Les dessous de la tournée ouest-africaine du Premier ministre Ousmane Sonko

Au cours des deux dernières semaines, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a entrepris une tournée diplomatique intensive en Afrique de l’Ouest, visitant successivement le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée et la Sierra Leone. Objectif affiché : renforcer les liens bilatéraux et promouvoir une intégration régionale plus solide, dans le cadre d’une nouvelle orientation panafricaine de la diplomatie sénégalaise. « Notre priorité est de renforcer nos liens avec nos voisins ouest-africains, avant de nous projeter sur le reste du continent » a justifié Ousmane Sonko. Ce voyage, étalé de la mi-mai au début juin 2025, a mêlé rencontres politiques de haut niveau, annonces de partenariats économiques et gestes symboliques, sur fond de redéfinition des alliances régionales du Sénégal. Voici le récit chronologique et détaillé de cette tournée, ses motifs politiques, ses retombées économiques, ainsi que les implications géopolitiques qu’elle suscite.
Burkina Faso : hommage à Sankara et partenariat sécuritaire (17 mai)
Première étape de la tournée, Ouagadougou a accueilli Ousmane Sonko pour une visite de 48 heures entamée le samedi 17 mai 2025. Le chef du gouvernement sénégalais y a rencontré son homologue burkinabè, le Premier ministre Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo, et a été reçu en audience par le président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré. Cette rencontre intervenait le lendemain du retour de M. Traoré d’un déplacement à Moscou, soulignant l’effervescence diplomatique autour du Burkina Faso, pays en quête de nouveaux partenariats depuis son retrait de la CEDEAO.
Les deux délégations ont tenu une séance de travail conjointe abordant un large éventail de sujets – diplomatie, défense, sécurité, culture, sport, commerce, économie et finances – afin de redynamiser la coopération bilatérale. Dans un communiqué commun, Dakar et Ouagadougou ont salué la qualité de la coopération entre leurs pays, fondée sur des liens historiques et culturels solides et marquée par un attachement partagé aux valeurs de paix, de solidarité et de panafricanisme. Sur le plan sécuritaire, une priorité compte tenu du contexte sahélien, les deux parties ont réaffirmé la nécessité de mutualiser les efforts et d’accroître le partage de renseignements pour lutter contre le terrorisme, le trafic d’armes et la criminalité transfrontalière, tout en appelant à un soutien international aux efforts endogènes de la région. Cette convergence de vues s’inscrit dans une approche souverainiste commune : Ibrahim Traoré et le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye (chef de l’État issu de la même coalition que Sonko) ont insisté ensemble sur le respect de la souveraineté des États et de leur droit à définir librement leur destin sans ingérence extérieure.
Symbole fort de cette étape au Burkina Faso, Ousmane Sonko a assisté à l’inauguration du mausolée Thomas Sankara aux côtés des autorités de la transition. Sur place, il a rendu hommage à la figure emblématique du capitaine Sankara, saluant sa mémoire comme « une source d’inspiration pour la jeunesse africaine et mondiale ». Ce geste appuyé du Premier ministre sénégalais – aux côtés de ministres de son gouvernement présents à Ouagadougou – illustre l’accent mis sur le panafricanisme et la souveraineté dans la diplomatie actuelle de Dakar.
Les échanges au Burkina Faso ont débouché sur des engagements concrets. Sur le volet culturel, les deux gouvernements ont convenu de soutenir réciproquement de grands événements tels que la Biennale Dak’Art ou le festival du cinéma FESPACO de Ouagadougou, témoignant d’une volonté de rapprocher les peuples par la culture. Sur le plan économique, un accent particulier a été mis sur le développement du commerce bilatéral. Dakar et Ouagadougou comptent faciliter davantage la circulation des biens via le Port autonome de Dakar, plateforme stratégique pour les échanges sous-régionaux. Le Sénégal a salué le projet d’ouverture d’une antenne de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso à Dakar, destiné à stimuler les investissements croisés. Les deux pays ont d’ailleurs instruit leurs ministres des Affaires étrangères d’organiser dans les meilleurs délais la 6ᵉ session de la Grande commission mixte de coopération, signe d’une relance formelle des partenariats restés en sommeil ces dernières années.
À Ouagadougou, Ousmane Sonko s’est également exprimé sur un sujet hautement stratégique : la présence militaire étrangère au Sénégal. Profitant de sa tribune sur la télévision publique burkinabè, il a annoncé le retrait définitif de toutes les bases militaires étrangères du sol sénégalais d’ici juillet 2025. « Le Sénégal n’aura plus, sur son sol, de base militaire étrangère… Nous avons notifié à tous les pays concernés de retirer leurs troupes. Le processus prendra fin d’ici juillet », a-t-il déclaré, soulignant la volonté de Dakar de renforcer sa souveraineté nationale en matière de défense. Cette décision, qui avait été amorcée dès fin 2024 avec la demande de retrait des forces françaises, a été accueillie favorablement par les dirigeants burkinabè. Elle place le Sénégal dans le sillage du Burkina Faso et du Mali, qui ont récemment exigé le départ de troupes étrangères, et donne un écho particulier au discours panafricaniste d’Ousmane Sonko devant le mausolée Sankara.
Côte d’Ivoire : relance d’un partenariat stratégique (29 mai – 1ᵉʳ juin)
Après une pause de quelques jours à Dakar, Ousmane Sonko a repris son bâton de pèlerin diplomatique en se rendant en Côte d’Ivoire à la fin du mois de mai. Le jeudi 29 mai 2025, il est arrivé à Abidjan pour le début d’une visite officielle de trois jours. Au menu figuraient des enjeux majeurs de coopération économique entre les deux premières économies de l’UEMOA. Dès son arrivée, le Premier ministre sénégalais a eu une importante séance de travail avec son homologue ivoirien, Robert Beugré Mambé, suivie d’une audience au palais présidentiel avec le chef de l’État Alassane Ouattara. Ces rencontres au sommet ont été l’occasion de réaffirmer la proximité entre Dakar et Abidjan, dans un contexte où le Sénégal cherche à bâtir avec la Côte d’Ivoire un partenariat stratégique semblable, toutes proportions gardées, à l’axe historique franco-allemand.
