Stratégie de Développement 2025-2029 et l’Agenda 2050 : Transformation Systémique ou rupture systématique ?
Pour analyser ces nouvelles initiatives dans le contexte du Sénégal, il est essentiel de distinguer entre rupture systématique et transformation systémique. La transformation systémique implique une réorganisation en profondeur des structures et des processus dans divers domaines, tels que l’économie, la société et les institutions. Cela nécessite une vision à long terme et une approche intégrée, prenant en compte les interconnexions entre ces différentes sphères. En revanche, la rupture systématique pourrait entraîner un changement abrupt et potentiellement déstabilisant des structures existantes, sans considérer les interrelations et les conséquences à long terme.
À la lumière des éléments issus des divers documents, on peut affirmer que les nouvelles autorités semblent s’orienter vers une transformation systémique. Cette démarche vise à restructurer les pratiques économiques, sociales et institutionnelles, favorisant ainsi un développement durable et harmonieux pour le Sénégal.
1. Vision à long terme et changement structurel : L’objectif global de cette stratégie est de transformer le Sénégal en un pays souverain, juste et prospère d’ici 2050. Ce plan n’est pas simplement une série de réformes ponctuelles, mais une approche cohérente visant à modifier en profondeur les structures économiques, sociales et institutionnelles du pays. En ce sens, il s’agit d’une transformation systémique, car le plan cherche à remodeler de manière durable le modèle de développement sénégalais.
2. Diversité des secteurs touchés : La stratégie couvre une grande variété de secteurs interconnectés : économie compétitive, capital humain, équité sociale, aménagement durable, bonne gouvernance, transition énergétique, etc. Ce n’est pas une rupture isolée dans un secteur, mais une approche systémique, où les transformations dans chaque domaine sont pensées pour se renforcer mutuellement. Par exemple, l’amélioration de l’éducation et de la santé (capital humain) soutient la compétitivité économique, tandis que la gestion durable des ressources naturelles alimente la transition énergétique.
3. Planification sur plusieurs phases : La mise en œuvre de la vision 2050 se fait par phases, avec des plans quinquennaux, comme le SND 2025-2029. Chaque étape est construite pour maintenir une cohérence avec les objectifs globaux. Ce processus graduel, mais structuré, témoigne d’une volonté de transformation progressive et durable, plutôt qu’une rupture brutale ou un changement soudain.
4. Modèle de développement endogène et inclusif : En misant sur un modèle de développement endogène, basé sur les potentialités des pôles territoriaux, le Sénégal cherche à s’appuyer sur ses propres ressources et spécificités régionales pour se développer. Cette approche décentralisée est indicative d’une transformation systémique, car elle vise à réorganiser l’ensemble du territoire pour optimiser les potentialités locales, au lieu de se concentrer uniquement sur la capitale ou quelques grands centres économiques.
5. Réformes institutionnelles et gouvernance : La consolidation de l’État de droit, la réforme des institutions et de l’administration publique sont aussi des indicateurs forts d’une transformation systémique. L’objectif est de rendre les institutions plus efficaces, transparentes et inclusives, ce qui est fondamental pour soutenir les autres transformations prévues.
6. Implication de la diaspora et des financements innovants : L’accent mis sur la participation de la diaspora et l’appel à des financements innovants montrent que le Sénégal veut redéfinir la manière dont il mobilise ses ressources humaines et financières. Cela va au-delà d’une simple réforme, c’est une transformation des relations économiques internes et externes du pays.
7. Transition énergétique et gestion durable : Le programme Autoroute de l’eau, la revitalisation des vallées fossiles et la transition énergétique sont des projets de longue haleine qui réorganisent en profondeur les ressources naturelles et énergétiques du pays. Cette approche durable, pensée sur plusieurs décennies, marque une transformation systémique de la gestion environnementale et agricole.
Il s’agit bien d’une transformation systémique, car la stratégie ne vise pas simplement à corriger des dysfonctionnements isolés ou à opérer des ruptures ponctuelles. Elle ambitionne de restructurer l’ensemble du système économique, social et institutionnel du Sénégal pour en faire un modèle durable, compétitif et inclusif. Cependant, pour éviter une rupture systématique, il est crucial d’assurer la cohérence des politiques, d’encourager l’adhésion des acteurs et de garantir les ressources nécessaires à la mise en œuvre. Une telle approche intégrée et réfléchie peut véritablement faire du Sénégal un pays souverain, juste et prospère d’ici 2050.
Dr Tabouré AGNE
agnetaboure@yahoo.fr