Nouveau Gouvernement : Contribution pour une meilleure prise en compte du handicap

Nouveau Gouvernement : Contribution pour une meilleure prise en compte du handicap

L’alternance survenue au Sénégal ayant porté au pouvoir le duo Bassirou Diomaye FAYE (Président de la République) / Ousmane SONKO (Premier Ministre) suscite beaucoup d’espoir auprès des populations, qui l’ont exprimé en donnant une majorité confortable de 54°/° au candidat de la Coalition « Diomaye 2024 » dès le premier tour.

Les personnes handicapées, aussi, nourrissent une grande espérance, tant leur situation reste préoccupante du fait de politiques publiques qui les excluent ou les mettent en marge, malgré les efforts du régime sortant.

Cet espoir est d’autant plus grand que, le 3 décembre dernier, Journée Internationale des Personnes Handicapées, du fond de sa cellule, Ousmane SONKO, devenu Premier Ministre, avait lancé un message poignant en direction des personnes handicapées, qui avait été accueilli avec enthousiasme par notre communauté du fait de sa profondeur et, surtout, de la bonne compréhension et de la vision claire sur la question du handicap que ce message laissait entrevoir.

Hélas, la sortie des premiers textes relatifs aux différents ministères ralentit cette ardeur manifestée.

En effet, à la lecture du Décret 2024-961 relatif aux attributions du Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, ministère qui exerce la tutelle technique sur les personnes handicapées, on note la portion congrue réservée au handicap dans le sous-secteur de l’Action Sociale, encore à la traine. Sous ce rapport on dira que rien n’a changé. La santé continuera à « écraser » l’action sociale et il n’y aura aucune perspective pour la conception, l’élaboration et la mise en œuvre d’une véritable politique de prise en compte du handicap.

Or, il est clair que le développement du Sénégal sera inclusif ou ne sera pas. « Le niveau de développement d’un pays se mesure aussi et surtout par le degré de prise en charge de ses populations les plus vulnérables » s’écriait F. ROOSEVELT, Président des Etats Unis, lui-même personne handicapée sur fauteuil roulant.

Selon le Rapport Mondial sur le Handicap, publié par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et la Banque Mondiale, au Sénégal, les personnes handicapées constituent 15, 5°/° de la population soit environ deux millions de personnes. Est-il envisageable de les mettre entre parenthèses dans nos stratégies de développement ? Assurément non et pourtant ce groupe continue encore de vivre dans la discrimination, la marginalisation et l’exclusion du fait d’un système qui ignore l’inclusion.

L’absence des personnes handicapées dans les politiques publiques, les attitudes négatives, l’absence de services adéquats, entre autres, ont eu comme conséquences l’apparition de quatre (04) problèmes prioritaires auxquels les personnes handicapées sont confrontées, aujourd’hui, au Sénégal.

● Difficultés liées à l’accès à la santé et aux services de réadaptation en raison de l’inaccessibilité physique des structures de santé, du coût des prestations de soins, de la non formation des personnels de santé et de l’insuffisance des services de réadaptation.

● Difficultés liées à l’accès à l’éducation et à la formation du fait de la non prise en compte du handicap dans la conception et la construction des établissements, de la non préparation des enseignants à prendre en charge des apprenants handicapés dans les curricula de formation et de la non adaptation du matériel didactique

● Difficultés liées à l’accès à l’emploi et à la réinsertion ce qui est une conséquence normale de notre exclusion de fait du système scolaire pour les raisons citées plus haut. Cela explique, aussi, la présence massive de jeunes filles et garçons handicapés dans les rues de Dakar et des grandes villes du pays qui s’adonnent à la mendicité

● Difficultés liées à l’aménagement du cadre de vie général et à l’accessibilité, simplement parce que, souvent, on oublie le handicap et l’accessibilité dans la réalisation des infrastructures publiques et l’aménagement de notre environnement.

On le voit donc la personne handicapée n’est pas un objet de soins mais bien un sujet de droit. Et le handicap se présente comme une question de droits humains et de développement multisectoriel qui nécessite qu’on s’y arrête, en lui donnant toute l’importance requise dans nos stratégies globales de développement pour une société sénégalaise plus juste et plus égalitaire.

Créer les conditions d’épanouissement des personnes handicapées c’est leur donner les chances de devenir non pas un poids pour la société mais de véritables agents de développement capables d’apporter leur contribution dans l’effort de construction nationale. « Nous sommes conscients de notre infirmité mais pas convaincus de notre inefficacité »

Le handicap fait partie de la diversité et de la condition condition humaine – pratiquement tout le monde, à un moment ou l’autre de la vie, aura une déficience temporaire ou permanente et, ceux qui parviendront à un âge avancé connaîtront des difficultés fonctionnelles croissantes. Le handicap est complexe et les interventions pour en surmonter les inconvénients sont multiples, générales et variées.

Le Sénégal a déjà ratifié la Convention Internationale sur les Droits des Personnes Handicapées et adopté une législation nationale à travers la Loi 2010-15 du 6 juillet 2010 portant Loi d’orientation Sociale.

La mise en œuvre de ces textes à laquelle, appellent les personnes depuis plus de dix ans devrait, sensiblement, améliorer leurs conditions de vie. Il s’agira d’opérer une réforme substantielle dans la gestion de la carte d’égalité des chances et de prendre les différents décrets prévus par la Loi, notamment, ceux relatifs au Fonds d’Appui des Personnes handicapées (article 47) et à la Haute Autorité sur le handicap (article 48) pour servir de cadre multisectoriel de prise en charge et de mécanisme national de suivi tel que recommandé par la Convention.

Le gouvernement ayant montré une volonté manifeste de ne laisser personne en rade, nous lui recommandons humblement et respectueusement de :

● Examiner et réviser la législation et les politiques existantes pour les mettre en conformité avec la Convention Relative aux Droits Personnes Handicapées (CDPH)

● Revoir les politiques, systèmes et services généraux et spécifiques pour les personnes handicapées afin de déterminer les lacunes et les obstacles et de planifier des actions pour les faire disparaître.

● Élaborer une stratégie nationale sur le handicap et un plan d’action, en établissant clairement les chaînes de responsabilités et les mécanismes de coordination, de suivi et de notification entre les secteurs.

● Réglementer la prestation des services en introduisant des normes, en contrôlant leur application et en les faisant respecter.

● Allouer des ressources suffisantes aux services existants dépendant des financements publics et financer suffisamment la mise en œuvre de la stratégie nationale sur le handicap et du plan d’action.

● Adopter des normes nationales d’accessibilité et veiller à leur respect dans les nouveaux bâtiments, les transports, l’information et la communication.

● Prendre des mesures protégeant les personnes handicapées de la pauvreté et garantissant qu’elles bénéficient suffisamment des programmes généraux d’allègement de la pauvreté.

● Intégrer le handicap dans les systèmes nationaux de collecte des données et fournir autant que possible la ventilation des données en fonction du handicap.

● Mettre en œuvre des campagnes de communication pour améliorer les connaissances du grand public et la compréhension du handicap.

Ensemble pour un Sénégal plus juste, plus égalitaire, plus équitable et plus inclusif.

Par Yatma FALLPrésident de la Fédération Ouest Africaine des Personnes Handicapées – FOAPHMembre du Groupe des Experts de l’Union Africaine – UA

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