Avec Serigne Mamadou Diakhaté, le Magal comme il n’a jamais été raconté depuis 1952. Du train à vapeur aux Limousines, 8×8 et autres voitures de luxe, le Grand Magal a connu une grande mue et le phénomène n’est pas prêt de s’estomper. Revivez le reportage de Senego du Magal dernier car il est toujours d’actualité.
« Le Magal de Touba peut-être comparé maintenant à un produit fini car les conditions ne sont plus les mêmes. En 1952, j’avais à peine six ans, les gens venaient en train à vapeur, des camions 46 et Plats. A l’époque, de Diourbel à Touba, il n’y avait pas de routes bitumées, rien que du sable », informe le vieux Serigne Mamadou Diakhaté, très en forme et très emballé par le concept.
Vêtu d’un boubou gris en forme de Baaye Lath, ce fervent Mouride dont le défunt père, Moussa de Thiès, était le bras droit de Serigne Fallou Mbacké, déroule le film: « Pour boire de l’eau potable, il fallait rallier Mbacké en affrétant les cars qui faisaient la navette. les coxeurs haranguaient les clients en ces termes: « naani, dereum, naani dereum ». A défaut, il fallait se déplacer à Okaass et s’arranger avec les flaques d’eau issues de la pluie », souligne-t-il, comme pour dire que Touba était un gros village avec juste une station d’essence à Khayra dotée d’une seule pompe.
« Même pour se ravitailler, il fallait à Mbacké, idem pour les tailleurs. Je dois souligner aussi que le marché Okaass a vu le jour en 1959 et n’était qu’hebdomadaire et la vente ne s’y faisait que le vendredi jusqu’au soir. A ce que sache, son nom vient des pays arabes où il y a des places de vente appelées Okaass. L’anecdote qui me paraît assez succulente est qu’à l’arrivée du poisson, le muezzin l’annonçait pour les intéressés et c’était la ruée car le poisson était une denrée très prisée à Touba », fait savoir l’ancien de l’Oncad.
La tradition des Présidents de la République
L’ancien employé de Fakhry qui n’hésitait pas à prendre dix (10) jours de congé, permis ou pas, estime que même le contenu politique et institutionnel a changé et chaque Président de la République est venu avec sa façon de faire. « Le Président de la République Leopold Sedar Senghor ne venait que le lendemain du Magal, pour la cérémonie officielle de clôture durant tout son mandat. Son successeur Abdou Diouf n’est jamais venu à un Magal à Touba, mais il s’y rendait chaque trois (3) mois car il était très lié à Serigne Abdou Lahad. Cependant, il est le premier Président à passer la nuit à Touba chez la Résidence du Cheikh tandis que son épouse (Ndlr: Fabienne Diouf) a passé la nuit chez Sokhna Maï. C’est sous le règne d’Abdoulaye Wade que l’Etat se déplace deux ou trois jours avant le Magal », fouille-t-il un peu dans le coin de sa mémoire.
Il rappelle même les Italiens qui ont démarré les travaux de la Grande Mosquée, Gennardo et Garrina, en 1927, l’année de la disparition de l’illustre Cheikh. « Les travaux ont connu un arrêt en 1945 et c’est en 1946 que Serigne Fallou a ordonné le redémarrage », se souvient-il.
Le vieux Diakhaté, fidèle à sa ligne de conduite ne démord pas de la « non assistance » de l’Etat de Touba dont le boom démographique atteint près de deux (2) millions d’habitants et ceci, en moins de 50 ans.
« Touba n’a jamais bénéficié d’un financement de 100 milliards de la part de l’Etat. Nous n’avons pas de vrais politiciens à Touba et ceux qui sont là ne sont pas élus par les populations. Ce sont des propriétés de l’Etat, alors qu’ils n’ont aucune influence. L’Etat a promis un nouvel hôpital car Matlaboul Fawzayni ne peut plus contenir les besoins des populations », porte–t-il le manteau de défenseur de « Touba ».
Son souhait le plus ardent est de voir chaque Mouride, à chaque Magal immoler un mouton chez lui et l’offrir à des nécessiteux ou d’en faire des dons dans les pays de la sous région qui en ont besoin, après collecte. « C’est très possible et le jour où ce sera fait, je pourrais dire que notre mission avec Serigne Touba est remplie. Mais jusqu’à présent, je pense que ce n’est pas encore fait », s’est-il projeté.
Ce souci est vérifié à l’en croire et il ne mâche pas ses mots: « Les Mourides sont solidaires, et investissent beaucoup au Sénégal. Ici à Touba, il y a des personnes qui roulent avec des voitures de 30 millions de francs CFA et possèdent des maisons coûtant près de 40 millions. Je ne vous parle pas des transferts d’ragent qui s’élèvent à des centaines de milliards par année. Imaginez que les Mourides ferment leurs comptes bancaires, toutes ces structures seraient en faillite », conclut Serigne Mamadou Diakhaté.