Reportage : Au Sénégal, des enfants vont à l’école grâce au parrainage des familles françaises

Au Sénégal, le taux d’analphabétisme demeure encore élevé. Les analphabètes ou personnes qui ne savent lire ou écrire dans aucune langue, y compris les langues nationales, sont estimés à 54,6% soit plus de 5 millions d’individus. Ce taux cache des disparités significatives selon l’âge, le sexe et le lieu de résidence. L’Agence nationale de la statistique et de la démographie -Ansd- souligne que le taux d’alphabétisation est désormais un peu plus élevé chez les jeunes de 10-14 ans et 15-19 ans (respectivement 58,1% et 64,1%). En revanche, les disparités subsistent dans le genre, car 57,3% des hommes sont alphabétisés contre 37,7 des femmes.
Pour pallier ces difficultés, certaines associations instaurent au Sénégal depuis des années le système de parrainage à distance. Un parrain ou une marraine est une personne prenant en charge les frais de scolarité d’un enfant (son filleul ou sa filleule) sans rien attendre de l’enfant si ce n’est son évolution scolaire et sociale. A Mbour, plus précisément à Louly-Benteigné, une association française du nom de « Louly l’école au Sénégal » a fait du parrainage son leitmotiv. « Louly l’école au Sénégal » est une association française laïque dont la mission est d’agir pour la scolarisation d’enfants défavorisés au Sénégal.
Cette association, créée par Mesdames Catherine Jacquemin et Caroline Mabille le 9 mars 2013, fait son bonhomme de chemin et a parrainé 320 élèves sur les 409 que compte l’école de Louly baptisée « Sainte Emilie de Villeneuve » et dirigée par les Sœurs de l’Immaculée conception, une congrégation créée par Emilie de Villeneuve, canonisée en 2017.
Immersion dans le village de Louly et son école.
Vendredi 22 juin 2018, le début de l’été se fait bien sentir. Après des kilomètres parcourus, nous arrivons à Louly-Benteigné, une localité dans la communauté rurale de Sandiara –Mbour- à 100 kilomètres au sud-ouest de Dakar sur l’axe Mbour- Kaolack. Comme tout village, Louly-Benteigné a sa mosquée, son église, et son école.
Nous envisageons d’être les meilleurs du Sénégal…
« Nous les élèves de l’école immaculée conception de Louly, nous sommes les meilleurs, nous sommes les plus forts, les plus vaillants et nous envisageons d’être les meilleurs du Sénégal … », ainsi débute l’hymne de l’école entonné chaque matin avant la rentrée des classes. Cet hymne aux messages et sens forts est entonné avant un moment de prière et de recueillement des enfants avec les sœurs Thérèse Elisabeth Thiaré et Marie Rose Diouf. Lors de cette prière catholique, les élèves musulmans nombreux dans l’école, partagent ce moment de recueillement. « Un moment de calme avant de rentrer dans les salles » souligne Sœur Marie Rose Diouf.
La naissance de « Louly l’école au Sénégal »
En 2010, Catherine était venue en vacances en famille au Sénégal. Lors de son séjour, elle a visité une école de brousse avec Sœur Marguerite communément appelée « Sœur Margot » et le désir d’aider est venu de là. Elle avait bien envie d’aider l’école, c’est ainsi que Sœur Margot lui a suggéré l’idée de parrainer un enfant. Catherine et sa famille ont ainsi parrainé un enfant prénommé Ousmane.
En 2012, son amie Caroline, qui nous servira de guide dans l’école, est venue aussi en vacances avec sa famille pour fêter ses 25 ans de mariage au Sénégal, terre de la rencontre avec son mari. Elle décide à son tour de parrainer Bernadette, une petite fille rencontrée dans le village le 1er janvier 2013.
Ousmane et Bernadette seront les bases sur lesquelles viendront se poser 328 autres enfants en l’espace de 5 ans.
