« La survenue de la troisième alternance avec l’accession du Président Diomaye Faye à la magistrature suprême a finalement eu raison de la coalition historique Benno Bokk Yaakaar (BBY) qui naquit au lendemain de la proclamation des résultats du premier tour de la présidentielle de 2012. Sans vouloir me perdre en conjectures quant au devenir des entités hétéroclites qui la composent et la nature de leurs relations politiques futures, je me contenterai d’apprécier les enjeux de l’heure et les perspectives pour notre parti, le Parti socialiste.
Après avoir vécu douze années d’opposition depuis la perte du pouvoir en 2000, le Parti socialiste eut à façonner et dessiner les contours de la nouvelle opposition dont il lui avait été reconnu d’en être indubitablement le chef de file. Des coalitions qui se sont succédé dans l’opposition (CPA, CPC, JAAM, FSS et BSS) en passant par les assises nationales, le Parti socialiste fut l’instigateur aux côtés des autres formations politiques de l’opposition d’alors. Il faut dire qu’avec beaucoup de tact et d’intelligence, le regretté Président Ousmane Tanor Dieng avait réussi à juguler sa position de Secrétaire général du PS et chef de file de fait de l’opposition et sa qualité de membre des directeurs des différentes coalitions.
L’objectif visé d’avoir une opposition forte a été une préoccupation majeure des différentes entités qui la composaient. Les grands leaders tels que Moustapha Niass, Djibo Kâ, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, Landing Savané et plus tard Macky Sall avaient petit à petit façonné le visage de cette opposition tenace et radicale à Abdoulaye Wade. À la proposition du Président Abdoulaye Wade de lui accorder le statut de chef de l’opposition, Ousmane Tanor Dieng déclina poliment mais fermement pour éviter de semer les germes de la division au sein de l’opposition. Il faut dire que la personnalité de l’individu ne rimait pas avec prétention, arrogance et désinvolture.
Après l’alternance de 2000, le Président Abdoulaye Wade et son régime ont eu à bénéficier d’une période de grâce durant laquelle, l’opposition peina à sortir la tête hors de l’eau. Bien entendu, il n’y avait d’opposition que de socialiste. Le Président Wade avec son objectif d’annihiler toute opposition, favorisa une transhumance qui permit à beaucoup de partis alliés à l’ancien régime du Président Diouf et de hauts cadres socialistes de rejoindre le pouvoir. Cela eut comme conséquence de fragiliser davantage l’opposition incarnée par le PS, déjà très diminué, après la perte du pouvoir. Pour autant, la reconstruction progressive du grand Parti socialiste s’est poursuivie.
Aujourd’hui que le parti a bien blanchi sous le harnais après moult passages de près ou de loin par le pouvoir il est grand temps que la reconquête pour nous et par le PS se concrétise. Mais cela devra passer par une mue inéluctable à travers un rajeunissement de nos instances. Quel est alors le frein à cette mutation ? La question mérite d’être posée !
Le Parti socialiste souffrirait-il du syndrome du Grand Homme ? Ce syndrome est un concept souvent utilisé pour décrire une tendance à exagérer l’importance ou l’influence des leaders ou des personnalités historiques de notre parti et son parcours historique. Ce concept repose sur l’idée que certaines figures clés sont responsables des changements significatifs dans l’histoire, souvent au détriment de l’analyse des facteurs sociaux, économiques, ou structurels plus larges qui contribuent également à ces évolutions.
Que le Parti socialiste compte de grands hommes/femmes politiques ou d’éminentes personnalités est un fait irréfutable. Lorsqu’on a eu le privilège de cheminer et de côtoyer Senghor, puis Diouf et enfin OTD, il leur est difficile de voir à leur suite de nouveaux futurs « Senghor », « Diouf » et « OTD ». Cette méprise ne tient ni du parcours, ni du niveau intellectuel encore moins d’un quelconque argument objectif. C’est juste parce qu’on ne peut descendre de son piédestal. On préfère alors se nourrir des souvenirs épiques de la belle époque et donc de se gargariser de ses gloires passées. Comme disait l’autre « le tigre n’a pas besoin de crier sa tigritude pour tuer sa proie, il a juste besoin de sauter sur elle et la dévorer».
Aujourd’hui, au PS on se complaît à se nourrir des souvenirs épiques incarnés par la garde ayant bien vécu, alors qu’on est plus que jamais au temps de l’action et non de la réaction. On aurait entendu certains de nos camarades moins jeunes nous faire croire que notre jeunesse « n’est pas bien entrée dans l’histoire », pour paraphraser Nicolas Sarkozy. Mais pour ne pas être anachronique, on devrait plutôt accuser notre jeunesse de ne pas savoir su sortir de l’histoire et se détacher des belles épopées de nos gloires éteintes. Et oui, mais justement parce que cette jeunesse n’y a pas été assez aidée.
C’est le lieu de dire que c’est une erreur que de « penser que les jeunes ne prennent pas leurs responsabilités ». Je pense que c’est plutôt un discours emprunté et scandé mais qui ne peut être le nôtre. La vérité est qu’aucun jeune ne veut plus aller au charbon, s’investir par ses propres moyens pour voir se faire coiffer au poteau aux prochaines échéances électorales par le senior détenteur de la prérogative parce que seul ayant droit de la responsabilité es qualité. Le « golo di baye baboune doundé » ne peut plus prospérer à force d’espoirs anéantis.
Je suis persuadé et même sûr qu’un jeune responsabilisé serait capable de tous les sacrifices sur son patrimoine pour faire face à ses responsabilités. Seul un jeune serait capable de vendre une partie de son patrimoine pour financer sa campagne s’il lui arrivait d’être investi pour une élection. Par ailleurs, nous ne devons pas et n’avons le droit d’attendre de nos seniors qu’ils continuent de puiser dans leurs économies qui ne se renouvellent plus pour gérer ce parti. La solution réside dans une parfaite symbiose générationnelle qui permettrait un bon mix ou chacun agirait à la hauteur de ses moyens physiques, intellectuels et matériels dans un cadre de solidarité intergénérationnelle« .
* Par Mamadou Mbodj Diouf
MBA Paris Dauphine PSL
Membre Bureau Politique PS