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20e Forum économique international sur l’Afrique : « Préparer la relance post Covid… »

« Repenser le financement d’une croissance durable et inclusive au tournant de la pandémie COVID-19 », c’était le thème du Panel 2 du Cercle des économistes partenaire du Forum économique international sur l’Afrique, conjointement organisé par la Commission de l’Union africaine et le Centre de développement de l’OCDE. Sous la présidence de S.E. M. Macky Sall, Président du Sénégal, il s’est tenu le 22 février 2021 dernier sur le thème « Investir pour une relance durable en Afrique ».

Covid-19…

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En effet, la crise actuelle due à la Covid-19 fut une occasion de réévaluer les obstacles structurels au développement de l’Afrique et ses options de financement. À l’heure où les plans de relance économique s’affinent, nous observons déjà une convergence des gouvernements africains sur la nécessité de privilégier les souverainetés alimentaire, sanitaire et pharmaceutique.

Priorités…

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Autres priorités : le renforcement des investissements dans les secteurs clés de l’économie et le maintien à flot des petites et moyennes entreprises. Par ailleurs, une réduction de la dette pourrait dégager des fonds dans l’immédiat. Quelles interventions pourraient stimuler les économies nationales et à assurer la viabilité de la dette à long terme ? Quels mécanismes de surveillance pour assurer une gestion plus transparente de la dette ? Comment les gouvernements africains peuvent-ils accroître plus efficacement leurs assiettes fiscales ? Quel rôle pour les partenaires internationaux de l’Afrique et quelles modalités pour une nouvelle ère de coopération avec le continent ?

« Le continent continue de faire preuve d’une grande résilience…« 

Le Président Macky Sall a, à cet effet tenu à appeler « nos partenaires de l’OCDE à rechercher avec nous des solutions concertées à ces problématiques qui handicapent sérieusement les efforts de développement de nos pays. La COVID-19 montre que rien n’est définitivement acquis sur le long chemin de la croissance, du développement et de la prospérité. Des pandémies, le monde en a pourtant connu par le passé. Mais, celle que nous vivons est d’une autre mesure. L’Afrique n’est pas en reste. Le continent continue de faire preuve d’une grande résilience, même avec cette deuxième vague plus sévère et plus mortelle. Il nous faut plus de capacités financières« , souligne le chef de l’Etat repris par Tam Tam de l’émergence.

Préparer la relance post COVID…

« Très tôt, les gouvernements ont pris des mesures fortes (…) déployé tous les moyens à leur disposition pour atténuer l’impact de la crise sur les ménages et les entreprises. (…) C’est pourquoi nos pays plaident pour un allègement conséquent de la dette afin de disposer de ressources budgétaires nécessaires pour continuer à faire face aux dépenses engendrées par la riposte sanitaire, la résilience économique sociale, et préparer la relance post COVID… nous plaidons pour l’extension de l’initiative du G20 sur l’année 2021 et la mobilisation, selon des modalités à convenir, d’une partie des DTS des pays développés au profit de pays qui en ont besoin. L’idée fait d’ailleurs son chemin avec le soutien de certains partenaires« , précise Macky.

Mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE)…

Pour sa part, Dr Cheikh Kanté, Ministre d’Etat, Envoyé Spécial du Président de la République du Sénégal estime que « le Président Macky Sall a, à cette occasion, confirmé sa vision prospective, son leadership, et son esprit d’anticipation, d’action et de mobilisation des énergies, au service d’une relance forte et soutenue des économies africaines post COVID. La mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE), qui a permis d’atteindre des résultats exceptionnels, et la légitimité de son combat pour le Continent, ont grandement milité en faveur de la délocalisation du Forum au Sénégal« .

« Après une revue des déterminants conjoncturels de la pandémie qui entretient une morosité au niveau mondial, le Président Sall a abordé des questions essentielles et structurelles qui doivent jeter les bases d’une action concertée, afin de mettre en place une nouvelle forme de gouvernance mondiale, au sein de laquelle l’Afrique se positionnerait comme une des locomotives« , renchérit Dr Kanté.

