Suspension des compétences foncières des Maires : une menace pour la gouvernance locale au Sénégal

Suspension des compétences foncières des Maires : une menace pour la gouvernance locale au Sénégal

Amadou Ba, député du parti Pastef, envisage d’introduire une réforme de grande envergure. Il souhaite suspendre la compétence des collectivités territoriales en matière foncière. Cette initiative soulève de vives inquiétudes tant sur le plan politique, juridique, social qu’économique. En effet, une telle mesure risquerait de compromettre les avancées de la décentralisation, d’affaiblir les collectivités locales et d’aggraver les tensions foncières déjà préoccupantes dans le pays.

Un recul de la décentralisation et de la gouvernance locale

Sur le plan politique, la suspension des compétences foncières des collectivités territoriales serait un recul majeur dans le processus de décentralisation engagé depuis les réformes des années 1996 et 2013. Ces réformes ont renforcé l’autonomie des collectivités locales en leur conférant des pouvoirs accrus en matière de gestion foncière. Priver les mairies et les conseils départementaux de cette prérogative reviendrait à les dépouiller d’une partie essentielle de leur mission, ce qui affaiblirait leur légitimité et leur rôle dans le développement territorial.

De plus, cette initiative pourrait être perçue comme une centralisation abusive du pouvoir foncier, accentuant ainsi la méfiance des populations vis-à-vis de l’État central. Dans un contexte marqué par des revendications croissantes pour une meilleure gouvernance locale, cette loi risquerait d’amplifier les frustrations et de fragiliser la stabilité politique.

Une violation des principes juridiques de la décentralisation

Sur le plan juridique, cette proposition de loi soulève de nombreuses interrogations. Elle remet en cause les principes fondamentaux de la décentralisation consacrés par la Constitution sénégalaise et la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des collectivités territoriales. En effet, cette législation confère aux collectivités locales des compétences en matière d’aménagement et de gestion foncière.

En suspendant ces compétences, l’État violerait non seulement les principes d’autonomie et de subsidiarité, mais risquerait aussi de créer un flou juridique préjudiciable à la sécurisation des droits fonciers. Les décisions déjà prises par les collectivités en matière d’affectation ou d’attribution de terres pourraient être contestées, entraînant une multiplication des conflits et des contentieux devant les tribunaux.

Un risque de tensions sociales accrues

Sur le plan social, le foncier est une question particulièrement sensible au Sénégal. Il est au cœur de nombreux conflits opposant communautés locales, investisseurs privés et pouvoirs publics. En retirant aux collectivités territoriales leur rôle dans la gestion du foncier, l’État risque d’aggraver les tensions entre populations locales et autorités administratives.

Les maires et conseillers locaux, étant plus proches des citoyens, jouent un rôle crucial dans la médiation des litiges fonciers. Si cette compétence est transférée à l’administration centrale, les citoyens pourraient se sentir dépossédés de leurs terres sans véritable recours. Cette situation pourrait provoquer des mouvements de protestation, des occupations illégales de terres et une détérioration du climat social.

Un frein au développement économique local

Sur le plan économique, le foncier constitue un levier essentiel pour le développement local. Les collectivités territoriales utilisent leurs prérogatives foncières pour favoriser l’investissement, promouvoir l’agriculture, faciliter l’implantation d’entreprises et soutenir les initiatives locales.

Si l’État central s’arroge seul la gestion du foncier, les délais d’attribution de terres risquent d’être allongés en raison de la lourdeur administrative, ce qui pourrait décourager les investisseurs. Par ailleurs, le manque de concertation avec les élus locaux entraînerait une mauvaise allocation des terres, compromettant ainsi l’essor de certaines activités économiques locales.

Enfin, en privant les collectivités de cette ressource stratégique, leur capacité à générer des revenus propres serait fortement réduite, les rendant davantage dépendantes des dotations de l’État, ce qui est contraire à l’esprit même de la décentralisation.

Conclusion

La proposition de loi visant à suspendre les compétences foncières des collectivités territoriales est une menace pour la décentralisation, la démocratie locale et le développement économique du Sénégal. Au lieu d’un recentralisation autoritaire, il serait plus pertinent de renforcer la transparence et la gouvernance foncière en mettant en place des mécanismes de contrôle et de concertation entre l’État et les collectivités.

La gestion du foncier est un enjeu trop crucial pour être confié exclusivement à l’administration centrale. L’implication des collectivités locales doit être préservée et améliorée afin d’assurer un développement harmonieux, inclusif et durable du territoire sénégalais.

Dr Tabouré AGNE

Conseiller Municipal Pikine Est

Président commission finance Pikine EST

Ancien inspecteur interne des services

Municipaux Ville de Pikine

agnetaboure @yahoo.fr

10 COMMENTAIRES
  • lucas

    Je vote pour. ces maires sont les véritables goulots d’étranglement d’une bonne gestion du foncier. Ils sont inutiles .Des prédateurs fonciers.

  • Mao

    Une loi qui vient à son heure pour mettre fin aux bradages fonciers. Une excellente chose!

  • Tim Tim

    Merde!!!! Ces populistes. MOSS DEM

  • Deugg

    Très bonne nouvelles.
    Il faut retirer tout ce qui touche le foncier aux mairies.

    Au Senegal ceux qui sont dans les mairies ne connaissent pas leur boulot. Ces souvent des chômeurs aguerris qui ne peuvent travailler que dans les mairies. Ils se contentent pas de leur salaire et se mettent a vendre des terrains a tout va.

  • Paul

    Suspension des compétences foncieres des maires cest très bien car ils sont la que pour vendre des terrains fictifs encaissés largent des sénégalais di lene tour leundeum beaucoup de problèmes cest eux

    • Dame

      Alerte attention la loi est bonne car c’est pas le maire qui attribue loin de là mais plutôt le conseil municipal moi le parti pastef que j’ai eu à voter aux élections présidentielles et législatives que je croyais aux convictions doit simplement accroître le pouvoir de nos élus locaux mais de le retirer et charger davantage les autorités administratives qui eux aussi jouent un rôle important l’approbation qui figure au niveau la délibération au décret numéro 2020-1773. Donc la loi est bonne il faudra simplement accompagné la formation de nos élus locaux et que l’État ne doit pas s’arroger l’ensemble des pouvoirs publics. J’invite les spécialistes en droit juriste, sociologue, géographes etc à animer le départ aucun recul ne sera bénéfique pour notre pays

  • Jahman

    Oui vivement cette loi et le plutôt serait le mieux. des maires au commande de commune depuis deux décennies et vivent du foncier doivent être stoppés nette

  • Malamine

    Moi je vais plus loin suppression des mairies purement et simplement
    Les sous préfets peuvent seul faire le boulot

  • Mass

    Une très bonne loi 99% des maires c’est des escrocs les ga de takhawalou Dakar seront les premiers a contesté cette loi ils ne vivent que des maires de khalifa Sall a Barthélémy Diaz

  • Diattara

    Une bonne nouvelle, on aura des maires qui vont travailler sur ce pourquoi ils ont été élus et non pas des maires qui ont des 4 x4 même s’ils sont dans des coins paumés

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