L’école et …
L’école ouvrira en octobre la dernière classe du secondaire, la classe de 3e. Le préscolaire, composé de la petite, la moyenne et la grande section, accueille les enfants de 2 à 4 ans. Ils sont au total 93 dans le préscolaire. Le primaire – du CPI au CM2-, 233 et les collégiens –de la classe de 6ème en 4e- sont au nombre de 93. Au total 409 élèves dont 211 garçons et 198 filles selon Alidjanatou Lawane (Aly), chargée de la gestion administrative et financière et des Relations avec les partenaires dans le cadre du parrainage des élèves.
« Les élèves ne sont pas tous de Louly. Ils viennent aussi des villages de Nianiar situé à 4km de Louly, Kibic (9 km), Louly Ngogom (3 km), Mbourokh (5km), Louly Sindiane (1,5 km), Louly Mbafaye (1km) », renchérit Aly.
Cette année, 26 élèves de CM2 passent l’examen de fin de cycle –Cfee-. Les deux précédentes promotions ont eu un taux de réussite de 100% et 83%. Dans un autre registre, les deux meilleurs élèves de chaque classe de primaire participent au concours d’excellence régional. De quoi rendre fiers les parrains !
… le parrainage, un soutien moral à l’enfant
Un parrainage est un soutien financier à l’école et un soutien moral à l’enfant. « Les enfants savent qu’ils ont à l’autre bout de la terre un parrain ou une marraine qui pense à eux et qui finance leur scolarité », soutient notre guide Caroline. Il y a un engagement moral du parrain à s’engager sur la durée mais il peut s’arrêter quand il le souhaite.
« Au début de l’association, les parrains étaient des proches, de notre entourage personnel et professionnel. Aujourd’hui ce sont eux qui recommandent l’association à leurs amis et collègues. Les parrains-marraines rejoignent également Louly l’école au Sénégal après avoir vu notre page Facebook ou fait une recherche sur internet. Ce qui fait que nous avons aujourd’hui des parrains que nous ne connaissons pas », précise-t-elle. Toutes les deux semaines, les parrains sont informés des activités de leurs filleuls.
L’unité dans l’école se ressent via le contact entre le personnel administratif, les responsables de l’association, les villageois et les enfants. La preuve, notre présence à Louly pour le reportage a été annoncée à tout le village. Et, aussi, l’accueil qui nous est réservé à chaque rencontre avec les élèves dans la cour ou dans les salles de classe.
Notre passage dans les classes de préscolaire nous a permis de rencontre Manon, la fille de Caroline, étudiante en architecture en vacances au Sénégal, qui aide les enfants à faire des dessins pour les envoyer aux parrains. « Je fais des dessins et les enfants colorient », souligne l’étudiante française qui prévoit de mettre sur pied un projet à Louly-Benteigné en rapport avec ses études d’architecture. « En aucun cas les parrains ne peuvent inviter les enfants en Europe mais ils sont les bienvenus au Sénégal pour connaître leurs filleuls », nous éclaircie Caroline.
Des enseignements contre …
Les élèves de l’école ne souffrent d’aucun complexe. Ils bénéficient des mêmes cours que leurs compatriotes des autres localités. Les trois enseignants du préscolaire et les six (6) du cours primaire ont été engagés sur les critères en vigueur dans le pays. Ils sont intégralement pris en charge durant toute l’année contrairement à leurs collègues du secondaire qui sont des vacataires.
Le proviseur Jean Michel Sarr ne tarit pas d’éloge sur ces apprenants qui disposent de presque tout et s’en servent convenablement : « Les élèves de Louly sont motivés, les enseignants également. Les élèves ont un bon niveau. Au niveau national, nous avons enregistré de bonnes moyennes et nous avons reçu les félicitations du ministère de l’éducation nationale. Les mercredis tous les élèves reviennent à l’école pour les cours de renforcement avec leurs professeurs en Français et en mathématiques. Ils ne manquent de rien et je suis fier qu’ils profitent de la main tendue des parrains», renchérit M. Sarr, un proviseur à la retraite qui a été approché par la sœur Margot pour accompagner le collège de Louly ». Un travail que le sexagénaire fait désormais avec fierté puisque l’organisation pédagogique de l’école est à son actif. Même son de cloche chez Marie Louise Ndiaye, l’encadreuse des enfants de la petite section : « Je prends du plaisir avec ces enfants qui sont aussi mes enfants ». Marie Louise habite au cœur du village et son mari Nicolas est Président des parents d’élèves.
