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Un luxe que le Sénégal ne peut s’offrir (Par Sidy Diop)

Le Sénégal est à un carrefour. Il avance, mais il vacille. Et s’il vacille trop fort, il pourrait tomber. Non pas dans un chaos spectaculaire, non. Mais dans ce glissement lent et silencieux qui mine les États plus sûrement que les révolutions : l’usure de l’espérance.
Peut-on, dans un pays où des milliers de jeunes tapent à toutes les portes sans jamais entendre « entrez », se permettre une crise institutionnelle ? Peut-on, avec une économie exsangue, une dette abyssale, et le souffle du jihadisme qui rôde de plus en plus près, se lancer dans une guerre froide au sommet de l’État ?
La question n’est pas théorique. Elle est brûlante, urgente, tangible. Elle ne concerne pas seulement les cercles du pouvoir, mais aussi – et surtout – les femmes de Pikine, les pêcheurs de Joal, les jeunes chômeurs de Saint-Louis ou les cultivateurs de Kolda. Car ce sont eux, et non les titulaires de maroquins ministériels, qui paieraient les pots cassés d’un éventuel bras de fer entre le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre, Ousmane Sonko.
L’histoire qui les lie est belle, presque romanesque : deux hommes, deux complices, un même combat pour rompre avec un système. Ensemble dans la prison, ensemble dans la victoire. Mais l’histoire politique est capricieuse. Elle s’écrit parfois à l’encre invisible de l’ambition, de la divergence ou de la méfiance. Et déjà, les rumeurs courent. Les regards se figent. Les camps se dessinent. Comme si, soudain, l’on s’occupait davantage des équilibres de palais que du panier de la ménagère.
Le Sénégal a déjà fort à faire pour rester debout dans une région où la poussière des insurrections ne retombe jamais vraiment. Les voisins – Mali, Burkina, Niger – s’enfoncent dans une instabilité dont personne ne sait où elle mène. Chez nous, pour l’instant, la démocratie tient bon. Mais elle est comme un baobab fatigué : imposante encore, mais creusée de l’intérieur par les termites du doute.
Il serait tragique de gâcher une transition inédite, applaudie à l’étranger, par un affrontement au sommet. Le peuple n’a pas voté pour un duel, mais pour un souffle nouveau. Il a misé sur une rupture avec les querelles stériles et les calculs partisans. Il a voté avec le cœur, mais aussi avec l’estomac vide.
Car les urgences sont là, et elles n’attendent pas. Le chômage des jeunes n’est pas un chiffre. C’est un cri. La dette n’est pas une abstraction. C’est un fardeau. Chaque jour sans action concertée est un jour perdu. Et chaque signe de discorde au sommet est un message décourageant envoyé à ceux qui espéraient enfin respirer.
Ce n’est pas une question de prendre parti. C’est une question de lucidité. D’humilité, peut-être. L’histoire politique du Sénégal est riche, mais elle n’est pas immunisée. Les institutions, aussi solides soient-elles, peuvent vaciller quand le sommet chancelle.
Diomaye et Sonko doivent s’en souvenir : leur union n’est pas un symbole à exhiber, c’est une responsabilité à assumer. Gouverner ensemble ne signifie pas penser à l’identique, mais travailler à l’unisson. Dans le concert des nations, le Sénégal est une voix singulière. Qu’elle ne devienne pas un murmure désabusé.
Ce pays mérite la stabilité. Il mérite le courage. Et il mérite mieux qu’une querelle de leadership.

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Un commentaire

  1. Anonyme

    La perfection n’est pas de ce monde. Le lot de chacun: avancer en se rectifiant au fur-et-à-mesure. En toute chose, le durcissement mène à la chute inévitable. Qui trop embrasse, mal étreint. La hâte est mère d’échec. Quand on fait face à plusieurs défis à relever, on se doit de relever les principaux et procéder par des priorités, étape par étape, en bon cartésien, du plu simple au plus complexe. Pour un sain et efficient compagnonnage, aucun parti ne doit se prendre pour le tout sinon ce sera la cassure inévitable et le clash. Pr Senghor aimait l’énoncer : « ndank mo diaap goolo thy niaye, kouy yott, do sekheut ». Diomaye et Sonko ont des différences à gérer avec dépassement, ils sont passés par les affres du désespoir, mais ils ont tant de choses en commun. Il faut avancer avec maturité. Il y a un rythme naturel à la vie, un influx qui dépasse nos impatiences et nos certitudes. Il y a un temps pour chaque chose, sans bousculade ni empressement.


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