Référendum du 20 mars: Un OUI qui sonne comme un NON différé, Par Magaye GAYE

Le référendum est maintenant derrière nous. Le oui l’emporterait si l’on en croit les résultats proclamés à l’issue de la consultation. Loin de nous, à travers la présente contribution, l’idée de revenir sur les polémiques liées aux délais courts d’organisation du scrutin, aux couacs notés dans son organisation ou aux achats de consciences notés ici et là. Notre objectif au contraire est triple :

  • décrypter le message lancé par le peuple sénégalais aux tenants du pouvoir actuel,
  • (ii) tenter, en ma qualité de Responsable politique, de mieux faire comprendre la logique du non exprimée par la ville symbolique de TOUBA
  • (iii) informer nos compatriotes sur une nouvelle initiative que nous sommes en train de prendre tendant à une restructuration politique d’une frange importante de la population sénégalaise qui aspire à un retour aux valeurs.

Contrairement à certains analystes politiques qui décryptent à travers les résultats du référendum un accueil favorable de l’opinion à l’égard de la politique du Gouvernement, nous sommes en ce qui nous concerne convaincus que le oui obtenu est un oui qui sonne comme un non différé. Cette position, nous l’avons réitérée bien avant le référendum, dans de nombreuses émissions médiatiques notamment dans « remue ménage » de la RFM où le Journaliste  Monsieur Alassane Samba DIOP  nous invitait entre autres questions à décrypter le sens d’un éventuel vote majoritaire Oui.

Un oui qui sonne comme un non différé, parce que le peuple sénégalais, si prompt à sanctionner négativement le non respect de la parole donnée, (Abdoulaye Wade en a vécu une amère expérience), a cette fois ci décidé de renvoyer cette sanction à plus tard préférant se prononcer dans l’immédiat sur le texte qui lui a été soumis. Ainsi, en dépit des innombrables messages de l’opposition demandant au peuple de prendre ses responsabilités par rapport à un Président qui a renié ses engagements, les Sénégalais, dans leur patience légendaire, ont souhaité, pour ceux qui ont voté, ne pas laisser passer une occasion historique de sécuriser  un « butin » consistant au retour au quinquennat.

En revanche, pour l’écrasante majorité des sénégalais qui n’ont pas jugé nécessaire d’exercer leur devoir citoyen, boycotter le référendum, a été une manière, tout en « ruminant leur colère », d’adresser un message  important à l’endroit de Monsieur le Président de la République, consistant à prendre rendez vous au soir des élections législatives de 2017. Quelle maturité démocratique !!!  Quelle capacité de discernement !!

Quoi de plus normal sachant que le référendum est par essence la rencontre entre un texte et un peuple et non l’élection d’un Homme ou d’une liste.

C’est dans ce contexte d’expression lucide par le peuple sénégalais d’une stratégie républicaine opportune, qu’intervient le raz de marée du Non à Touba et environs. Un autre message important qu’il convient de décoder.

A l’issue d’une visite politique dans cette ville Sainte, nous avions attiré l’attention de l’opinion sur le fait que le référendum allait refléter un vote de défiance à l’égard du Gouvernement du Président SALL. Nous nous fondions à l’époque sur les prises de position exprimées par bon nombre de nos militants sur les questions de l’heure, (qualité des projets financés à Touba, tensions notées entre les populations et les principaux leaders de l’APR, etc..) dans un contexte marqué par la « diabolisation » internationale de l’islam, la caricature du Vénéré Cheikh Ahmadou Bamba, des attitudes hostiles du peuple à l’égard de phénomènes contre nature. La ville sainte, a pendant toute la campagne, eu l’opportunité de s’exprimer sur les différents points soulevés par la réforme constitutionnelle à travers ses imams, exégètes, traditionnalistes et jurisconsultes dont la majorité, sinon la totalité, ont demandé au Gouvernement de revoir sa copie. A travers cette écrasante victoire du non, TOUBA a envoyé un message qui, au-delà des contingences politiques, pourrait être décrypté comme suit :

