« Petrosen, défis et opportunités face à l’exploitation imminente du pétrole et du gaz » (Par El Hadji Diallo)
Avec l’exploitation des ressources pétrolières et gazières, l’Etat du Sénégal nourrit l’ambition d’avoir les moyens budgétaires pour financer son plan national de développement. Cependant l’expérience a montré qu’il y’a des défis importants à relever entre l’exploitation des ressources pétrolières et leur investissement de façon transparente et stratégique pour lutter efficacement contre la pauvreté et promouvoir un développement durable.
Compte tenu des importants revenus qu’apportent de nombreuses sociétés pétrolières nationales aux budgets gouvernementaux, la restructuration de PETROSEN en holding (PETROSEN HOLDING SA) relève d’une stratégie nationale afin d’optimiser l’entrée du Sénégal dans le club des producteurs d’hydrocarbures.
Avec un capital de 5.021.000.000 Francs CFA, PETROSEN est détenue à 99% par l’Etat du Sénégal et 1% par la Société Nationale de Recouvrement (SNR), la création d’une compagnie pétrolière nationale n’a pas seulement pour objectif d’accroître la part de l’État dans l’exploitation pétrolière, mais peut également viser d’autres objectifs de développement, comme la création d’emplois locaux et l’acquisition de savoir-faire technique etc…
Dans un contexte de grande incertitude sur les prix du baril, et de transition énergétique, notre question est désormais de savoir quel rôle jouera PETROSEN dans les décennies à venir ?
En effet ces deux dernières décennies, le nombre d’entreprises d’État figurant parmi les 500 plus grandes entreprises au monde a plus que triplé. Et parmi ces entreprises plusieurs sociétés pétrolières nationales. Avec l’exploitation des découvertes de classe mondiale en offshore profond de pétrole et de gaz au large des côtes sénégalaises, PETROSEN pourrait à l’avenir à travers une stratégie de croissance, innerver les pans de l’économie sénégalaise afin de réussir le pari de créer de activités pérennes à partir des ressources non pérennes. A travers cette stratégie de croissance, elle pourrait aussi créer plus d’une vingtaine de filiales directement liées aux services pétroliers ou éloignés des métiers de base de la compagnie comme le BTP, l’assurance, la téléphonie, et même faire des investissements en dehors des frontières sénégalaises.
Certes, l’objectif premier de PETROSEN est de participer considérablement au financement du budget de l’Etat, elle peut aussi à l’occasion jouer un rôle de promoteur du développement, ou d’agence de sécurité sociale extérieure du Sénégal quand elle s’ouvre à l’international. PETROSEN musclée, peut-être même un instrument d’une diplomatie informelle pour l’Etat du Sénégal.
Pour faire ces réalisations, PETROSEN doit de facto faire face à des contraintes statutaires et sortir de ces logiques politiques qui l’obligent à maintenir des effectifs en surnombre, et qui l’empêcheront de réinvestir dans des activités courantes, sans même parler de développements futurs.
PETROSEN à l’image de grandes compagnies pétrolières nationales ne doit pas commettre ses erreurs de gestion en étant un levier clientéliste de redistribution de la rente pétrolière à coups de subventions sociales pour acheter une paie sociale pour le compte d’un régime.
En effet dans l’accompagnement avec la Banque Mondiale dans le cadre de l’exploitation prochaine du pétrole et du gaz, l’institution de« Bretton Woods » avait conseillé à la compagnie pétrolière nationale de former et de renforcer son personnel par un recrutement de qualité et « non de quantité » pour gérer les opérations en toute sécurité et efficacité.
PETROSEN est aujourd’hui très dépendante des aléas politiques du gouvernement sénégalais car son Directeur Général et les membres du conseil d’administration sont nommés par les pouvoirs en place et changent d’un gouvernement à l’autre. Comme le préconise la norme ITIE et certaines bonnes pratiques sur le plan international pour éviter les conflits d’intérêts, ces dirigeants devraient être nommés par appel à candidature.
Dans le secteur pétrolier, les décisions d’investissements que prennent les entreprises d’État aujourd’hui auront des incidences sur la capacité des gouvernements à honorer leurs engagements financiers d’où la vulnérabilité de PETROSEN face aux risques budgétaires.
En effet une discipline budgétaire s’impose pour PETROSEN, compte tenu de l’ampleur budgétaire de ses investissements qu’elle doit réaliser mais aussi ; contre de possibles dérives liées aux dettes adossées sur les ressources pétrolières et gazières. Car nous avons également observé que, la rente pétrolière et gazière qui est volatile et épuisable est à l’origine de l’endettement externe élevé de beaucoup de pays producteurs de pétrole et de gaz ; particulièrement les pays en voie de développement d’où la nécessité d’un encadrement par rapport à la rentabilité des investissements.
En somme, nous plaidons en faveur d’une gestion responsable et durable de PETROSEN, qui tienne compte des enjeux économiques, environnementaux et sociaux, tout en garantissant une transparence accrue et un contrôle citoyen des sénégalais, qui a pris une dimension ces derniers temps. Pour cela PETROSEN doit se départir de toute vision « court-termiste » en mettant en avant la nécessité de prendre des décisions éclairées pour l’avenir, en particulier dans un contexte de transition énergétique mondiale.
Par El Hadji Diallo de FORTESA, membre du cadre de concertation des compagnies pétrolières et gazières.