Nigeria: la corruption, grand mal que le nouveau président va devoir affronter

Lagos (AFP)-Alors que le nouveau président nigérian Muhammadu Buhari s’est engagé à lutter farouchement contre la corruption, la première dame Aisha Buhari s’est attiré les foudres des internautes en portant, à la cérémonie d’investiture de son époux, une montre qui pourrait valoir 50.000 dollars.

Les réseaux sociaux se sont déchaînés autour de cette montre qui ressemble à un modèle de la marque Cartier: S’agit-il d’un cadeau? Ou d’un achat? Muhammadu Buhari n’avait-il pas promis de conserver son train de vie modeste et de faire de la lutte contre les pots-de-vin en politique un de ses principaux combats?

Des commentateurs notent cependant que ces 50.000 dollars sont une broutille par rapport aux milliards de fonds publics qui disparaissent chaque année au Nigeria, pour cause de mauvaise gestion où tout simplement à cause de la corruption endémique.

Dans la première puissance économique d’Afrique et premier producteur de pétrole du continent, la grande majorité des quelques 173 millions d’habitants continue à vivre avec moins de deux dollars par jour, alors que les revenus de l’or noir sont siphonnés dans la plus grande opacité.

– « Les caisses du Trésor sont vides » –

L’ancien dirigeant militaire, connu pour avoir gouverné le pays d’une main de fer dans les années 80, en combattant « l’indiscipline » et la corruption, a été élu pour ramener de l’ordre dans les caisses de l’État.

Mais il a prévenu lundi, moins d’un mois après son investiture, que « les caisses du Trésor sont pratiquement vides, les dettes se comptent en millions de dollars, et les fonctionnaires ne reçoivent pas leurs salaires ».

Un des plus grands défis de M. Buhari sera de changer les mentalités, dans un pays où la corruption est particulièrement ancrée dans les cercles politiques, de pouvoir et d’influence.

« Va-t-il avoir la volonté politique de s’en prendre aux membres de son propre parti, qui ont contribué à son élection? » se demande Idayat Hassan, du Centre pour la Démocratie et le Développement.

Le nouveau président n’a d’ailleurs toujours pas de gouvernement. Il dit vouloir attendre la fin d’un audit en cours, afin d’avoir une idée précise de la situation laissée par la précédente administration; « pour ne pas avoir à nommer des ministres que je devrais renvoyer la semaine suivante », a-t-il précisé récemment à l’AFP.

– Le secteur pétrolier, un nid de malversations –

Qui va hériter du fameux portefeuille du pétrole? Certains pensent que M. Buhari voudra se charger personnellement de ce secteur perçu comme un véritable nid de corruption.

La compagnie pétrolière nationale NNPC a été au centre de toutes les polémiques, quand l’ancien gouverneur de la Banque Centrale nigériane, Sanusi Lamido Sanusi, a été renvoyé en février 2014 par Goodluck Jonathan, alors président, après avoir dénoncé la disparition de 20 milliards de dollars.

Aussi, le Nigeria, qui extrait chaque jour deux millions de barils de pétrole brut, se voit obligé d’importer la quasi-totalité de sa consommation de carburant, par manque de raffineries en état de marche dans le pays.

Pour maintenir des prix bas à la pompe, malgré les frais d’importation et d’acheminement du carburant dans certaines régions du pays, le gouvernement nigérian paie des subventions aux importateurs et distributeurs de produits pétroliers.

Gangréné par la corruption, ce programme a donné lieu à des situations absurdes: les importateurs « viennent avec des cuves remplies d’essences, obtiennent les documents (prouvant qu’ils ont livré), et vont ensuite dans les pays voisins pour vendre (le carburant), comme ça ils touchent à la fois les subventions et le prix fort des ventes », dénonce le militant anti-corruption Debo Adeniran.

Le mois dernier, une pénurie d’essence sans précédent a mis le pays à genoux quand les importateurs et distributeurs d’essence, qui réclamaient quelques 900 millions d’euros de subventions impayées, ont décidé de fermer leurs dépôts.

La mise en place d’un programme plus transparent –voire l’abandon des subventions– et la remise en état des raffineries du pays font partie des gigantesques projets qui attendent le nouveau président.

Le Centre pour la Démocratie et le Développement a créé un site Internet, le « Buharimètre », censé évaluer la mise en oeuvre des promesses de campagne de M. Buhari.

Jusqu’ici, M. Buhari ne s’est attaqué qu’à l’une d’entre elles: le fait de déclarer publiquement sa fortune personnelle. Mais les chiffres, remis aux autorités, n’ont pas encore été rendus publics.

Source: AFP via Afrique360.com

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