  • Une réforme, ça se discute ;
  • Aucune codification constitutionnelle n’est viable sans prise en compte des aspirations culturelles et religieuses du peuple concerné ; à cet effet, le refus de la cité religieuse d’appliquer en son temps une loi sur la parité peu conforme à nos traditions en est un exemple patent. L’esprit du projet de révision soumis aux Sénégalais ne rassure apparemment pas une ville plus que centenaire dont le projet de vie a toujours été bâti autour des valeurs du coran et de la souna.
  • Les projets de développement proposés par l’Etat à la confrérie du genre Autoroute ILA TOUBA, contribution financière à l’achèvement de la mosquée MASSALIKOUL DJINANE ou encore érection d’un nouvel hôpital ultra moderne sont certes importants mais pêchent par le peu de concertation qui les entourent; TOUBA semble réclamer plus de dialogue dans l’identification et la formulation de projets le concernant. En ma qualité d’ancien Cadre, Analyste Financier de la Banque Ouest africaine de Développement (BOAD), je puis modestement affirmer que cet aspect relatif à la non prise en compte de l’opinion des bénéficiaires des projets dans la conception et la formulation des programmes engendre souvent des résistances socio culturelles. Par exemple s’agissant du projet ILA TOUBA, il est possible qu’une concertation avec les populations ait pu conduire plutôt à une alternative consistant en la mise en œuvre d’une série de projets rentables à fort impact sur le chômage d’une jeunesse fortement tournée vers l’émigration.
  • Malgré un poids démographique et économique incontestable, TOUBA a de tout temps, été, sous représenté dans les sphères de décision nationales quelque soient les régimes politiques qui se sont succédé à la tête du pays depuis les indépendances,
  • Le moment est venu d’aborder avec audace et conviction l’éternelle question de la laïcité, thème que le Sénégal moderne a toujours esquivé jusqu’ici;
  • Un appel à l’endroit des Gouvernants actuels, notamment à l’attention de Monsieur le Président de la République, à plus de détermination et de sincérité dans ses rapports avec la ville religieuse. A titre d’exemple, l’engagement consistant à conférer à la ville sainte un Statut Spécial n’est toujours pas effectif à ce jour. Nous avons aussi l’impression que certains habitants de TOUBA ont toujours le sentiment que les Autorités cherchent à exploiter à des fins politiques leur confrérie, sans que cela ne soit soutendu par des mécanismes confiants de dialogue et de concertation.

Des réformes constitutionnelles rejetées par une ville aussi emblématique que TOUBA doivent amener le Gouvernement à plus d’introspection. Cette ville n’est pas en effet KEUR OUSMANE, le lieu d’où mes ancêtres maternels ont migré pour rejoindre le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba. Touba est une ville symbolique qui cristallise les aspirations de plus de 40% de la population nationale. Avec plus d’un million d’habitants, la deuxième agglomération du Sénégal  exerce une influence croissante sur le pays. Son poids économique est très important.

Comme l’a écrit le quotidien Français « le monde » dans une de ses parutions « Touba ne ressemble en rien au reste du Sénégal, un pays où règne un climat d’assez grande permissivité. Ici, le visiteur doit s’arrêter à un barrage situé à l’entrée de la ville……  la cigarette et les jupes ne font pas partie du paysage urbain ».

Le référendum est maintenant derrière nous. Cependant le débat public gagnerait à continuer sur des thèmes importants qu’une campagne référendaire courte d’une semaine n’a pas réussi à élucider. D’ici aux prochaines législatives en effet, les sénégalais devraient encore discuter des risques potentiels que font peser sur notre société des tares comme l’homosexualité, la laïcité à l’occidental, les achats de conscience et la propension à toujours ériger de nouvelles institutions budgétivores et sans valeur ajoutée pour la nation, uniquement pour satisfaire une clientèle politique etc .Sans oublier la question lancinante de l’hypertrophie de la fonction présidentielle.

Pour conforter la démocratie et la légitimité des votes, nous lançons un appel pressant pour l’introduction d’un quorum (nombre de votant minimum) dans les cas des révisions constitutionnelles. Une telle disposition aurait permis dans le cadre du référendum du 20 mars dernier d’éviter que seul environ 10% de la population qui a voté en faveur du oui engage toute une nation  sur des réformes constitutionnelles

En ce vingt unième siècle et plus de cinquante ans  après notre accession à la souveraineté, internationale, émerge à travers tout le territoire national une réelle volonté de retour à nos valeurs culturelles et religieuses. Ce grand mouvement d’idées en gestation, devrait s’organiser en vue des législatives et ce en dépassant les positions du oui et du non notées à l’occasion du processus référendaire  et les clivages entre coalitions au pouvoir et de l’opposition. Nous travaillons actuellement à l’avènement de ce vaste rassemblement dont le pôle pourrait unir des organisations politiques et de la société civile  œuvrant à un retour aux valeurs. Notre parti  la troisième voie félicite tous ses militants qui ont répondu massivement à son appel de voter NON au référendum du 20 mars 2016

Magaye GAYE

Président du Parti

La troisieme Voie

Gmc1923@hotmail.fr

Téléphone 77 245 07 58

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