Paix et sécurité en Afrique : Jeunes et femmes, les oubliés du forum de Dakar

Le chômage des jeunes, le manque de formation, l’absence de financement pour les femmes, les problématiques de l’accès à l’eau et à l’électricité, la pauvreté, la violation des droits humains et des principes démocratiques etc… sont autant de problèmes qui poussent les jeunes à rejoindre les entreprises terroristes. Il est alors évident qu’il serait illusoire de vouloir cultiver la paix en Afrique sans les jeunes et les femmes. Alors que, depuis 8 ans, le Forum de Dakar pour la paix et la Sécurité se tient sans l’implication de ces couches sociales qui ont pourtant leur mot à dire. Faire du Forum de Dakar, une affaire exclusive d’élite et de décideurs c’est se priver de l’apport considérable de la jeunesse africaine et des femmes. Après une évaluation des éditions précédentes, les organisateurs du Forum de Dakar devraient inviter les jeunes et les femmes africains à participer à la prochaine édition. 

Malgré les belles idées émises depuis sa première édition à Dakar, le Forum de Dakar pour la paix et la sécurité en Afrique, tarde à porter ses fruits. Le continent est aujourd’hui plus que jamais en proie à une insécurité qui a fini d’inspirer des coups d’Etat dans certains pays du Sahel. Et le rôle des jeunes et des femmes dans la recherche de la paix semble négligé par cette élite qui se contente de belles propositions à chaque édition du Forum de Dakar.

Lors de sa première édition, tenue les 15 et 16 novembre 2014, le thème du  Forum portait sur « Paix et Sécurité en Afrique : nouveaux enjeux, nouvelles menaces ».

A l’édition suivante, tenue les 9 et 10 décembre 2015, le « Défis sécuritaires et partenariats internationaux » était le thème choisi par les organisateurs.

A la 3ème édition, tenue les 5 et 6 décembre 2016, rehaussée par la participation remarquable des Présidents Muhammadu BUHARI du Nigéria, Feu Ibrahim Boubacar KEITA du Mali, Faure GNASSINGBE du Togo et Felipe NYUSI du Mozambique, le thème  portait sur « l’Afrique face à ses défis sécuritaires : regards croisés pour des solutions efficientes ». 

Les 13 et 14 novembre 2017, le forum portait sur le thème « Défis sécuritaires actuels en Afrique : pour des solutions intégrées ». Cette édition qui a réuni, entre autres, les Présidents Paul KAGAME du Rwanda et Feu Ibrahim Boubacar KEITA du Mali, a servi de cadre pour plaider en faveur d’une Afrique résiliente.

A la 5e édition,  le thème parlait de « Paix et Sécurité en Afrique : enjeux de stabilité et de développement durable ».

La 6ème édition, tenue les 18 et 19 novembre 2019, en pleine crise du système multilatéral, avec la participation du Président mauritanien Mouhamed Ould Cheikh ELGHAZOUANI et du Premier Ministre français, Edouard PHILIPPE,  a été examiné le thème sur « Paix et Sécurité en Afrique : les défis actuels du multilatéralisme »

L’année suivante,  la 7ème édition a étudié les « enjeux de stabilité et d’émergence en Afrique dans un monde post-Covid19 ».

Aucun des thèmes choisis depuis la première édition ne traite de la question des jeunes et des femmes dans la recherche de la paix en Afrique.  D’ailleurs, dans les perspectives de la 7é édition du Forum,  la réflexion portait  sur  «la pandémie de Covid-19 et ses différentes itérations pathogènes ont mis en évidence la nécessité d’assurer l’autonomie des États africains dans les domaines stratégiques que sont la sécurité, l’alimentation, l’énergie, la santé, etc ».

Il était également question de «bâtir des synergies durables devient un impératif pour préserver le continent des chocs exogènes qui ne cessent de le fragiliser d’année en année. Ainsi, c’est toute la stratégie de résilience du continent face aux crises globales qui mérite d’être redéfinie. L’objectif étant de réduire les vulnérabilités du continent, à défaut de les éliminer, et d’optimiser ses avantages comparatifs dans la collaboration avec les partenaires ».

