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Cheikh Sadibou Doucouré : "L'Assemblée nationale voudrait-elle s'approprier le glaive de la justice pour assujettir les magistrats ?"

L’échange empreint d’élégance et de respect mutuel entre le vénérable juge Keita et l’honorable député Amadou Ba n’aura pas suffi pour clore le débat sur l’antinomie entre le nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale et la loi organique portant statut des magistrats.

Cet échange devrait, nonobstant d’une part, les craintes de tension symbolique, voire fonctionnelle et la dynamique quasi juridictionnelle relevées par le juge et d’autre part, les assurances, sans garantie absolue, apportées par le député, s’interdire d’être << un corridor d'expression pour véhiculer sous la forme d'un déguisement de parole objective, le discours détourné du partisan >>.

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La maitrise, en la matière, des présomptions et des fictions juridiques qui annihilent toutes les voies pouvant vicier le principe de séparation des pouvoirs,- exécutif, législatif et judiciaire-, vaut mieux que le consensus antinomique invoqué par l’honorable député pour justifier l’adoption, à l’unanimité, du nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui autorise la commission d’enquête parlementaire de convoquer les magistrats et, en cas de refus de comparution, de réquisitionner la force publique (police ou gendarmerie) pour les contraindre physiquement à se présenter devant l’instance parlementaire.

II est joint, en cela, la saisine, en cas d’infractions, du procureur de la République. Il apparait clairement à la lecture du nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale que ses rédacteurs n’ont pas eu la clairvoyance de consulter la loi organique portant statut des magistrats et de visiter la sociologie des professions pour se rendre compte de son antinomie à la nécessité de protection des magistrats astreints à des obligations de dignité, de délicatesse ou d’honneur, tant dans leur vie professionnelle que personnelle.

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Et certainement aussi, se convaincre que la maxime « nul n’est au dessus de la loi >> leur est applicable et subséquemment, le principe de l’égalité devant la loi et l’état de droit.

En s’affranchissant de la loi organique portant statut des magistrats en faveur d’une commission d’enquête parlementaire qui peut auditionner des magistrats en exercice, au motif peu convaincant, selon l’honorable député, « d’une révolution démocratique dans le respect des équilibres institutionnels », le nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale se démarque de toute logique juridique qui permet d’appliquer efficacement le droit. En définitive, pour dissiper les craintes et les incertitudes que suscite la tentative de confier le glaive de la justice à la commission d’enquête parlementaire, simple instance politique, paradoxalement, investie de pouvoirs d’investigation, de police et de saisine du procureur de la République, en vue d’éventuelles comparutions devant elle, de magistrats mis en cause, il serait donc impérieux que le conseil constitutionnel se prononce sur la constitutionnalité du nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

La décision rendue pourrait servir de rempart juridictionnel de protection des magistrats contre les artifices et les manipulations politiques. Le droit doit l’emporter sur les droits des acteurs politiques.

Cheikh Sadibou Doucouré Spécialiste de droits de l’homme et des questions pénitentiaires, Chevalier de l’Ordre national du Lion*

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2 commentaires

  1. Massina

    M. Est Ce que aussi la justice elle n’a pas de compte à rendre. Tout ce qu’elle fait c’est « ngonga ».alors la vérité absolu n’appartient qu’Allah Unique. Ne peuvent ils pas se tromper de bonne foi, ne peuvent ils pas être soumis à la volonté d’autrui et sont au déshydrata de ces derniers ou sais je.ils sont humains et tout ce qui peut m’arriver à toi à moi et aux autres peut les arriver; car étant humains.Ils ne trompent pas et s’ils se trompent on ne doit pas les rappeler à l’ordre.

    On rappelle le marabouts à l’ordre, le président à l’ordre et eux non? Dans quelle monde sommes nous? Dans quelle république sommes nous?


    • Salam

      Vous avez parfaitement raison.

      Au Sénégal, il semble que certaines personnes bénéficient d’une impunité et que le principe d’égalité devant la loi n’est pas toujours appliqué. Il est primordial de mettre en place des mécanismes permettant de juger les individus ayant enfreint la loi tout en respectant leur dignité, leurs droits humains et leur présomption d’innocence, quelles que soient leurs origines, convictions ou statuts sociaux.


      Cependant, il est également crucial de les sanctionner en cas de manquements avérés à leurs obligations ou de transgressions de la loi. D’autres pistes existent, telles que le tribunal des pères ou, comme dans l’armée, le tribunal militaire.


      Il est paradoxal de constater que tous ces corps militaires et paramilitaires, en bref les Forces de Défense et de Sécurité (FDS), ont prévu des mécanismes de sanctions en cas de manquement, y compris pour les personnalités politiques dignitaires religieux ou coutumiers et les citoyens lambda, mais pas pour les magistrats.


      Cela soulève un problème majeur à mon sens. Je vous remercie pour votre contribution.


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