AJS contre JAMRA : L’intense duel sur l’avortement au Sénégal
Le débat sur les 30 000 avortements clandestins annuels au Sénégal, chiffre révélé par un rapport de la FDH, met en lumière des enjeux cruciaux mêlant santé publique, droits des femmes et réalités socioculturelles. Oulimata Sène Sidibé, de l’Association des Juristes Sénégalaises (AJS), plaide pour la légalisation de l’avortement médicalisé dans des cas spécifiques, tandis que Mame Matar Gueye, de l’ONG Jamra, défend les positions religieuses et le cadre législatif actuel. Ces points de vue divergents sur Rfm reflètent la complexité des solutions à envisager face à ce phénomène.
Madame Oulimata Sidibé (Association des Juristes Sénégalaises) souligne la gravité du phénomène, notamment pour les victimes de viols ou d’incestes, qui subissent une « double peine » : le traumatisme de l’agression et l’obligation de porter une grossesse non désirée. Elle plaide pour une réforme législative permettant l’avortement médicalisé dans des cas spécifiques, conformément aux engagements internationaux du Sénégal, tout en rejetant toute généralisation ou promotion de « libertinage ».
Mame Matar Gueye (ONG Jamra) rejette toute réforme qui irait à l’encontre des convictions religieuses majoritaires et des lois actuelles, rappelant que l’Islam et le christianisme interdisent l’interruption volontaire de grossesse sauf pour sauver la vie de la mère. Il propose des alternatives, comme le placement des enfants non désirés dans des orphelinats, et met en avant les actions de soutien social déjà menées par son organisation.
Le Sénégal reste encadré par des lois strictes (article 305 du Code pénal) interdisant l’avortement sauf en cas de danger pour la vie de la mère. Cependant, ces dispositions ne couvrent pas les cas de viol ou d’inceste, laissant de nombreuses victimes sans solution légale adaptée.
Les intervenants évoquent l’importance de l’éducation sexuelle et de l’accès aux moyens de contraception pour réduire les grossesses non désirées, bien que ces mesures fassent face à des résistances socioculturelles.
In fine, le débat met en lumière les tensions entre les exigences de santé publique et de justice sociale, d’une part, et les réalités religieuses et culturelles, d’autre part, dans un contexte où les victimes restent souvent les grandes oubliées.