Mausolée de Lat Dior en ruine : Le déshonneur de la Nation

L’usure  a eu raison des stigmates de la bataille de Dékheulé. La savane à même de cacher l’ennemi  fait place à une flore clairsemée.  Tout autour du monument, les acacias résistent à l’érosion. Y accéder relève d’un exercice délicat. Tellement la soi-disant piste est cabossée. Le corridor latéritique est rouge par endroit, sablonneux au niveau des virages. Il s’élance sur près de trois kilomètres à partir du bitume qui mène vers Darou Mousty. Le sanctuaire de Lat Dior Ngoné Latyr Diop, ce résistant déclaré héros national, est aujourd’hui un champ de déshonneur. La Nation lui manque de reconnaissance. Pourtant, les hautes autorités sont assidues dans ce bastion du mouridisme où Gamou et magal font  partie du quotidien des populations.  Un détour sur le mausolée du héros national ne les a jamais enchantés depuis 28 ans.  «Depuis 1986, date de l’érection du monument sur la tombe de Lat Dior, aucune autorité n’a mis les pieds ici», déplore Abdoulaye Diop, petit-fils de cet ancien roi du Cayor. Le site souffre de manque d’entretien. Des pans de murs lâchent et se  détachent. La rouille ronge le fer du portail. Les rats s’y prélassent. Les animaux domestiques  y errent.  Sur un petit ta­bleau marbré, le message suivant y a été gravé : «Ce monument a été inauguré le 27 octobre 1986 par son Excellence Monsieur Abdou Diouf, président de la République du Sénégal, Monsieur Makhily Gassama étant ministre de la Culture».

Depuis cette cérémonie marquant le centenaire de la mort de Lat Dior, l’Etat n’a pas beaucoup évolué dans ses promesses de respecter la mémoire du résistant du Cayor. Dékheulé  garde les secrets de l’ultime combat contre la pénétration française. Une fois devant le monument,  un écriteau en édifie le visiteur. «Sur ce champ de bataille est tombé le 27 octobre 1886, Lat Dior Ngoné Latyr Diop ; hommage rendu à tous  les résistants sénégalais», lit-on en dirigeant le regard vers la pointe de la stèle.  Dékheulé Peulh est un quartier  excentré  du village éponyme.  Les hameaux du berger fondateur ont cédé la place à des appartements construits en dur. L’eau, la denrée rare dont souffraient le cheptel et les propriétaires est disponible. Il est 10h 30 mn.  Le soleil  darde ses rayons secs sur le terroir. L’harmattan à faible vitesse déshydrate les  visages. Les jeunes bergers abreuvent sans trimer leurs troupeaux de bœufs devant une  fontaine sous le regard du  délégué de ce quartier, Djiby Bâ. Assis devant sa concession, ce témoin de l’histoire «post-Lat Dior» prête une oreille attentive à la radio. Il observe les mouvements des troupeaux, devise avec ses interlocuteurs. Relancé sur l’histoire de la tombe du héros national, il débite lentement, le ton amer. «C’est moi qui nettoyait le mausolée de Lat Dior. Mais je n’en ai plus les capacités. Les enfants ne trouvent pas utile de le faire. Ils préfèrent se consacrer à des activités rémunérées plutôt que de passer leur temps à faire un travail gratuit. Je n’ai jamais reçu un franc pour l’entretien  du site», lâche-t-il

L’histoire de la tombe de Lat Dior
Dékheulé est le témoin d’une bataille où les Armées coloniales ont enfin tué le roi du Cayor. L’occupation française du royaume était hostile à toute recherche de la tombe de Lat Dior. Pourtant, il a été enterré quelque part. Ce n’est  que vers 1960 que la tombe de ce héros a commencé à susciter de la curiosité. «C’est plus de 70 ans après sa mort qu’on a commencé à s’intéresser au champ de bataille de Dékheulé pour savoir où l’ancien roi a été enterré». Jeune habitant du secteur, fils du fondateur du quartier, Adama Bâ n’en savait pas grand chose. D’aucuns disent que l’Armée coloniale l’avait dissimulé pour éviter des attroupements ou pour que la tombe ne serve pas de lieu de recueillement. D’après les témoignages, Lat Dior a été bel et bien enterré à Dékheulé Peulh par ses lieutenants. «Il y a plus de 50 ans, mon père est allé prendre sur une charrette un certain Modou Coumba Laobé Diop. Il était vieux et ne tenait plus sur ses deux jambes. C’est lui qui disait que son père avait enterré Lat Dior», raconte le vieux Bâ.  Un de ses voisins d’ajouter qu’il a été enterré sous un arbre appelé «nguiguisse». Dans un accent pulaar très marqué, Djiby Bâ poursuit : «On a transporté  Modou Coumba Laobé Diop jusqu’ici. Témoin de l’enterrement, il a dit que son père avait mis des tuiles autour de la tombe creusée sous l’arbre. Je lui fais visiter le secteur. Subitement, il  a dit que c’est sous cet arbre que Lat Dior a été enterré par son père. Effective­ment, en sondant le sol, je suis tombé sur des morceaux de tuiles. Je lui ai montré et il a confirmé.  J’ai entouré la tombe de salanne verts. Quand le nguiguisse est mort, j’ai planté un piquet en bois. Depuis lors, c’est le lieu que j’indique à tous les visiteurs qui cherchent là où l’ancien roi du Cayor a été enterré», explique-t-il.

