Micmacs autour d’un marché d’hydrocarbures : La SAR dans un tanker illégal

Un concurrent étranger, qui gagne un marché des hydrocarbures, se voit récusé par la Sar sans explications, avant que l’appel d’offres ne soit relancé, bien retaillé pour favoriser un autre concurrent. Un marché de plusieurs milliards, mais qui pue aussi une odeur de pratiques très sales, peu susceptibles d’améliorer l’image du Sénégal à l’extérieur.

«Business friendly !» Quand elle dirigeait l’Agence nationale pour la promotion de l’investissement et des travaux publics (Apix), Mme Aminata Niane, dans ses présentations tendant à présenter les avantages comparatifs du Sénégal, avait tendance à déclarer que son ambition était de rendre ce pays «Business friendly -propice aux affaires-», à l’image de Singapour ou de Maurice, des pays bien placés dans le classement Doing Business.

Jusqu’à son départ de l’Apix, elle n’a pas réussi à approcher la tendance. Et il semble que les choses ne se sont pas améliorées depuis lors, si l’on en juge par ce qui vient de se passer à la Société africaine de raffinage (Sar).

Un appel d’offres international de fourniture d’hydrocarbures, passé et attribué en bonne et due forme, vient d’être annulé de but en blanc, sans que le soumissionnaire gagnant ne reçoive aucune information à ce propos. On comprend qu’au sein de Concord, le trader basé en Suisse, l’on se pose des questions sur la fiabilité du partenaire sénégalais.

La Sar reste muette

Cette entreprise est d’autant plus surprise que ce n’est pas la première opération qu’elle passe avec la Sar. Lors d’un premier appel d’offres international, qui l’avait opposée à la société sénégalaise Itoc, de l’homme d’affaires sénégalais Baba Diao, Concord Energy avait remporté la mise, et les deux parties, Sar et Concord, s’étaient félicitées du déroulement de l’opération, car avec les difficultés qui sont les siennes au niveau de sa trésorerie, la société de raffinage sénégalaise avait pu s’acquitter de sa part du contrat sans trop d’à-coups.

Ce fut donc avec beaucoup d’optimisme que Concord Energy a soumissionné au dernier appel d’offres lancé par la Sar, pour une nouvelle fourniture d’hydrocarbures. Une nouvelle fois opposée à Itoc, Concord est arrivée en tête, et la direction de la raffinerie a signifié à l’issue du dépouillement, le 30 avril dernier, aux dirigeants suisses que leur entreprise avait remporté le marché. A partir de cette information, le trader a entamé les démarches pour mobiliser un tanker en mesure de transporter le carburant à acheminer à Dakar. Mais quelques jours plus tard, patatras!

La Sar contacte le partenaire pour l’informer que «l’appel d’offres est annulé», sans autre explication. Avant de notifier que l’appel d’offres sera relancé. Ce qui a été fait, mais en des termes tels que les spécialistes qui l’ont parcouru estiment que le marché ne pourrait pas échapper au concurrent sénégalais, le group Itoc de M. Diao.

Contactée par Le Quotidien, la Sar n’a pas donné d’explications sur ce retournement de situation. Tout au plus, des personnes proches de la direction ont daigné informer que «l’appel d’offres est revenu infructueux, c’est ce qui a nécessité son annulation». Mais les personnes en question ne peuvent donner d’explications sur les raisons du changement des conditions de l’appel d’offres. Mais d’autres encore font valoir que les parties étaient informées que la Sar pouvait casser un marché à tout moment.

L’ombre des tribunaux
Quoi qu’il en soit, Concord Energy, qui se considère comme adjudicataire légitime, et qui assure ne pas être informée de la raison objective de l’annulation, ne veut pas entendre parler de relance de l’appel d’offres. Car, en plus de se considérer comme gagnants légitimes, les Suisses font remarquer que cette relance d’un marché déjà attribué va entraîner des frais supplémentaires énormes pour eux.

En effet, outre la difficulté de trouver une cargaison adaptée à la demande de l’appelant, à la date souhaitée, il y a le fait que le dépouillement des appels d’offres se fait en présence des soumissionnaires. Et ceux qui sont établis hors du Sénégal doivent prévoir leur billet, les frais d’hôtel et de séjour pour pouvoir assister au dépouillement. Ils ne peuvent donc pas se permettre des frais supplémentaires non prévus à tout bout de champ.

Du côté de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) également, c’est l’incompréhension. Le Dg, contacté hier au téléphone par Le Quotidien, déclare que la Sar aurait dû contacter la Dcmp avant d’annuler le premier appel d’offres et de le relancer.

Pour sa part, Concord Energy a déjà informé le raffineur sénégalais que faute d’explications valables, elle allait contester la décision de la Sar devant les tribunaux, parce que, selon eux, elle remet en question la transparence et l’équité du mode d’adjudication des appels d’offres.

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