Synodalité et paix : Le cri d’espérance des évêques d’Afrique de l’Ouest face aux défis régionaux…

Synodalité et paix : Le cri d’espérance des évêques d’Afrique de l’Ouest face aux défis régionaux…

La Conférence des Évêques Réunis d’Afrique de l’Ouest (CERAO) vient de clôturer sa 5ème Assemblée plénière qui s’est tenue à Dakar (Sénégal) du 5 au 12 mai 2025, dans un contexte régional marqué par de fortes tensions politiques et sécuritaires.

Rassemblant 148 participants dont 2 cardinaux et 101 archevêques et évêques de la sous-région, cette rencontre a été l’occasion pour l’Église catholique ouest-africaine de réfléchir sur le thème : « Pour une Église synodale et autonome au service de la justice et de la paix en Afrique de l’Ouest, rapporte Ucs.

Les travaux de l’assemblée ont été marqués par un événement majeur pour l’Église universelle : l’élection, le 8 mai, du Cardinal américain Robert Francis Prevost sous le nom de Léon XIV, succédant ainsi au Pape François. Dans leur message final, les évêques ont exprimé leur joie face à cette élection qu’ils considèrent comme « un signe que l’Église poursuit son chemin avec fidélité, malgré les tempêtes ».

« Cette continuité incarne pour nous l’espérance chrétienne qui nous fait sentir que l’Esprit Saint guide toujours l’Église, même dans les périodes d’incertitude », soulignent-ils, tout en souhaitant « un pontificat fécond » au nouveau Saint-Père, premier pape à choisir le nom de Léon depuis Léon XIII (1878-1903).

Une Église synodale ouest-africaine face à ses défis internes

Largement inspirés par le récent Synode sur la synodalité qui s’est achevé au Vatican en octobre 2024, les évêques ouest-africains ont appelé à un profond renouvellement de la manière d’être Église dans leur région. « Le Seigneur nous appelle en ce temps à renouveler notre manière d’être Église : non comme une structure figée, mais comme un peuple en marche, à l’écoute de l’Esprit », affirment-ils.

Cette vision se traduit par un appel à la coresponsabilité de tous les baptisés, invités à « participer activement à la vie de l’Église ». Les prélats soulignent qu’il ne s’agit pas d’un « simple partage des tâches, mais d’un engagement profond à porter ensemble la mission d’évangélisation, dans la confiance mutuelle, la complémentarité et le respect et l’accueil des charismes ».

Les évêques ont également insisté sur la nécessité d’une plus grande autonomie financière et pastorale des Églises locales, sans pour autant perdre la dimension de communion universelle. Cette autonomie « n’est pas seulement financière, mais aussi culturelle et pastorale », précisent-ils, visant à « favoriser une coresponsabilité entre les fidèles et les dirigeants, ancrant l’Église dans sa réalité locale ».

Une région ouest-africaine en quête de stabilité

La rencontre de Dakar s’est déroulée dans un contexte régional particulièrement tendu. Depuis 2020, l’Afrique de l’Ouest a connu une série de coups d’État militaires (Mali, Burkina Faso, Niger, Guinée) et fait face à des menaces terroristes croissantes, notamment dans la zone des trois frontières (Mali-Burkina-Niger). La crise diplomatique entre ces pays, désormais regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) paralyse les initiatives d’intégration régionale.

Face à cette situation, les évêques lancent un appel urgent aux dirigeants politiques : « Il est plus qu’urgent de trouver les meilleures formules pour mettre fin aux divisions et aux incompréhensions politiques entre les pays de l’espace de la CEDEAO correspondant à celui des CERAO, qui ne font qu’accentuer de façon pitoyable la misère et la paupérisation des populations, et retarder toute avancée épanouissante. »

Des pistes concrètes pour une paix durable

Le message final propose six pistes concrètes pour promouvoir la paix dans la région :

« Éduquer à la paix » en intégrant davantage l’éducation civique et la résolution pacifique des conflits dans les programmes scolaires.
« Promouvoir le dialogue intercommunautaire » en créant des espaces de médiation entre ethnies, religions et groupes sociaux.

« Développer une économie inclusive » pour réduire les inégalités régionales et sociales, identifiées comme sources de tensions exploitables par des groupes violents.

« Réformer le secteur de la sécurité » en formant les forces de défense au respect des droits humains.
« Lutter contre la corruption, la criminalité organisée et l’extrémisme violent » en renforçant les institutions judiciaires.

« Accentuer la coopération régionale » en renforçant les initiatives d’intégration et la mise en place d’organes crédibles capables de donner des réponses coordonnées aux crises.

Justice écologique et gouvernance vertueuse

Les évêques n’ont pas manqué d’aborder la question environnementale, soulignant que « la justice écologique pour tous repose sur l’idée fondamentale que la protection de l’environnement ne doit pas se faire au détriment des plus vulnérables ». Ils recommandent notamment d’intégrer cette dimension dans les programmes scolaires et de soutenir les médias communautaires qui mettent en lumière les luttes écologiques locales.

Concernant la gouvernance, tant au niveau ecclésial que politique, les prélats recommandent de « promouvoir l’intégrité par l’éducation et la formation », de « renforcer les institutions et mécanismes de contrôle et de reddition des comptes » et d’« encourager la participation citoyenne et ecclésiale ».

Un appel à la conversion et à l’engagement numérique

S’appuyant sur le document final du Synode sur la synodalité, les évêques rappellent que « l’appel à la mission est indissociable d’un appel à la conversion ». Ils invitent les fidèles à être « des lumières aussi petites soient-elles pour illuminer nos espaces de vie ».

Une attention particulière est portée aux réseaux sociaux, décrits comme « l’un des espaces les plus fréquentés de nos jours ». Les évêques appellent à « l’investir avec la lumière du Christ pour des influences positives et l’éradication de l’ivraie ».

Une reconnaissance au Sénégal et à son nouveau président

L’assemblée a également été l’occasion pour les évêques d’exprimer leur gratitude au Sénégal et à son nouveau président, Bassirou Diomaye Faye, élu en mars 2024 suite à une transition politique tendue. « Nous rendons un hommage appuyé au Chef de l’État SE M. Bassirou Diomaye Faye, pour l’accueil chaleureux, la générosité et l’hospitalité exemplaire », écrivent-ils, qualifiant le Sénégal de « terre de la téranga, de dialogue, de foi et d’acceptation mutuelle ».

La 5ème Assemblée plénière de la CERAO s’inscrit ainsi dans une tradition d’engagement de l’Église catholique en Afrique de l’Ouest pour la paix, la justice et le développement intégral. Face aux multiples défis de la région, les évêques réaffirment leur volonté d’être des acteurs de changement, tout en appelant les fidèles et les dirigeants politiques à prendre leurs responsabilités pour construire une société plus juste et plus fraternelle.

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