70% du personnel en activité dans le pays exercent dans l’informel.

– Alléger drastiquement les conditions de prêts aux PME
Constat : lors du Recensement général des Entreprises dans le cadre du Projet de Rénovation des Comptes nationaux (PRCN), le RGE a dénombré un nombre non négligeable d’entreprises en arrêt momentané de leurs activités à cause d’un manque de fonds (48,8%).

Il y a fort à parier que si le gouvernement prend pas des mesures d’anticipation dans le cadre de la politique de l’emploi tout de suite, il sera difficile de relever le défi de l’emploi pour le reste du quinquennat du président de la République.

Mouhamed Koudo
Prospectiviste, Conseiller en management stratégique & communication

 

 

23 COMMENTAIRES
  • Mansour

    Excellente analyse

  • Jean François

    Des propositions pertinentes pour nos autorités. J’espère que vous serez écouté.

  • Anonyme

    macky avait promit 1 million d’emploi et aujourd’hui il ne lui reste que 3 ans tout au plus; et les tendances sont vraiment pas bons pour lui

    • issa ndoye

      Si ces recommandations de koudo sont prises en compte je pense que l’état peut s’en sortir mais ce sont les ministres en charge de ce secteur qui m’inquiète dara khamouniouko. En tout cas pertinente contribution.

  • Niangfall

    l’emploi c’est pas la priorité de ce gouvernement faut même pas espérer qu’on vous écoute. Ils sont préoccupés par la façon de faire du seddo avec le riz

  • Anonyme

    diadieuf koudo vous êtes notre espoir pour relever le défi de l’emploi des jeunes

  • laye

    mouhamed tu veux juste aider ton patron dans son appel pour l’annulation de la dette

    • Ismou

      Tu as raison sama wadji il est un pro macky

      • Malick

        Cela fait rien d’être un pro macky le probléme c’est de savoir être honnête et efficace. Moi je le suis sur facebook et sincerement il est trés pertinent dans ses analyses et positions.

  • Sira

    la situation est grave et c’est les jeunes qui vont encore trinquer si rien n’est fait alors même que le gouvernement peine à créer des emplois non précaires

  • tiken jah

    Depuis la reelection de macky je ne vois pas quel emploi il a creé à part des politiciens affamés et son beau frére qui nous tue avec le scandale du riz

  • deggnadeug

    belles id&es et excellent point de vue mais ton président ne fera rien mais plutot il préfére pathio sougnou alal avec une bande d’arrivistes bien identifiée. ces 1million d’emploi ou en sommes nous ? n’est ce pas qu’il l’avait promit; vivement 2024

  • Anonyme

    macky Sall est occupé à la distribution du riz et de l’huile les chômeurs attendront 

    • Anonyme

      comme toujours dailleurs

  • anonyme

    le pire echec de ce gouvernement c’est l’emploi

    • samba ka

      Les emplois créés sont les asp avec des salaires qui frisent le ridicule

  • Henry Diouf

    Je ne commente pas souvent sur les sites mais force est de reconnaitre que cette contribution est d’une force de proposition rarement vue dans la toile. Bravo à vous mr koudo. J’aime beaucoup la proposition concernant le pacte entre secteur privé et pouvoir public pour la création d’emploi. Espérons que les pouvoirs publiques appliquerons ces mesures.

  • Anonyme

    vous avez bien fait de relever que les entreprises n’embauchent plus. Elles font faire des stages interminables aux jeunes, l’état devait prendre des mesures contre les entreprises qui ne respecte pas le code du travail

  • Iboulaye

    La priorité du gouvernement c’est pas l’emploi mouhamed et tu le sais trés bien même si je trouve tes idées pointues. je demande qu’à voir leur mise en oeuvre et tu ferais bien un ministre chargé de l’emploi

  • Hanne

    Contribution de très haut niveau

  • Abdoulaye

    Brillante contribution

  • Mamadou Diédhiou

    On fait face à une théorie, donc tout est beau. La réalité c’est du  »gnekhoum niébe ». Tous les problèmes du Sénégal en premier lieu mal gouvernance. Régler d’abord ce mal c’est créer des emplois

  • Djiby diaspora

    Trrop de chomage au sénégal et aucune vrai solution à part faire de la politique matin midi soir. ces reflexions pourraient etre efficace si les bonnes personnes etaient à leur place.

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