Thierno Bocoum : « Sommes-nous dirigés sous le fardeau d’une déformation professionnelle ? »

Il est une chose d’avoir longtemps travaillé à collecter l’impôt. Il en est une autre de gouverner un pays. Et quand ceux qui tiennent les rênes de l’État sont issus d’un même corps professionnel, en l’occurrence, l’Inspection des Impôts et des Domaines, une question se pose :
assistons-nous à un simple prolongement de carrière ou à un véritable projet de transformation nationale ?

La question est légitime car à y regarder de près, c’est bien le prisme fiscal qui semble dominer la grille de lecture du pouvoir actuel.

La dernière preuve en date est la hausse des recettes fiscales au premier trimestre 2025, présentée comme une grande victoire. En effet, le gouvernement se félicite d’avoir porté les recettes à 960,26 milliards FCFA contre 860,82 milliards FCFA au T1 2024, soit une progression de 99,44 milliards.

Un score flatteur, nourri par l’élargissement de l’assiette, l’efficacité du recouvrement et une conjoncture favorable sur les importations.

Cependant, cette performance, qui excite les tableaux Excel, ne dit rien de l’essentiel.

À quoi bon prélever plus si l’on n’investit pas mieux ?

Dans le même temps, les investissements publics s’effondrent. Les dépenses d’investissement exécutées directement par l’État s’élèvent à 2,64 milliards FCFA au T1 2025.

Même en élargissant à toutes les sources de financement, les dépenses en capital ne dépassent pas 103,3 milliards, c’est-à-dire à peine 11 % de l’exécution annuelle précédente. Autrement dit, l’État encaisse davantage mais ne réinjecte rien dans l’économie réelle.

Ce paradoxe s’inscrit dans une culture de gestion qui confond l’administration de l’existant avec l’exercice du pouvoir. Car plutôt que d’activer des leviers de transformation, le pouvoir semble s’enfermer dans une logique de maintenance.

La masse salariale atteint 357 milliards FCFA, en hausse, tandis que le service de la dette s’élève à 225 milliards soit près d’un quart des dépenses. Deux postes lourds, qui absorbent l’essentiel du budget, sans retour visible pour les populations.

Le résultat est une gouvernance qui prélève mais ne relance pas, encadre mais n’investit plus.

Et pendant que les chantiers publics sont suspendus, que le BTP agonise et que les ménages étouffent, l’État continue de faire tourner la machine sans impulsion. Même l’entrée dans l’ère pétrolière n’aura été accompagnée d’aucun signal fort, d’aucune politique visible, d’aucune vision mobilisatrice.

Où est passé l’État stratège ? Où est le souffle politique qui aurait pu transformer une hausse de recettes en levier de justice sociale et de développement partagé ?

La vérité est brutale. Le pays qu’on avait déclaré en faillite est mis à l’arrêt.

Gouverner ne consiste pas à maximiser les recettes fiscales ni à équilibrer des bilans. Gouverner, c’est bâtir, c’est distribuer, c’est inspirer. Or, dans ce modèle en place, ni les ménages, ni les entreprises, ni les jeunes ne perçoivent la moindre redistribution.

Pas de relance de la commande publique, pas de politique sociale, pas de soutien clair à l’emploi.

L’État agit aujourd’hui comme un inspecteur promu chef de nation mais qui continue de voir dans le peuple un contribuable plutôt qu’un acteur de développement. Il encaisse, entretient ses charges fixes, et regarde ailleurs.

Et pendant ce temps, les familles s’appauvrissent, l’économie ralentit, les espoirs s’évaporent.

Il ne s’agit pas ici de remettre en cause une profession. Il s’agit de dénoncer la tentation dangereuse de faire d’une spécialité technique une méthode de gouvernement. Le Sénégal n’est pas un centre de collecte. C’est une nation. Et il ne peut y avoir de projet national sans investissement, sans vision, sans redistribution.

Thierno Bocoum
Président AGIR-LES LEADERS

2 commentaires

  1. Ama

    L’investissement vient après le redressement de l’économie sabordée par le régime sortant. C’est facile de l’ouvir maintenant mais où étais-tu quand il fallait dénoncer et éjecter les prédateurs de la république ?
    Ce ne sont pas 2 Thierno (sall et bocoum) qui revendiquent la chaise de « chef des OPPOSÉS » qui vont donner au pouvoir des leçons de bonne gouvernance. Vous êtes rêpus des mauvaises pratiques du système macky sall, allez donc digérer votre haine et votre jalousie dans l’obscurité de votre solitude politique.

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