La politique publique du gouvernement à l’horizon 2050 ne peut donner les résultats escomptés si les conséquences des chocs climatiques d’ici à cette période ne sont pas prises en compte. L’analyse est du rapport de la Banque mondiale sur le climat présenté hier, mardi 5 novembre.
« La vision d’un Sénégal prospère, porté par 39 millions d’habitants à l’horizon 2050, est une ambition réalisable, si elle intègre pleinement les considérations climatiques », a estimé la directrice des Opérations de la Banque mondiale au Sénégal, Keiko Miwa hier, mardi 5 novembre au lancement du rapport sur le climat et le développement (CCDR) pour le Sénégal.
Selon les conclusions de ce document qui se veut d’être un outil important d’appui au gouvernement du Sénégal pour l’identification des voies de réduction des vulnérabilités climatiques et des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que des avantages et des opportunités qui en découlent, les nouvelles autorités devront prendre en compte plusieurs paramètres liées aux changements climatiques pour un développement selon la vision prônée.
Selon l’experte à la Banque mondiale et spécialiste de l’environnement, Arame Tall, le rapport sur le climat a fait ressortir une hausse prévue des températures de 1,9 degré à 4, 5 degré d’ici 2090 particulièrement à l’est et au sud du pays. Il a également l’accélération de la hausse du niveau de la mer avec un recul du trait de la côte de 0,5 m à 2 m par an. Il est aussi prévu une hausse des émissions des gaz à effet de serre de près de 50%. Selon aussi Arame Tall à l’horizon 2050, « 75% des côtes sénégalaises seront menacées ». A Dakar, il est prévu une augmentation de la population exposée aux inondations côtières d’ici 2050 de 20 à 30% des dommages économiques associés sont estimés à 30%. Dans la zone urbaine, il est attendu une population estimée à 65% à l’horizon 2050. Le rapport de la Banque mondiale fait aussi ressortir, « des risques d’inondations urbaines accrues, des problèmes de santé publique dus aux chaleurs extrêmes et pollutions, une perte de compétitivité des villes moteurs de développement ».
Une baisse probable des rendements agricoles et maritimes
Sur l’agriculture, il est attendu une réduction potentielle de la production agricole de 17% et des revenus des ménages de 8% d’ici 2030. Dans le secteur de la pêche, les prévisions de la Banque mondiale font état d’une baisse potentielle des captures de 17 à 19% d’ici 2050. L’étude de la Banque mondiale prévoit une hausse des maladies vectorielles d’ici 2050. Il est aussi attendu une hausse des prélèvements d’eau de 30 à 60% d’ici 2035. Arame Tall signale aussi « l’intensification des chocs climatiques d’ici 2050 ». L’amplification des niveaux de pauvreté et d’inégalités, une conséquence des chocs climatiques est à prendre en compte. La banque mondiale signale par ailleurs que, « l’inaction climatique avec l’absence d’efforts dans le financement de la résilience entrainera des pertes moyennes du PIB de 3-4% à 2030 jusqu’à 9,4% d’ici 2050. » Il est aussi envisagé, « une baisse de la valeur ajoutée de l’agriculture de 10% par rapport au scenario de référence d’ici 2050 ». Selon toujours l’enquête, « 2 millions de Sénégalais de plus vivront dans la pauvreté d’ici 2030 à cause des chocs climatiques ».
Nécessité d’investir dans l’adaptation
La directrice des opérations de la Banque mondiale au Sénégal, Keiko Miwa, en rappelant que « les pertes annuelles moyennes du PIB pourraient atteindre jusqu’à 9,4 % d’ici 2050, si aucune mesure d’adaptation au changement climatique supplémentaire n’est prise, recommande plus d’actions ». « Les mesures climatiques peuvent inverser cette tendance négative et favoriser la croissance économique, estimée, pour les seules mesures d’adaptation, à au moins 2 % du PIB d’ici 2030 », dit-elle. Keiko Miwa dit aussi que, « les avantages et les gains socioéconomiques de l’action climatique sont considérables, notamment l’augmentation de la productivité agricole, la sécurité alimentaire et hydrique, l’amélioration de la santé publique, l’amélioration des services écosystémiques, une meilleure mobilité, une énergie moins chère et plus fiable, et la création de nouveaux emplois ».
Dans le seul secteur primaire, « l’action climatique pourrait générer environ 155 000 nouveaux emplois, mettant en évidence le potentiel significatif des secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la pèche à contribuer pleinement à l’économie », ajoute-t-elle.
Pour concrétiser cette ambition et permettre au Sénégal de suivre une trajectoire de croissance résiliente face au climat, le CCDR préconise de prioriser et d’accélérer les mesures de résilience et d’atténuation en fonction de leur urgence. « Ces mesures devraient se concentrer sur les systèmes productifs (sécurité alimentaire, sécurité hydrique, forêts), les villes durables, le capital humain ; ainsi que sur des actions concrètes pour faciliter la transition énergétique », explique la directrice des opérations de la banque mondiale. « Le financement nécessitera des ressources financières importantes, notamment du secteur privé, ainsi que des approches innovantes et des réformes politiques pour assurer la durabilité à long terme », dit-elle.
Les investissements sont estimés à 8,2 milliards de dollars sur la période 2025-30 (soit 4.5% du PIB durant cette période) et à 10,6 milliards de dollars sur la période 2031-50 (soit 2% du PIB durant cette période). Selon le ministre de l’Environnement et de la transition écologique, Daouda Ngom, « les zones de crues de Bakel à Matam, les inondations à Touba, Keur Massar, Kaolack…, l’érosion côtière sur toute la côte, mettent en péril l’écosystème et rappellent l’impérieuse nécessité à prendre à bras-le-corps la question climatique ». Daouda Ngom rappelle qu’il est important de transformer le trajectoire de développement ». Ainsi rappelle-t-il, « la vision 2050 appelle à une transition écologique qui mobilise l’ensemble des acteurs. Prendre des mesures collectives pour réduire l’émission des gaz à effet de serre tout en promouvant des modèles économiques plus respectueux de l’environnement ».