Technologie au Sénégal: Menaces Civilisationnelles ou Développement Local Accéléré

Technologie au Sénégal: Menaces Civilisationnelles ou Développement Local Accéléré

Introduction et Contexte

Le monde de la technologie est en pleine euphorie et mutation. De nouvelles innovations apparaissent et prennent de plus en plus de place dans le quotidien et dans l’amélioration de la condition et des modes de consommation des hommes et des femmes.

Nous parlons de technologies jusqu’alors dignes des films de science-fiction: l’intelligence artificielle, la physique quantique, les robots humanoïdes, la reconnaissance faciale, la réalité augmentée, l’internet des objets, les implants cérébraux pour contrôler la machine — sans oublier — la possible et ambitieuse aspiration à envahir et coloniser Mars.

Les magnats de la technologie aux USA dictent le tempo, suivi par la Chine. L’Europe, malgré son retard, dispose d’une législation solide et réinvestit, notamment pour la défense.

Le Sénégal mène aussi son bonhomme de chemin par rapport à cette effervescence numérique. Malgré des infrastructures énergétiques et technologiques moins développées et moins d’accès aux capitaux de recherche et développement, les acteurs et actrices du secteur s’approprient ces nouveaux outils dans le cadre d’un développement communautaire accéléré. Ils valorisent l’expertise locale et mettent en phase expérimentale des produits adaptés au besoin des citoyens et citoyennes.

C’est déjà le cas dans le secteur de la ressource humaine où des algorithmes accompagnent de plus en plus le monde du travail local dans le recrutement. Les structures de développement de droit sénégalais se sont appropriées également l’intelligence artificielle dans le cadre de la gouvernance, le management et le suivi de leurs opérations et activités. D’autres secteurs comme l’art, la rédaction de contenu et l’assistance vocale locale explorent également cette technologie.

Dans ce contexte, cet article se veut une alerte et un questionnement : quels sont les défis civilisationnels et les opportunités de développement accéléré pour le Sénégal et l’Afrique face au monopole et l’interdépendance technologique vis-a-vis des grandes puissances?

Les mots énoncés dans cet article représentent le point de vue et l’interprétation de l’auteur et ne font en aucun cas office de vérité générale.

Nos Défis Civilisationnels

Ton et Agenda

Nous observons que le monopole, le ton et l’agenda sont détenus par quelques grandes puissances causant une forte dépendance du reste du monde à leur endroit. D’un point de vue socio-culturel, cette importante dépendance aux technologies étrangères définit nos modes de consommation, nos relations sociales et nos mécanismes de prise de décision. De par l’origine géographique et contextuelle de leur fondateur, ces plateformes et leur algorithme sont souvent conçues, par essence, pour une cible bien précise connectés avec les valeurs et intérêts de leurs concepteurs.

Communément appelé “Biais Technologique” — ces biais, sans le faire exprès (ou pas), peuvent être une source d’inégalité, d’impérialisme et de véhicule de transmission de masse d’idéologie politique.

Prenons par exemple, le cas de cette affirmation répétée à plusieurs reprises par les grands propriétaires d’entreprises tech aux USA sur l’IA:

“ Nous avons atteint le pic de données pour entraîner l’intelligence artificielle, nous sommes obligés d’utiliser des données synthétiques pour continuer l’apprentissage et la modélisation de l’IA. “

Le biais technologique dans cette phrase est que le web, tel qu’il est conçu, est un réservoir universel de données sans remettre en question l’absence de ressources ou données brutes hors ligne ou non publiées.

Cette affirmation est aussi un révélateur de la menace civilisationnelle qui guette le Sénégal et l’Afrique d’autant plus que la recherche d’information se fait depuis le Web. Dans ce cas, l’absence ou le manque de données africaines ou la maîtrise du contexte africain pour entraîner l’IA constitue un risque de désinformation, de révision de notre histoire africaine et aussi de réponses biaisées. Le risque est présent et n’est pas à négliger.

Ainsi, si nous ne maîtrisons pas nos propres données et ne participons pas à la construction des algorithmes, nous demeurons spectateurs, voire victimes, d’un récit mondial qui ne nous inclut pas.

La fin du libre arbitre ?

L’autre défi civilisationnel auquel nous faisons face réside sur notre libre arbitre et notre autonomie dans toute forme de prise de décision.