Les sept paradigmes du Consensus de Dakar…

Il poursuit : « Les cinq remarques explicités dans son intervention, viennent compléter, de façon cohérente, les sept paradigmes du Consensus de Dakar. Il s’agit, en effet : de la révision des règles du système fiscal international, mise en œuvre par le projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfice, piloté par l’OCDE, sous l’égide du G20 ; de l’impérieuse nécessité de lutter contre les flux financiers illicites qui nous coûtent plus de 100 milliards de USD par an ; du soutien nécessaire à la révision des codes miniers et des hydrocarbures, pour une meilleure rémunération des ressources africaines ; d’une lutte plus soutenue contre l’évasion fiscale, pour que l’impôt soit payé là où se crée la richesse, c’est-à-dire dans les pays où les compagnies mènent leurs activités et réalisent leurs bénéfices. Dans plusieurs pays, les activités minières échappent, en effet, à la fiscalité, au motif qu’elles ne relèvent pas de l’industrie, alors que les mêmes activités, considérées comme industrielles dans les pays développés, sont dûment taxées ; et enfin, de l’élimination de la mauvaise perception du risque dans les investissements en Afrique, qui rend nos économies non compétitives« .

« Le Consensus de Dakar avait déjà posé les conditions de base pour soutenir une croissance inclusive et durable des économies africaines, conditions validées par les Chefs d’Etat de l’UEMOA, la Directrice du FMI, et toutes les Institutions Internationales présentes à la Conférence de Dakar, du 02 décembre 2019. Les programmes d’ajustement structurels des années 80, basés sur les 10 Commandements de Washington, avaient, par ailleurs, fortement bouleversé nos économies qui, exsangues, avaient subi de nombreux revers, parmi lesquels le coup de sabot de la dévaluation monétaire.

La crise des subprimes de 2007-2008 était bidimensionnelle, c’est-àdire économique et sociale. Il faut se souvenir qu’elle avait, en un temps record, engendré une crise alimentaire, conséquence d’une forte hausse du prix des denrées alimentaires de base, et avait plongé les régions les plus pauvres du monde dans des situations d’instabilités politiques, et d’émeutes. Cette crise financière avait eu comme conséquence directe une très forte volatilité des marchés. Les matières premières étaient devenues des valeurs refuges et spéculatives. Les aliments de base et les matières premières, comme le pétrole, avaient servi de refuge aux institutions bancaires et autres fonds d’investissements, qui avaient perdu des montants très importants, après avoir spéculé avec les subprimes. Certaines banques centrales les avaient soutenus, en injectant dans les circuits financiers des milliards de USD de liquidités, avec des crédits bon marché, qui leur avaient permis de se tourner vers de nouveaux investissements rentables, et à moindre coûts.

Le résultat était que des hedges funds avaient accéléré la hausse des prix par leurs interventions sur les marchés à terme, en voulant retrouver leur santé financière le plus rapidement possible. Ces nouvelles fièvres spéculatives sur l’or, le pétrole, et les produits alimentaires de base avaient comme conséquence une hausse mondiale des prix du riz et des céréales, aggravée par une inadéquation des politiques agricoles mises en œuvre par certains Gouvernements. Les troubles sociaux provoqués par cette crise avaient affecté la quasi-totalité de la population mondiale, avec des conséquences graves dans les pays en développement. La FAO avait dû élaborer une liste de 37 pays en urgence alimentaire.

Plusieurs pays comme le Burkina Fasso, le Cameroun, le Sénégal, la Mauritanie, l’Egypte, le Maroc, et la Cote d’ Ivoire, avaient connu des manifestations inattendues. Les crises de subsistance se sont toujours transformées en désordre, partout dans le monde. La situation agricole en Europe, entre 1847 et 1848, en est un parfait exemple. En quelques jours seulement, l’Europe s’était embrasée, et l’ordre absolutiste, né au lendemain du Congrés de Vienne, s’était effondré. La révolte, partie d’Italie, s’était étendue en France, à Vienne, dans l’empire Austro-hongrois, en Allemagne, et même en Suisse. Entre février et mai 1848, la monarchie française s’était écroulée avec l’abdication de Louis Philippe, Metternich quittait le pouvoir à Vienne, et l’Allemagne se dotait à Francfort d’un premier Parlement. Le souvenir de ces tragédies a été ravivé par l’hiver arabe, que nous avons vécu en 2011, avec un embrasement spectaculaire de la révolution, de la Tunisie à l’Égypte, qui se propageait jusqu’en Jordanie, puis au Yémen. Il n’y avait pas d’internet et de Facebook, et encore moins de WhatsApp en 1848, mais l’information circulait déjà très vite . La nouvelle de la chute de Louis Philippe avait fait tomber Metternich, comme celle de Ben Ali avait ébranlé Moubarak. Dans chacun de ces cas, le rôle crucial joué par la crise alimentaire et la faim reste déterminant. La tri-fonctionnalité sanitaire, économique et sociale de la pandémie COVID 19, dont la vitesse de propagation destructrice a plongé le monde dans un état jamais vécu, pourrait être encore plus grave de conséquences que toutes les crises connues et gérées par le passé. Dans le long terme, elle pourrait être à l’origine d’émeutes de la faim, aussi bien dans les pays développés que dans les pays pauvres. Pour le moment, les sommes faramineuses injectées par les Etats, pour atténuer la morosité économique survenue avec la pandémie, a quelque peu permis de stabiliser et de contenir les velléités de révolte, dont le secteur informel et la jeunesse sans emploi constituent l’épicentre.

