Navétane en crise: Pour des assises nationales inclusives du mouvement*…

Le Championnat National Populaire (CNP) communément appelé ‘’Navetane ‘’ est en crise. Des difficultés qui seraient officiellement nées des renouvellements controversées de l’Organisation Départementale de Coordination des Activités de Vacances (ODCAV) de Dakar et celles de l’organisation faitière régionale de la même localité, en avril 2017. Conséquence immédiate, une césure avec la naissance d’une ONCAV bis, proclamée du ‘’ renouveau ‘’ par ses initiateurs en opposition à celle là ‘’authentique ‘’ du président Amadou Kane.

Tragédie ou ironie de l’histoire, 15 ans après les luttes d’influences qui ont failli emporter le mouvement, à quelques variantes près, les mêmes protagonistes se font encore face. L’actuel ministre des sports, Matar Ba à l’époque à la tête de l’ONCAV dite du 1èr Juillet s’opposait à celle du 15 juillet des frondeurs conduits par Moussa Diaw Dieng de Diourbel , est aujourd’hui dans une posture d’arbitre : décider de qui dans les deux camps est habilité à présider aux destinés de ce patrimoine immatériel inestimable de notre pays.

Cette situation pour le moins instable qui a son prolongement à l’intérieur du pays, prend en otage des millions de jeunes à travers le Sénégal, mérite une réflexion profonde de tous les acteurs. Mais qu’on ne s’y trompe cette guéguerre au sommet pour le contrôle du mouvement, est l’arbre qui cache la forêt des ramifications de la crise.

Une plongée au début du CNP pourrait aider à diagnostiquer le mal. A l’origine au lendemain des indépendances africaines, les navetanes qui ont progressivement pris le relais des clubs de jeunes (Chaussettes noires, les Shadows, par exemple à Kaolack) calqués sur le modèle de la métropole française sont apparus comme des espaces de liberté. Une éclaircie dans l’immensité de la pénombre que le parti unique du régime de Senghor avait imposée à toutes les couches populaires. Un creuset au sein duquel se révélaient des talents à travers des joutes sportives et culturelles, loin de la caporalisation d’une superstructure étatique.

Près d’un demi-siècle le mouvement semble au creux de la vague victime d’une crise aigue qui pourrait lui être fatale.

A ce propos les causes profondes ne manquent pas. D’abord au niveau institutionnel le cadre juridique des ASC qui relève toujours de la loi 1901 régissant les associations à l’instar des partis politiques ne semble plus adapté. La timide ouverture de 1986 vers des Groupement d’Intérêt Economique (GIE) a montré ses limites.

Ensuite, la problématique du financement du mouvement reste une équation à résoudre pour les acteurs. L’autonomie jalousement gardée au départ a volé en éclats dans des stratégies douteuses de parrainages politiques ou de mécénats intéressés. Chaque parti politiques, pis chaque leader s’octroyant une ASC à sa dévotion. Une intrusion à l’origine de la balkanisation du mouvement, loin des idéaux d’unité et de solidarité du début. Une spirale fractionniste qui pourrait expliquer la guerre d’influence que se livrent les dirigeants du mouvement à la fois au sommet et à la base.

Last not but least, le phénomène du mercenariat sportif. Les ASC dont l’ancrage dans le quartier constituait la marque de fabrique ont perdu aujourd’hui de leur identité. Dans certaines équipes la veille du match, en lieu et place des jeunes de la localité ce sont des ‘’ mercenaires ‘’ qui débarquent nuitamment par cars entiers pour monnayer leur talent. De manière pernicieuse l’ASC perd de sa base affective et sombre dans le mercantilisme. Ce phénomène a aussi un effet néfaste sur le niveau du football local qu’il tire par le bas. En atteste la disparition des équipes civiles de Kaolack de la carte de l’élite du football national depuis bientôt une dizaine d’années

L’heure est grave pour le mouvement qui, certes en a connu d’autres, mais l’ampleur du mal, l’exacerbation des divisions internes et l’intensité des attaques extérieures pourraient avoir raison de ce monument national en péril. Mais il n’est jamais trop tard pour rectifier le tir. Dans ce cadre, on pourra compter sur l’autorité du ministre des sports, Matar Ba, un éminent membre du mouvement pour convoquer des assises nationales inclusives des Navetanes. Des concertations pour établir un diagnostic sans complaisances du problème et des propositions de sortie de crise. A ce propos des pistes de réflexion sont à explorer

  • Un nouveau cadre institutionnel ouvrant davantage les ASC à l’accès à des modes de financements innovants (DER, FONGIP ….etc.)
  • Une réglementation plus stricte dans la reconnaissance de nouvelles ASC, avec des critères géographiques pertinents pour éviter des dissidences
  • La numérisation des documents administratifs (licences, PV, rapports …etc.)

La liste est loin d’être exhaustive, mais dans le cadre des assises précitées, cette réflexion pourrait aboutir à la sauvegarde de ce patrimoine immatériel unique à son genre à travers le monde.

Président de l’ASC SAM

ODCAV Kaolack

2 COMMENTAIRES
  • Rass

    Se renseigner avant d’écrire.Monsieur ne maîtrise rien Matar BÂ n’a jamais créé ni milité à l’Oncam c plutôt lui qui fut à l’époque président de l’Oncav combattu par les libéraux sous le coupole de Issa Mbay samb

  • Momo

    Le mouvement était dirigé par de grands intellectuels, de la trempe de Moulaye Idriss DIOUF, du magistrat feu Bara NIANG, avec de brillants étudiants, des sportifs de haut niveau à la tête bien faîte, comme le génial Ousmane THIONGANE, je me souviens un jour après une dure épreuve à l’examen de Maîtrise à l’univer de Dakar en 1986, nous nous nous retrouvions aussitôt au stade Demba diop, lui comme joueur phénoménal de Mbaxal de Hann et moi comme dirigeant de HLM 5, pour disputer une 1/2 finale départementale entre nos 2 équipes (malgré la Maestria de Mor Dieumb Khoulé, Mbakhal l’emporta grâce à un centre-tir-vrillé-assassin de Moustapha NDIAYE alors vétéran, qui trompa l’énorme et regretté Alou). Que dire de Alain Badiane (il pouvait défier Diégo Maradona sans conteste), de Seydou DIACK et Cheikh Sidy BA, ces fils à Papa, grands joueurs de Point E 2 et brillants intellectuels de surcroît ? Mais par la suite Abdoulaye Makhtar avait cassé l’essor, l’unité et l’innocence, en introduisant la politique avec son « CDP » et ses « fourreuls ». Et maintenant c’est le règne des incultes et des gros bras, les mêmes têtes depuis des années. Sans discontinuité! Même le ministre Mbagnick (bon, courtois et modeste) avait été insulté et poursuivi jusque dans sa voiture par ces énergumènes. Devant les caméras de télévisions et en toute impunité. Que voulez-vous ?

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