Les algorithmes, en analysant nos habitudes de consommation, nous font des suggestions, anticipent ou prennent le soin de prédire ce qui est bon pour nous et nous privent de notre liberté de choix et d’exploration.

Le constat est fait, le monde et surtout son cyberespace est de plus en plus polarisé. Les interactions sociales se font en fonction des systèmes de recommandation en commun, la structuration des canaux de conversation font que nous sommes soit “pour” ou “contre”.
Les dynamiques de groupes rassemblées autour d’algorithmes d’idéologies politiques essaient d’influencer et de persuader chaque bord, causant une division.

L’instantanéité des flux d’information, les filtres personnalisés et les formats très courts (stories, vidéos TikTok, Reels) nuisent à la diversité des points de vue. La rapidité et la densité de la propagande numérique rendent difficiles les débats contradictoires et les réflexions nuancées.

Collaboration Humain-Machine: Développement Local Accéléré

Face aux défis technologiques que nous avons identifiés, le Sénégal doit définir une orientation stratégique et opérationnelle claire pour tirer profit de cette révolution numérique.

Recherche et Développement (R&D)
Il y a toujours des opportunités lorsque des menaces sont notifiées. La communauté tech au Sénégal en est consciente. Selon ses orientations, elle s’est appropriée la technologie et ses récentes innovations et a décidé d’apporter sa pierre à l’édifice.

En effet, le monde du développement local au Sénégal, grâce aux associations de droits sénégalais, est en pleine expérimentation pilote d’une collaboration Humain-AI. Ces associations ont compris que la technologie notamment l’intelligence artificielle est une aubaine pour la modernisation, la normalisation et la maturation de leur structure.

Elles nourrissent les systèmes d’IA avec des données brutes contextuelles issues de leurs activités et des mécanismes domestiques de collecte de données. Cette “SénégalIAsation” de l’intelligence artificielle a permis de développer des Agents IA endogènes qui accompagnent les associations dans la gouvernance, le management et le suivi des opérations.

Aujourd’hui, ces associations ont un allié de taille avec l’IA qui leur permet d’avoir une structure administrative, des capacités analytiques, rédactionnelles et de nouveaux outils pour mesurer leur impact notamment sur l’Indice de Développement Humain (IDH) du Sénégal montrant leur rôle dans le cadre des politiques de développement du pays.

Croissance Accélérée

Ces associations souvent marginalisées à cause de la méconnaissance de leur mode de fonctionnement, connaissent actuellement une croissance et un développement accéléré.

En effet, avec l’appui d’agent IA modélisé selon le contexte et la logique d’intervention de ces organisations locales, elles ont gagné 40% de temps dans leur productivité. Leur plate-forme Web gagne du trafic organique leur permettant d’avoir plus de 8000 pages vues, 3000 utilisateurs et 140 documents téléchargés depuis le centre de ressources numériques de ladite plateforme web avec un budget marketing faible voir nul.

Le fait d’avoir des rapports narratifs d’activités, financiers et des procès verbaux accessibles en open source renforce la gouvernance ouverte, promeut la culture de la transparence et de la performance et donne de la légitimité aux associations sénégalaises de développement. La mise en place de l’Index de l’Impact Communautaire (IIC), un index généré avec l’IA leur permet de pouvoir mesurer leur action et leur efficience.

Références:

Modèle de Collaboration Humain‑Machine pour le Développement Communautaire Accéléré au Sénégal (CODEVS)

AWA, la première IA capable de comprendre et de parler le wolof YouTube · RTS – RADIO TÉLÉVISION SÉNÉGALAISE17 oct. 2024

Collaboration Humain-Machine: Le Collectif présente Mame Abdou, Agent IA Volontaire du CODEVS

Occupons le Cyberespace

Le Sénégal, comme tous les pays, traverse une mutation profonde de sa société. Il est donc essentiel d’élaborer une politique publique consensuelle de gouvernance technologique, tout en préservant la cohésion nationale. Face au monde post-COVID, nous devons nous unir pour redéfinir notre vivre-ensemble et notre identité socio-culturelle. Cela implique de mettre en place un plan clair garantissant à la fois notre sécurité numérique et la sauvegarde des valeurs qui fondent notre nation.