Dans mon éditorial de la précédente Edition de Tam Tam, j’avais clairement décliné les mégatendances à maîtriser pour arriver à une croissance inclusive et durable, et adaptée à nos réalités africaines. Les jeunes et les femmes, en tant que moteurs du développement, occupent une place centrale dans cette stratégie. Le monde compte environ 1,8 million de jeunes de 10 à 24 ans. Plus de 85% de cette cohorte, qui entame sa transition vers la vie adulte, vivent dans les pays en développement, et peuvent représenter près de 30% de la population. Et ce nombre devrait continuer d’augmenter. Investir dans la jeunesse est un pari à gagner. Il faut cependant adopter des politiques économiques adaptées et soutenues par des programmes d’investissements judicieux. En effet, l’accès à une éducation de qualité, à la formation, à des emplois décents, et à la participation citoyenne, au même titre que l’accès aux services de santé, sont autant de défis à relever, pour répondre à leurs besoins. Un très grand nombre de jeunes se voit forcé d’abandonner le système scolaire à un âge précoce, et se retrouvent complétement désarmés pour affronter l’avenir.
Aujourd’hui, un enfant sur quatre n’achève pas le cycle primaire, et de plus en plus de jeunes se retrouvent au chômage, ou avec des emplois vulnérables. De nouveaux besoins en matière de santé sexuelle et reproductrice chez les jeunes adolescents sont très mal gérés, alors que de nouveaux risques sanitaires font leur apparition. Qui plus est, tous les jeunes n’ont pas les mêmes chances de mobilité, et un très grand nombre est exclu des processus de prise de décisions sur des questions qui les intéressent au premier chef. Le Président Macky Sall a compris et pris en charge très tôt la problématique de l’employabilité des jeunes, et il a articulé sa stratégie d’un Sénégal émergent sur la valorisation du capital humain, qui est le balancier entre la transformation structurelle, la bonne gouvernance, la paix et la sécurité. Il faut reconnaitre pourtant qu’il reste encore beaucoup à faire. Si tous les Gouvernements qui ont précédé les siens des indépendances à 2012, avaient fait comme lui, le chômage et la pauvreté auraient disparu. Des réformes s’imposent et les stratégies post COVID des pays africains se doivent de garder en ligne de mire deux axes essentiels : les réformes des systèmes éducatifs, et les réformes agraires.

Les réformes des systèmes éducatifs sont impératives et nécessaires, si l’on veut réguler certains facteurs d’instabilité comme le taux d’analphabétisme encore élevé et le niveau de pauvreté, couplés à la dynamique démographique qui exerce une redoutable pression sur le secteur de l’éducation. Au Sénégal par exemple, la population a crû de 2,75% par an en moyenne, et le taux de fécondité est très élevé, atteignant 4,9 enfants par femme en moyenne en 2013, et 6,1 en zone rurale (selon les données de la Banque Mondiale en 2007 et de l’ANSD en 2016). Si une telle tendance se confirmait, elle pourrait aboutir à un doublement de la population dans un quart de siècle. Cela entrainerait naturellement une importante pression démographique sur le secteur de l’éducation, qui devrait alors accroître l’offre éducative, tout en assurant un enseignement de qualité, face à une population estudiantine en forte croissance. Le décrochage, d’environ 8% au primaire et au cycle moyen, estencore important. En outre, 27% des enfants en âge d’aller à l’école n’y vont pas (OCDE 2017). Le niveau acquis des apprentissages est particulièrement bas et seulement 51,8% des élèves obtiennent le brevet de fin d’études moyennes, à la fin du cycle fondamental. Les marges de manœuvre du Gouvernement du Président Macky Sall sont notamment entravées par une politique économique inadaptée, héritée de politiques publiques passées inefficaces et dont les effets se font toujours ressentir« .