Exploitation du pétrole : « Pour la protection de l’environnement marin face aux risques… »

L’exigence d’une règlementation rigoureuse pour la protection de l’environnement marin face aux risques inhérents à l’exploitation et a l’exploration du pétrole (Par Babacar NDIAYE)*

Du pétrole et du gaz ont été découverts en 2001 dans l’écorégion marine et côtière de l’Afrique de l’Ouest. Cette écorégion regroupe six pays : la Mauritanie, la Gambie, la Guinée Bissau, la Guinée, le Cap Vert et le Sénégal, et couvre plus de 3500 Km de côte. Le fait que beaucoup d’espèces passent différentes phases de leur vie dans les eaux de ces six pays, souligne la nécessité de comprendre et de gérer pour chacun de ce ces Etats le milieu marin.

La pêche, dans cet écosystème, génère quelque 500 millions d´euros chaque année, ce qui est en fait aujourd’hui une source unique de devises dans la région et une source essentielle de revenus pour le développement économique et social. Environ 10 millions de personnes vivent le long de cette côte et plus de 600.000 hommes et femmes dépendent directement de la pêche et des industries connexes. Le pétrole peut constituer une ressource vitale pour les pays de la région mais l’histoire du pétrole en Afrique est jalonnée de problèmes identifiés par le Rapport d´Evaluation des Industries Extractives (EIR) qui a mis en lumière des problèmes sociaux et environnementaux.

Mais leur extraction génère également une série de coûts sociaux et environnementaux présents et futurs, directs et indirects, qui doivent être comparés aux bénéfices qu’ils apportent. Bien que d’importantes conventions telles que la convention sur la biodiversité, la convention sur les espèces migratrices ou la convention RAMSAR relative aux zones humides d’importance internationale n’ont pas formulé de restrictions spécifiques pour l’industrie pétrolière offshore, toute exploitation doit bien évidemment être conforme aux principes généraux contenus dans ces conventions. Cependant, leur extraction n’est pas évidente et présente des risques pour l’environnement.

Si cette extraction n’est plus contrôlée, les conséquences pour l’environnement peuvent être très néfastes. Elle peut entrainer en effet des marées noires avec les conséquences qui s’en suivent, pollution des eaux, mort des poissons etc. Les actions non réglementées de l’Industrie Pétrolière détruisent les habitats et portent atteinte à la biodiversité. Les déversements de pétrole peuvent aussi endommager des forêts de mangrove, des récifs coralliens et des pêcheries, à la suite d’accidents graves et de fuites régulières impliquant des pétroliers, des balises de chargement et des plateformes de forage et de production. C’est pour toutes ces considérations qu’il est important de réfléchir sur la nécessité de protéger l’environnement contre les risques inhérents à l’exploration et l‘exploitation du pétrole. Autrement dit l’exploitation pétrolière et le droit de l’environnement du Sénégal.

Au Sénégal nous avons le code de l’environnement (Loi Nº 2001 – 01 du 15 Janvier 2001). Ce code, composé de treize chapitres (13), de quatre titres (4) et de cent huit articles (108), ne fait pas de distinction entre les différents milieux que constitue l’environnement du Sénégal. Dans certains Etats, elles en n’existent tout simplement pas. En attendant, des dizaines d’entreprises réalisent des travaux à risques en milieu profond et ultra profond, sans disposer des capacités financières pour faire face à un éventuel accident.

L’initiative des Etats de la côte atlantique de l’Afrique de se doter de règles communes doit donc être saluée et encouragée. Car si certains grands groupes disposent de standards environnementaux internes censés combler les carences des législations les plus lacunaires, les entreprises plus modestes n’apportent pas la même attention à l’environnement.

Comme l’ont démontré les accidents récents, la résolution des problèmes techniques s’avère particulièrement complexe lorsque le forage est réalisé en milieu profond ou ultra profond. Il a ainsi fallu 87 jours en 2010 pour obturer le puits de la plate-forme Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique, tandis que l’équivalent de 5 millions de barils de pétrole était déversé dans l’océan. L’extraction de pétrole et de gaz en mer est donc une activité dangereuse, ayant potentiellement un impact sur l’environnement si elle n’est pas réalisée dans des conditions de sécurité optimale. Or, les Etats ne disposent pratiquement pas tous du même arsenal (technique, scientifique, juridique) pour imposer à l’industrie des règles permettant de limiter l’impact de leurs activités. Si les outils de nombreux pays occidentaux se sont considérablement étoffés ces dernières années, nombre de pays en développement ne disposent ni des règles suffisantes, ni des moyens nécessaires pour les faire appliquer.

De plus, il n’existe aucune convention internationale imposant des règles de sécurité minimales pour l’ensemble des forages offshore. Un projet en ce sens a bien été évoqué en 2010 dans le cadre du G20, mais l’ambition a rapidement décliné et il n’en est plus question aujourd’hui. Ce qui aurait dû permettre de prévoir des dispositions communes et une application harmonisée des pays signataires de cette fameuse convention. De la même manière, il n’existe aujourd’hui aucune règle internationale en matière de responsabilité et d’indemnisation en cas de pollution résultant d’activités offshore. Cependant une analyse détaillée et combinée des deux différentes législations (le code de l’environnement et le code pétrolier) doit être faite afin de prévoir des clauses de responsabilité des contractants qui permettra de remettre en état du site à la fin des opérations pétrolières.

Le Sénégal a un régime de protection des espèces marines assez épars. On trouve des dispositions relatives à la protection des espèces dans plusieurs Codes sectoriels. Le Code de l’Environnement, contient des dispositions susceptibles de s’appliquer à la protection de l’environnement en général. Au terme de l’article L3 : « La présente loi a pour objet d’établir les principes fondamentaux destinés à gérer, à protéger l’environnement contre toutes les formes de dégradation, afin de valoriser rationnellement l’exploitation des ressources naturelles, de lutter contre les différentes sortes de pollutions et nuisances et d’améliorer les conditions de vie des populations dans le respect de l’équilibre de leurs relations avec le milieu ambiant. Le présent Code fixe les règles de base en matière de protection de l’environnement.». Il résulte de cette disposition que la protection de l’environnement est bien prise en compte par le code de 2001. Ce présent code se limite uniquement à poser des principes généraux relatifs à la protection de l’environnement. Il urge de soulever les insuffisances de la règlementation de l’environnement surtout par rapport à la nouveauté des découvertes pétroliers offshore dans le pays d’où la nécessité de revisiter le code afin de mieux protéger le milieu contre tous risques dans la phase exploration comme celle de l’exploitation de notre or noir.

Un des principes fondamentaux pour la protection de l’environnement qu’est le principe de précaution, doit inspirer le législateur sénégalais pour un projet de loi-cadre sur la gestion de l’environnement, ce principe permet de se reconnaître responsable des faits même en situation d’incertitude. Le professeur Jean-Marc LAVIEILLE soutient en ce sens que : « le principe de précaution consiste à dire que non seulement nous sommes responsables de ce que nous savons, de ce que nous aurions dû savoir mais, aussi de ce dont nous aurions dû nous douter ». Cette impérative de protection de l’environnement contre les risques de l’exploitation du pétrole n’est pas seulement l’affaire des environnementalistes.

Aujourd’hui le code pétrolier (Loi 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier) devait comporter des dispositions allant dans ce sens. Mais ledit code est une loi qui fixe que les orientations globales dans l’amont pétrolier sénégalais, c‘est à dire dans l’exploitation, la production et le transport jusqu’au point de vente. Il ne traite pas donc des activités relatives à la protection de l’environnement, au raffinage et à la distribution des produits pétroliers qui constitue l’aval pétrolier. Ce code est constitué d’un exposé des motifs et de 71 articles regroupés par grappe en 14 chapitres. Chaque chapitre traite d’un aspect particulier lié aux conditions fiscales, techniques, ou administratives concernant l’exploitation, la production et le transport des hydrocarbures. Cette analyse montre en effet que l’aspect prévention et protection n’apparait absolument pas dans le code pétrolier.

Les nouveaux ministres de la pêche et de l’économie maritime et du pétrole et des gaz ainsi que les députés de la quatorzième législature doivent ensemble faire une lecture combinée de ces deux textes afin de d’anticiper sur les risques pouvant naître de l’exploitation du pétrole et du gaz sous nos eaux. Il y va de l’intérêt de notre économie maritime.

Le Code pétrolier prévoie la possibilité pour l’Etat de conclure deux types de contrats pétroliers : la Convention de concession ou le Contrat de Partage de Production connu sous le nom de Contrat de Recherche et de Partage de Production. Cependant, le Contrat de Recherche et de Partage de Production reste le seul contrat pétrolier en vigueur au Sénégal. Il comprend trois parties : le préambule, le texte principal Et les annexes.

Le texte principal se développe sous forme de 35 articles regroupés en 6 titres. Il définit les parties au contrat, son objet, sa durée de validité ainsi que les droits et obligations respectifs des parties dans la conduite des Opérations pétrolières. Le présent Contrat fixe notamment les conditions dans lesquelles seront effectuées la recherche et l’exploitation des Gisements Commerciaux d’Hydrocarbures, ainsi que le stockage, le transport, le traitement primaire, la liquéfaction, l’évacuation des Hydrocarbures ainsi que des substances connexes et/ou des produits qui en dériveront par séparation ou traitement, le raffinage proprement dit étant exclu.

Le présent Contrat est conclu pour la période de recherche, y compris ses renouvellements et prorogations, ainsi que pour la période d’exploitation relative à chaque Gisement Commercial. Généralement, une disposition spécifique anticipe tout préjudice potentiel résultant des opérations pétrolières. Elle évalue les impacts possibles des opérations pétrolières et crée une référence pour les mesurer (telles que des évaluations de l’impact environnemental et social, des études de base et des conditions nécessaires permettant d’obtenir les accords et les permis environnementaux nécessaires). Les contrats pétroliers devraient également comporter une clause engageant la responsabilité de la compagnie pétrolière, en cas de préjudice, garantissant la prise en charge des coûts liés au préjudice, précisant la répartition des responsabilités et les exigences en matière d’assurance. En revanche le contrat de partage de production ainsi que le contrat de concession devront comporter des clauses permettant d’engager, en cas de dommage, la responsabilité de l’auteur et de l’obliger à la réparation de ce préjudice.

Pour se faire, il faut des dispositions lisibles, clair sans équivoque et sans ambiguïté possible. Ces clauses peuvent être de différente forme. Elles peuvent être d’ordre technique, financier, administratif comme environnementales. La notion de responsabilité civile est définie par le code des obligations civiles et commerciales. D’après la loi, vous êtes responsables des dommages que vous pouvez involontairement causer à autrui, par négligence ou par imprudence. Concernant l’environnement, on ne parle pas de responsabilité de dommage et causé à autrui mais plutôt de responsabilité du contractant sur l’environnement marin. En pareille situation, les termes ou clauses incluses dans le CRPP ou convention de concession vont être invoquées pour le règlement de tel différend.

Par conséquent, en l’absence de dispositions explicite couvrant les responsabilités des parties au contrat, nous pouvons faire recours aux autres textes applicables en matière protection l’environnement marin plus précisément.

Toutefois, dans la plupart des pays, l’adoption d’accords, même juridiquement contraignants, ne suffira seuls pas à résoudre les problèmes écologiques découlant de l’exploration et de l’exploitation pétrolière et gazière offshore. C’est la raison pour laquelle l’élaboration d’un cadre stratégique s’impose afin de créer les conditions propices au succès des accords régionaux contraignants, en vigueur et à venir.

* Juriste de Banque
Spécialiste des questions de sécurité des activités maritimes et Océaniques.
Membre de la Délégation des Cadres du parti Awalé.

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