Quand les autorités sont venues ici dans le cadre du centenaire de Lat Dior, je leur avais montré la tombe. C’est là où le mausolée a été érigé. Modou Coumba Laobé Diop  a rendu l’âme. Rapportant ces propos, Djiby Bâ assure que Lat Dior revenait du sud de son royaume en se dirigeant vers Mbacké Cadior. A la tête de ses troupes, il a eu un dernier accrochage avec l’Armée coloniale. C’est seulement après, que le Cayor a été annexé à l’empire français du Sénégal. Cette version vient remettre en cause une autre. En effet, il se dit que le  résistant avait quitté Thilmakha Mbakol, un village situé à 5 km de Dékheulé pour se rendre à Mbacké Cadior et est tombé sur les forces coloniales à Dékheulé.   Thilmakha porte encore les vestiges de la pénétration française à travers son marché.

La tournée politique de Wade
En tout état de cause, on ne discute pas de son lieu d’enterrement. Selon le vieux Bâ, c’est un enseignant venu de Saint-Louis qui, pour la première fois, lui a demandé la tombe de Lat Dior.  Depuis qu’il a été officiellement déclaré héros national, des touristes viennent rarement visiter le site. «Si le sanctuaire était valorisé, Dékheu­lé pouvait se développer. Mais l’Etat a oublié le site depuis la célébration du centenaire du héros en 1986», dit-il.  Abdoulaye Diop ne voit que les élèves de l’Ecole nationale des officiers d’active de Thiès (Enoa)  venir visiter le mausolée de Lat Dior. «Toutes les promotions de l’Enoa font un passage au champ de bataille», se réjouit-il. Toutefois, de l’avis du vieux Djiby Bâ, les héritiers du  héros ne sont pas moins blâmables. «La réfection et l’entretien du site ne sont pas coûteux. Ses petits-fils pouvaient faire un effort et le valoriser pour eux-mêmes», regrette-t-il. La responsabilité de la communauté rurale de Darou Marnane sur la décrépitude du sanctuaire est indexée par Djiby Bâ et Abdoulaye Diop. Mais le découpage territorial n’a pas arrangé les choses. Dékheulé est un village «frontière» rattaché à la région de Louga et précisément à la communauté rurale de Darou Marnane. De ce fait, les habitants de la communauté rurale de Thilmakha (région de Thiès) estiment que les ndiambour-ndiambour (appellation collée aux ressortissants de Louga) sont moins intéressés par une valorisation de l’histoire du Cayor.

Keur Nganda, lieu de retraite de l’actuel khalife général des mourides est à quelques kilomètres. Toutefois, le devoir de reconnaissance d’un héros national revient à l’Etat. «Abdou Diouf n’a pas  mis les pieds ici depuis la célébration du centenaire encore moins  un ministre. Cependant, il y avait un ministre sous son magistère qui avait réfectionné le mausolée. Il était un Ndiobène donc un  petit fils de Lat Dior», se rappelle  le vieux berger. En 1991, l’opposant Abdoulaye Wade avait mené une tournée politique dans le Cayor. Celle-ci l’avait mené jusqu’à la tombe de Lat Dior. «Durant tout son règne, il n’a  pas remis les pieds ici», témoigne le vieux Bâ. Le mausolée de l’ancien résistant est un patrimoine qui se meurt. La valeur ajoutée qu’il peut apporter au tourisme et à l’économie ne remuent malheureusement pas les promoteurs d’un Sénégal émergent.

Le Quotidien

7 COMMENTAIRES
  • encyclopédie

    Pourquoi doit on tout attendre de l’Etat? C’est ce qui me désole le plus ds ce pays. De plus combien de Ndiobène se glorifi d’être de la même lignée que Lat Dior. qu’ils cotisent chacun 500F pour lui construire un mausolée digne de son nom. Wassalam

  • Wilma

    Et ces gens qui passent tout leur temps a se Glorifier de lui ,ils nont qu’a le faire thipiri

  • Wilma

    Jen connais qui donnent des millions aux griots pour qu’ils chantent qu’ils sont parentes a Lat Dior alors refaitent la tombe de votre « grand pere »

  • non

    Salut les gars
    je ne pense pas qu’on devait réagir ainsi
    Il était au moins quelqu’un qui lutté pour son pays donc faut bien respecter ou même l’état car vous voyez que les occidentaux ou même les autres pays respectent bien leurs héros ou ceux qui lutté pendant la guerre.
    Mais on a l’habitude au Sénégal que de critiquer même nos anciens combattants on ne respecte pas et c’est dommage.
    En France, on te parle de GUY Moquet ou autres mais nous au Sénégal laisse tomber (critiquer rek).

  • coucouniang

    ana aye petits fils de lat dior ils ne doivent attendre personne pour sargal sen mame

  • Biba

    Ca deug deug souko ngour gui deffaroul ay mbokkam warnaleen

  • deug

    Les petits fils doivent s occupe tu tombe de leurs ancêtres et ne rien attendre de personne même les religieux entretien les tombes de leurs parents

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