Les perspectives de la 7e édition traitaient aussi du  financement de la paix. «De nombreuses missions onusiennes déployées en Afrique semblent avoir montré leurs limites quant à leur efficience, malgré les ressources financières mobilisées. Dans le même temps, les Etats africains peinent à trouver les ressources endogènes nécessaires au financement des opérations de paix sur le continent. Le Fonds pour la paix de l’UA stagne depuis plusieurs années et tarde à se muer en un mécanisme opérationnel de financement suffisant, prévisible et durable. Face à cette situation, il est urgent de prendre en charge la question du financement de la paix de manière globale » note le document final de la 7e édition. Il a aussi souligné «la problématique des pesanteurs liées à la gouvernance économique mondiale ; laquelle soumet les Etats africains à un contrôle budgétaire strict qui ne laisse aucune marge à l’allocation conséquente de ressources au domaine de la sécurité. Du reste, l’apport des partenaires extérieurs, notamment l’UE à travers la nouvelle Facilité européenne pour la paix (FEP), mérite d’être rationalisé ».

Les participants avaient évoqué que «l’Afrique doit se donner les moyens d’assurer sa propre sécurité en repensant son partenariat pour la paix, pour l’adapter à son architecture de paix et de sécurité ».

Les perspectives de la 7e édition ont parlé des menaces transfrontalières ou transrégionales. Elles ont insisté sur «l’analyse de la situation politico-sécuritaire en Afrique laisse apparaitre l’existence de conflits transnationaux voire transrégionaux ». Elles soutiennent que dans la zone de Liptako-Gourma – dit « zone des trois frontières » entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, «cette menace n’en est pas moins présente dans le bassin du lac Tchad, mais surtout dans l’espace pivot situé entre l’Afrique de l’Est, l’Afrique centrale et l’Afrique australe. Si bien que se dégage désormais un véritable continuum d’instabilité formant une diagonale insécuritaire scarifiant le continent, du Sahel au canal du Mozambique ».

En outre, les perspectives ont rappelé  «l’insécurité chronique, la faiblesse, voire dans certains cas, la faillite de l’Etat, les difficultés d’intégration des populations vivant dans ces aires de circulation, la prolifération des trafics illicites, le sous-développement économique ou encore le déficit de coopération entre voisins sont autant de symptômes caractéristiques de ces régions soumises à ces menaces transfrontalières. Il importe, ce faisant, d’en examiner les causes profondes qui constituent un terreau fertile à l’action des groupes extrémistes, à l’instar de Boko Haram, de l’État Islamique, de l’Armée de résistance du seigneur (LRA) ou encore d’Al Shabab ».

Toujours dans les perspectives, il a été noté la construction de la Paix dans une approche communautaire.  «Les réponses efficientes se font toujours attendre face aux groupes jihadisteset à la criminalité organisée qui gagnent du terrain. Ces mouvements extrémistes, guidés par leur sombre dessein, instrumentalisent les antagonismes entre les communautés, créant ainsi des affrontements intercommunautaires. Une meilleure approche des dynamiques conflictuelles en cours est sans doute incontournable pour améliorer l’efficacité des réponses » note le document final de la 7e édition.

Il ajoute que «l’exploration de nouvelles pistes, autres que sécuritaires, devrait être envisagée. Parmi celles-ci, figure l’approche communautaire par le recours au dialogue et à la valorisation des cultures et savoirs traditionnels. En effet, la violence aveugle qui secoue une partie du continent semble être le symptôme d’une rupture de confiance profonde entre les gouvernants et les populations. Il s’agit de refonder le dialogue avec et entre les communautés en les plaçant au cœur des stratégies de sortie de crise. L’Afrique ne devrait-il pas mieux dialoguer avec lui-même ? L’implication directe des communautés (jeunes, femmes, société civile) dans la recherche de solutions devrait être privilégiée ».

