Le Tata de Chasselay vandalisé : Une nouvelle attaque contre les tirailleurs sénégalais

Les actes de vandalisme découverts sur le mur du Tata de Chasselay, où reposent des tirailleurs sénégalais, à une vingtaine de kilomètres de Lyon, traduisent pour tout dire la délicatesse de la mémoire des relations franco-africaines, ce lieu chargé d’histoire constituant un des symboles du sacrifice consenti par les Africains pour la libération de la France.
Un graffiti à la craie qualifié d’ »acte de vandalisme » par le gouvernement français a été découvert sur le mur de cette nécropole du centre-est de la France, un acte condamné « avec la plus grande fermeté » par Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’Etat français chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, rapportent des médias locaux.
Il n’est malgré tout pas illégitime de lier cet acte de vandalisme au climat pesant auquel Noirs et musulmans peuvent être parfois confrontés en France, en particulier depuis les dernières performances électorales du Front national, un parti dont la xénophobie n’est pas la moindre des identités.
De forme rectangulaire, entouré de murs d’environ 2,8 m dont chaque angle est surmonté de pics en forme de minaret, cette nécropole est majestueuse par « la leçon de l’histoire », avait commenté l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade, qui s’y était recueilli en mars 2005, en marge d’une visite en France.
Le portail de ce lieu de mémoire monumental porte des insignes fétichistes africains. Sa maçonnerie et ses pierres tombales sont peintes en rouge, dans un ensemble architectural d’inspiration soudanaise, avait constaté l’APS.
De fait, une réplique exacte de cette architecture de légende qui rappelle Tombouctou en pleine Rhône-Alpes, pour symboliser le don de soi au profit de la liberté.
Selon de nombreux recueils d’histoire, les guerriers tombés à Chasselay, membres du 25e régiment des tirailleurs sénégalais, avaient été littéralement exterminés par la division SS Totenkopft de l’Allemagne du Führer, Hitler.
Ils avaient reçu l’ordre de « résister sans esprit de recul » face aux troupes nazies bien supérieures en nombre et en armement, qui déferlaient du nord et de l’ouest de la France.
Combattant à un contre 100, selon certains historiens, avec des baïonnettes comme seules armes, il leur avait été assigné comme tâche stratégique de retarder l’entrée des troupes allemandes dans Lyon, déclarée « ville ouverte », le 18 juin 1940.
Vaincus, encerclés, tous faits prisonniers, ils allaient subir les feux nourris des forces allemandes. Agonisants, ils seront, pour quelques-uns, déchiquetés et broyés par la mécanique nazie d’une performance inégalée à l’époque.
Aujourd’hui encore, face à l’entrée de cette nécropole, au fond de l’unique couloir qui existe ici, une croix entre deux croissants s’impose au-dessus du mur qui fait impasse. Pour la mémoire du musulman et du chrétien.
De part et d’autre de ce couloir, des pierres tombales, des noms communs, sénégalais et africains. Des Demba et semblables qui réclament parenté et reconnaissance dans la froideur et l’étrangeté d’une France qui sait parfois si bien donner l’hospitalité et la reconnaissance.
Pour tous les autres guerriers non identifiés et donc demeurés inconnus pour le bataillon, l’absurdité de la guerre ajoute à une double tragédie : celle d’être mort cruellement et d’être toujours inconnu. Même avec le sacrifice consenti.
Il faut se déplacer sur ces lieux pour voir la mémoire imposer le souvenir des tirailleurs sénégalais et rendre compte du sacrifice consenti par ces anciens combattants.
Il faut visiter cette nécropole par devoir, au nom des tirailleurs qui ont si longtemps lié leur sort à celui du peuple français pour combattre la « tyrannie » et pour l’avènement de la liberté.
Dans la solennité de ces lieux, d’un profond recueillement, on se surprend à prononcer maladroitement des noms qu’on a sans doute connus dans l’éternité de la fraternité. On s’entend appeler des frères outre-tombe. Et comme revenu d’un mauvais cauchemar, on leur chuchote plutôt une prière. La prière de l’absent.
On les entend répondre. Souvent par le fait d’une illusion, d’une hallucination sublime, conséquence d’une surréaliste contagion émotionnelle. Par la seule force du recueillement.
Si la mémoire française va chercher du bois mort et sélectionner le fagot qui lui plaît, pour paraphraser Birago Diop, il faudrait que l’Afrique et le Sénégal, en particulier, imposent cet épisode inconnu de l’histoire des relations franco-africaines.
Aps
Nous avons tous un devoir de respect envers ceux qui sont tombés sur le champ de bataille pour défendre ce grand pays qui est la France