Boubacar Seye, Pdt Hsf : « Ce n’est pas par un rapatriement qu’on réglera l’émigration clandestine »
Le président de l’Ong Horizon sans frontières, Boubacar Séye trouve que l’accord de rapatriement de Sénégalais illégalement partis en Espagne signé entre les deux pays risque de ne pas avoir les résultats escomptés.
Le rapatriement, pas une bonne idée
Boubacar Seye n’est pas d’avis que le rapatriement des migrants sera la solution face à ce flux de migration clandestine. « Cette mesure risque d’être inefficace parce que ce n’est pas par un rapatriement qu’on règle la problématique de l’émigration clandestine. En 2005, plus de 20 000 Africains ont été rapatriés et le phénomène est toujours là car, on n’a pas tout simplement résolu la cause principale de ce fléau. Le Frontex est doté d’un budget de 320 millions d’euros (plus de 209 milliards F CFA) alors que les naufrages continuent. Il a aussi plus de 100 navires et de 1500 personnes capables d’agir à un instant« , déclare t-il.
Solutions alternatives
Pour le président de l’Ong Horizon sans frontières, ce n’est l’expulsion, le renforcement des frontières, l’envoi de soldats espagnols au Sénégal qui vont résoudre le problème. « Je crois qu’il faudra d’autres solutions alternatives pour réduire les risques à des proportions tolérables. Les dirigeants européens se sont réunis pour dire qu’il faudra que l’Europe rapatrie tous les migrants en situation irrégulière sous prétexte de lutter contre le populisme. En tant qu’Horizon sans frontière qui est une organisation espagnole, que l’Etat espagnole prenne une telle décision ne nous enchante pas. On aurait souhaité en ce contexte mondial de mobilité croissante, que l’Europe s’adopte aux nouvelles donnes des migrations internationales. Il y’a ce qu’on appelle une mondialisation des flux migratoires avec toutes les couches de la société : hommes, chercheurs, femmes et enfants. Donc, on aurait souhaité que l’Espagne fasse avancer les réflexions sur ce que devait être la prise en charge des flux migratoires dans la mondialisation, qu’elle puisse revoir la notion du droit d’asile, donne plus de densité à la convention de Genève de 1951, qu’elle aille faire des réformes sur le droit d’asile. C’est ce qu’on attendait de l’Espagne. Mais, ce n’est pas à l’Europe de prendre en charge cette jeunesse africaine, parce qu’elle est touchée aujourd’hui par une crise économique sans précèdent, donc il fallait s’y attendre. Maintenant, c’est aux Africains de prendre leur responsabilité. Nous sommes tous responsables. On pointe du doigt l’Etat du Sénégal, mais la responsabilité incombe à tout le monde, les familles, les migrants. Il nous faut un nouveau contrat social parce que ce qui se passe ressemble plus à un déménagement du peuple sénégalais vers là où l’on pense la misère est moins pénible. Cette jeunesse-là devrait revenir à la raison. Moi, je dis que ‘’gnakh’’ dans la dignité. En matière de migration irrégulière il y’a beaucoup d’insuffisances il y’a un vide juridique la souveraineté appartient à chaque peuple malheureusement chaque pays dicte ses lois. L’Espagne est libre de rapatrier parce qu’il y eu des failles. Le droit international n’est pas parvenu à mettre sur pied des solutions appropriées, les lois qui existent déjà sont insuffisantes et inappropriées à ce contexte de mobilité. Donc, c’est là où il y’a le problème. L’Espagne est libre mais l’Espagne est appuyée par l’UE. L’Europe est formelle et c’est l’Europe qui a recommandé sous prétexte qu’elle lutte contre le populisme. L’Europe cherche à externaliser ces flux migratoires, l’Europe ferme ses frontières avec des barricades juridiques et politiques. Ses frontières sont malheureusement devenues des cimetières et des lieux de souffrances au lieu d’être des lieux de communication et de partage. Voilà la situation et il faudra que le continent européen se remette en cause dans la gestion des flux migratoires. Et au Sénégal il y’a urgence qu’on fasse taire nos divergences, les intérêts irrationnels, les instrumentalisations politiques. Il faut que l’Etat s’ouvre à la société civile, aux chefs religieux et aux familles pour que des solutions soient trouvées. Il faut casser les pesanteurs socioculturelles. La relation linéaire qu’il y’a entre ‘’ligue yak Am Am’’ on l’a défroqué dans ce pays. Les gens sont pressés, c’est ce qui est à l’origine de tous cela ».