Gouvernance et Politique Publique Générationnelle
La place qu’occupe la technologie dans notre vie est indéniable. Elle est présente dans des secteurs comme la santé, l’éducation, le commerce et la démocratie etc…
La démographie sénégalaise, majoritairement composée de la Gen-Z (digital native), constitue un élément majeur pour l’orientation et la mise œuvre d’une gouvernance technologique et une politique publique générationnelle décennale.
L’arrivée des solutions fintech associée à la technologie QR Code ont facilité la démocratisation des services électroniques. La digitalisation des contraventions par la police est une mesure de lutte contre la corruption et assure une traçabilité sur les recettes publiques.
L’assistance ou la fonctionnalité vocale permet l’inclusion numérique et WhatsApp business permet d’acquérir un nouveau segment client aux TPE/PME et au secteur informel. L’ancrage et l’appropriation de la technologie par le peuple sénégalais est manifeste.
L’une des premières mesures de cette politique publique serait d’assurer une meilleure couverture en énergie et en internet pour tout le territoire sénégalais. La seconde mesure serait la gouvernance, pas dans une logique de régulation répressive mais plutôt un encadrement et une organisation adaptés au contexte socio-culturel du Sénégal tout en restant ouvert au multiculturalisme.

La mesure phare serait de mettre en place une politique publique de recherche et développement (R&D) national sur comment le Sénégal devrait se moderniser tout en préservant son identité en tant que nation. Ce programme regroupe chercheurs, praticiens, ingénieurs, secteur privé, structures de développement, sociologues, éducateurs, anthropologues et la communauté tech afin de définir ensemble le modèle de société que nous voulons définir.

Conclusion
À la croisée des chemins, le Sénégal fait face à un choix déterminant : céder au statu quo techno-civilisationnel ou embrasser une dynamique d’innovation collaborative, centrée sur l’humain, pour accélérer son développement local.
Les défis sont réels : dépendance aux grands écosystèmes technologiques, biais algorithmiques, érosion du libre arbitre et fracture numérique. Mais ce constat n’est qu’une alerte, non un frein : il révèle surtout des opportunités inédites pour notre émancipation, notre autodétermination et notre progrès social.
En effet, la dépendance aux algorithmes étrangers peut générer désinformation, polarisation et perte de souveraineté culturelle. Sans gouvernance technologique moderne, nous risquons d’être des spectateurs d’un récit numérique qui ne nous inclut pas. Il faut que nous arrêtions d’être de simples consommateurs, nous avons le devoir et la capacité de co-écrire notre avenir digital, voilà pourquoi nous devons occuper massivement le cyberespace.
En nous appuyant sur l’expertise locale, la communauté tech et sur le modèle pilote d’expérimentation Humain-Machine déjà en place, nous pouvons bâtir des solutions endogènes : agents IA sénégalisés, plateformes communautaires, fintech inclusives et services intelligents adaptés à notre contexte.
Ce nouveau terreau technologique est fertile : il offre la possibilité de moderniser nos associations de développement, d’optimiser nos chaînes de valeur agricoles, de transformer notre secteur de la santé et de revitaliser nos espaces éducatifs.
Il est fondamental de passer de la parole à l’expérimentation et à l’action. Nous nous devons de multiplier les projets pilotes sur le terrain, soutenus par une politique publique de recherche et développement (R&D) structurée et un capital patient d’investissement à l’innovation.
Une nouvelle dynamique composée de chercheurs, entrepreneurs, praticiens, sociologues et jeunes talents peut faciliter la création des services et produits commercialisables, répondant aux besoins réels des Sénégalais et Sénégalaises. L’union autour d’un plan décennal mêlant couverture universelle d’énergie et d’Internet, encadrement réglementaire adapté et programmes d’accompagnement.
Ce n’est pas au détriment des autres priorités nationales : santé, éducation ou agriculture continueront de bénéficier des ressources nécessaires. Cependant, il est stratégique de ne pas manquer le train de la révolution numérique : notre intelligence, nos ressources humaines et notre force de proposition sont à la hauteur de ce défi.
Le Sénégal, en tant que nation, doit continuer à s’approprier la technologie pour défendre sa culture, créer de la richesse et forger son destin. Ensemble, redéfinissons notre vivre-ensemble dans un monde hyper-connecté et affirmons notre droit à innover, s’émanciper et à progresser.
Seydina Mouhamadou Ndiaye,
Utilisateur Sénégalais d’Internet

0 COMMENTAIRES
    Publiez un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *