En succédant à Barack Obama ce mercredi matin, Donald Trump est-il aujourd’hui l’homme le plus puissant du monde?
« Pour nous, vu de l’Europe, le président américain est effectivement quelqu’un de très très puissant », estime François de Chantal, professeur de sciences politiques et spécialiste des États-Unis. Il rappelle: « C’est quelqu’un qui dirige la plus forte armée du monde et c’est quelqu’un dont les décisions impactent potentiellement la planète entière. En revanche, en termes de politique intérieure, je serais nettement plus modéré. Le président américain est contraint par tout un système de « checks and balances », qui l’empêche de prendre des décisions parfois très importantes et parfois également désirées par le peuple américain. »
Quand on lit la Constitution des États-Unis, on se rend compte que les pouvoirs du président sont « incroyablement modestes ». L’article 1, qui traite du Congrès, est d’ailleurs beaucoup plus détaillé que l’article 2, sur la présidence. Le président a simplement un pouvoir exécutif, dont le contenu n’est pas précisé. « Il peut nommer des membres de l’administration, il peut faire un veto vis-à-vis des lois qui sont votées par le Congrès et il est commandant en chef des forces armées », détaille François de Chantal. « Mais c’est absolument tout. »
Pourtant, selon Dick Howard, professeur de philosophie politique à New York, la présidence dispose de plus en plus de pouvoir depuis le « New Deal » (1936), « depuis la social-démocratisation » des USA. « Le Congrès délègue ses pouvoirs à l’exécutif », explique l’expert. C’est grâce aux silences de la Constitution, à ce manque de précision, que les présidents construisent désormais leur emprise.
Le fédéralisme des États-Unis est à la fois un vecteur de légitimité pour le président, mais aussi une contrainte « très forte ». François de Chantal cite l’exemple d’Obama, qui n’a pas pu faire grand chose sur des questions « essentielles » de la démocratie américaine, comme sur la brutalité policière et sur la détorioration des relations raciales. « Ce sont des enjeux qui lui échappent complètement. »
On espère donc que Donald Trump se retrouvera tout aussi impuissant quand il s’agira de construire un mur à la frontière du Mexique ou de discuter des droits des femmes.
Quid du taux de participation? Il pose certes un problème de légitimité au président, puisqu’il ne dépasse pas la barre des 60%, mais certains membres du Congrès sont élus avec une participation encore plus basse. « Le président passe son temps à essayer de construire sa légitimité auprès de l’opinion publique en utilisant les médias », rappelle le spécialiste François de Chantal sur France Culture. « Tous les nouveaux élus arrivent au pouvoir en disant qu’ils ont le soutien du peuple américain derrière eux et construisent cette notion un peu floue de mandat populaire. »
« Ils passent leur temps à dire qu’ils ont un mandat pour faire les choses et au final, ils sont bloqués et ont beaucoup de difficultés à faire quelque chose. » Pour Dick Howard, c’est aussi une question de « rapport de forces, à différents moments. » La Cour Suprème, à l’époque de Kennedy, était par exemple assez libérale, mais depuis les années 60, elle a viré fortement à droite. Mais il ne faut pas sous-estimer le pouvoir « symbolique » d’un président. « C’est parce qu’il est symbolique qu’il arrive à avoir de l’influence. La politique c’est fait de quoi? De symboles. »
Le contrôle politique du Congrès reste bien direct sur la présidence. « Le Congrès est l’assemblée qui est la plus autonome au monde et qui est capable d’humilier le président américain sans qu’il n’ait le moindre recours. Le budget est l’exemple le plus évident, mais il y a aussi les nominations. Beaucoup de présidents ont été parfaitement incapables de voir leur conseiller confirmé par Congrès, y compris des Congrès qui sont de la même majorité. »
Et les médias? François de Chantal brise le mythe du fameux quatrième pouvoir. « Les États-Unis, c’est le pays du Watergate, c’est le pays où le président a été forcé à la démission par l’opinion publique et deux journalistes. Donc à partir de là, il y a eu ce mythe de la force du monde de la presse et des médias. Mais le mythe bien sûr demande à être déconstruit et il l’a largement été depuis 1974. Les médias sont instrumentalisés, réutilisés par les présidents. »
En conclusion, le président américain peut être défini de nos jours comme « un diplomate vis-à-vis de son Congrès. C’est quelqu’un qui est capable de communiquer avec son Congrès et de faire passer des réformes en construisant des majorités ad hoc, sur un projet bien précis et pas des majorités partisanes (…) Les décisions sont généralement individuelles et pas collectives », explique encore François de Chantal.
L’Amrique est puissant vraiment