… une modique somme demandée aux parents
Pour s’assurer de leur engagement et de l’assiduité des enfants, les parents contribuent à la scolarité de leurs enfants. Ils contribuent à hauteur de 500 FCFA pour les plus jeunes et 3000 FCFA pour le collège. Les parents qui ne sont pas en mesure de verser ces 500 FCFA ou 3000 FCFA contribuent en nature parce que « l’éducation, c’est l’affaire de tous et d’abord l’affaire de la famille », précise Caroline qui nous fait visiter les salles de classe.
Les charrettes s’occupent du transport des plus jeunes enfants des villages voisins, matin et soir. Les élèves de Louly Bentégné repartent chez eux à midi pour le déjeuner et les autres bénéficient d’une cantine deux fois dans la semaine -mardi et jeudi-. Ce sont les mamans du village qui s’occupent de la cuisine.
Dans la cour de l’école, nous apercevons des vélos VTT. « Ces bicyclettes sont un don de Sodipharm, une entreprise française ayant un bureau à Dakar, qui renouvelle son action tous les ans depuis 3 ans. Et chaque année des bénévoles viennent de France pour leur apprendre à faire du vélo. Il y a également des bénévoles médecins, pharmaciens, infirmiers. Ils vont dans les villages pour consulter les populations », renseigne Caroline. Elle se souvient encore d’un autre amie orthophoniste qui est restée 2 mois à aider des enfants en difficultés. Le centre s’appuie sur le dispensaire du village.
Un Gouvernement pour responsabiliser les élèves
Pour apprendre aux élèves les réalités de la gestion d’une nation ou d’un secteur donné, l’école a instauré un Gouvernement scolaire (Gosco). Edouard Ndiouma Diagne, le président du Gouvernement, donne des conseils aux siens et sert de porte-parole auprès de l’administration.
« J’interviens dans les problèmes entre élèves. Si un élève ne comprend pas les cours, je l’aide ou je demande à ceux qui ont compris de l’aider. Quand il y a des évènements chaque ministre s’occupe de son secteur », prononce fièrement son « excellence » Diagne, natif du village Louly Mbafaye qui n’a qu’une seule ambition : devenir Avocat.
Nous croisons également les ministres de la Femme et celui en charge de l’environnement qui dirige ses camarades pendant la récréation pour l’arrosage du jardin de l’école.
Des panneaux solaires sont installés dans l’école pour les besoins en électricité et l’eau coule au robinet. Un luxe que ne connaissent pas les habitants du village mais dont bénéficient les enfants à l’école grâce aux dons matériels et financiers.
Les mamans sont également concernées
Le mardi et le vendredi après-midi, les cours d’alphabétisation sont organisés pour les femmes du village qui le souhaitent. Ces cours sont dirigés par les sœurs Marie Rose Diouf et Thérèse Elisabeth Thiaré. Grâce à ces cours, les femmes de Louly arrivent à suivre leurs enfants à la maison et comprennent aussi le fonctionnement d’une microfinance implantée dans la localité. « Elles sont contentes d’apprendre et de partager entre elles », s’enthousiasme la sœur Thérèse Elisabeth.
Peu connu au Sénégal, le parrainage des enfants revêt non seulement un aspect d’aide mais aussi humanitaire. Alors si vous avez aussi envie de parrainer un enfant dans le plus profond du Sénégal, rendez-vous sur le site de Louly l’école au Sénégal : www.loulysenegal.org. L’association finance également la scolarité de tous les enfants de la pouponnière « vivre ensemble » de Mbour.
Reporté réalisé par Ankou Sodjago
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