Au-delà des changements climatiques, l’édition 7 a parlé de la gouvernance démocratique. «Après près d’une décennie de calme et de transition démocratique, l’Afrique, et plus spécifiquement son espace francophone, fait face à une vague de coups d’État avec un renversement des régimes démocratiquement élus ou de régimes de transition par des pouvoirs militaires » note le document final.

«Unanimement condamnés par la communauté internationale, ces phénomènes, au vu de l’acuité avec laquelle ils se posent, interpellent Décideurs et Experts quant à l’efficacité des instruments de prévention des conflits ainsi que des crises, politiques ou sécuritaires. Autant de questions qui continueront de rythmer la situation politico-sécuritaire sur le continent et d’interpeller tant les pays africains que leurs partenaires » ajoute-il.

Lors de l’édition 2019, le document final avait évoqué la problématique de la jeunesse en soutenant «qu’une jeunesse concernée par l’insécurité et appelée à s’engager Le rôle de la jeunesse dans la lutte contre l’insécurité en Afrique, de même que les défis auxquels elle est confrontée ont été des points importants des échanges ».

Le document de 2019, rappelait que «le constat a été souligné que les jeunes ne sont pas assez pris en compte dans les politiques gouvernementales, ce qui les pousse à s’engager davantage dans les organisations de la société civile, et ce, alors même, qu’ils sont par ailleurs confrontés au chômage et à la migration. Des actions de la part des États sont attendues pour à la fois revoir et renforcer les politiques dans le sens d’une plus grande implication de ces jeunes tant dans les structures institutionnelles qu’au niveau des budgets des États et des organisations comme l’Union africaine notamment. Une veille devrait également être mise en place pour le suivi des mesures prises lors des différents sommets sur la question. Enfin, un programme spécifique des jeunes pour la paix devrait être instauré pour accompagner les processus sur le continent ».

L’une des rares fois que la question de la femme a été évoquée, c’était lors de l’édition 2019. «Les femmes comme relais d’importance dans la lutte contre l’extrémisme violent Enfin, la place des femmes dans la lutte contre l’extrémisme violent a été mise en exergue. Le multilatéralisme a énormément contribué à l’avancement de leur intégration dans les politiques de sécurité au niveau international comme africain. Cependant, selon les Nations unies, le progrès de leur participation directe dans la période récente reste trop mince » avait noté le document de 2019.

Il avait ajouté que «les avancées auraient ainsi davantage concerné le financement des politiques servant à promouvoir les femmes plutôt que le renforcement effectif de leurs capacités. Les États sont ainsi appelés à agir « à la base » en considérant les femmes comme « actrices de la paix » mais aussi « de la guerre » dans la mesure où il n’existe aucune guerre qui ne puisse être gagnée sans l’implication des femmes. Ainsi, même les groupes terroristes les impliquent de plus en plus – et souvent sous contrainte- dans leurs stratégies. Le genre doit nécessairement être pris en compte dans la lutte contre l’extrémisme violent notamment en ce qui concerne l’accès aux espaces de dialogue et de réconciliation. « Actrices de la paix », les femmes en sont aussi les « éducatrices ».

Seulement, les dirigeants africains et leurs partenaires devraient impliquer la problématique du rôle des jeunes et des femmes dans la recherche de la paix en Afrique. Il a été révélé que la majeure partie des jeunes qui s’engagent dans les entreprises violentes sont âgés entre 17 ans et 40 ans. Ce sont des jeunes valides qui monnaient leur force aux groupes violents. Ces jeunes rejoignent les groupes terroristes pour satisfaire leurs besoins propres, ceux de leurs mères ou de leurs épouses.  Il serait par conséquent, très utile de les sensibiliser dans la lutte contre l’insécurité. Et dans les prochaines éditions du Forum de Dakar, il serait pertinent d’inviter des jeunes africains pour les impliquer dans les stratégies afin d’éviter de faire du Forum de Dakar, une affaire d’élite.

Depuis 8 ans, les Chefs d’Etat, les Ministres, les Généraux, les Ambassadeurs etc… occupent les premières places du Forum de Dakar. Donnez la parole aux jeunes et à leurs mamans…

Avec DakarTimes

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