Au cours de son séjour en Côte d’Ivoire (du 29 mai au 1ᵉʳ juin), Ousmane Sonko a multiplié les gestes pour rapprocher les deux nations sur le plan tant politique qu’économique. Les deux Premiers ministres ont annoncé la réactivation de la Commission mixte ivoiro-sénégalaise, un organe bilatéral de coopération qui était en sommeil depuis des années. L’objectif affiché est d’« impulser une nouvelle dynamique » dans les six mois à venir, en reprenant le fil de dizaines d’accords signés depuis les années 1970 mais restés peu actifs. Concrètement, Sonko et Mambé ont convenu que les ministres sectoriels de chaque pays doivent désormais échanger en continu – y compris sur les plans législatif et réglementaire – afin de partager les bonnes pratiques et harmoniser les cadres, plutôt que de se limiter à des contacts protocolaires espacés. L’ambition affichée est de fluidifier la coopération au quotidien, en la rendant plus naturelle et moins formelle qu’elle ne l’était par le passé.
Sur le plan économique, le potentiel de l’axe Dakar–Abidjan est immense : à eux deux, le Sénégal et la Côte d’Ivoire pèsent plus de 60 % du PIB de l’UEMOA. Toutefois, comme l’a souligné un expert accompagnant la délégation sénégalaise, les échanges commerciaux directs restent étonnamment faibles – de l’ordre de 160 milliards de FCFA (moins de 175 millions de dollars) seulement. Pour inverser cette tendance, plusieurs obstacles seront levés. Les deux pays se sont engagés à éliminer au plus vite les barrières douanières et tracasseries administratives qui freinent le commerce. Parmi les domaines de coopération prioritaires identifiés figurent la sécurité, l’exploitation des ressources halieutiques (pêche), le commerce, les nouvelles technologies, l’enseignement supérieur, la recherche scientifique, la transformation des produits agricoles, l’industrialisation ou encore l’élevage. Le Premier ministre ivoirien a notamment reconnu que Dakar dispose d’une expertise précieuse en matière de pêche artisanale, dont Abidjan pourrait largement bénéficier pour améliorer ses résultats dans ce secteur. Les deux gouvernements comptent aussi mobiliser le secteur privé afin qu’il joue « un rôle essentiel » dans l’augmentation du volume des échanges et l’exploration de nouveaux créneaux de partenariat.
Cette visite en Côte d’Ivoire a été marquée par une dimension de diplomatie de proximité. Ousmane Sonko a tenu à rencontrer les communautés sénégalaises établies en Côte d’Ivoire, qui constituent l’une des plus importantes diasporas sénégalaises en Afrique. Après Abidjan, il s’est rendu le samedi 31 mai à Bouaké, la deuxième ville ivoirienne, située à 400 km au nord de la capitale économique. À Bouaké, le Premier ministre a échangé avec les ressortissants sénégalais locaux pour recueillir leurs préoccupations et renforcer les liens avec cette communauté dynamique. La mairie de Bouaké l’a d’ailleurs élevé au rang de citoyen d’honneur de la ville, un geste symbolique soulignant l’amitié ivoiro-sénégalaise renouvelée. Sonko y a également visité des infrastructures phares – le Centre hospitalier régional (CHR) et le Stade de la Paix – témoignant de l’intérêt du Sénégal pour les projets de développement ivoiriens et d’une volonté d’échange d’expertises dans ces domaines.
Avant de clore sa tournée ivoirienne, Ousmane Sonko a rappelé que la coopération entre Dakar et Abidjan ne date pas d’hier : « les premiers accords entre la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont été signés en 1971 », a-t-il mentionné, avant d’ajouter que “notre responsabilité, aujourd’hui, est de hisser cette coopération à un niveau jamais égalé”. Cette déclaration résume l’esprit de sa visite : inscrire le partenariat sénégalo-ivoirien dans une nouvelle ère, plus ambitieuse et mieux structurée, afin que les deux locomotives économiques de l’Afrique de l’Ouest puissent entraîner dans leur sillage une intégration régionale accrue.
Guinée : « Je suis ici chez moi » – nouveau départ entre Conakry et Dakar (1ᵉʳ–2 juin)
Sitôt son séjour en Côte d’Ivoire achevé, Ousmane Sonko s’est envolé pour la République de Guinée, troisième étape de sa tournée ouest-africaine. Il est arrivé à Conakry dans l’après-midi du dimanche 1ᵉʳ juin, accueilli à l’aéroport par le Premier ministre guinéen Amadou Oury Bah – souvent appelé Bah Oury – figure de l’opposition historique à Conakry récemment nommée chef du gouvernement de transition. Une visite d’amitié et de travail de 48 heures s’est déroulée dans la capitale guinéenne, marquant un rapprochement significatif entre deux pays voisins qui, sous les présidences d’Alpha Condé et de Macky Sall, avaient connu près d’une décennie de relations heurtées. L’arrivée au pouvoir de nouvelles générations de dirigeants de part et d’autre (le président guinéen, le colonel Mamadi Doumbouya, ayant pris la tête du pays après le coup d’État de 2021, et le président Bassirou Diomaye Faye incarnant le renouveau politique au Sénégal) a ouvert la voie à ce nouveau départ diplomatique.
Dès le dimanche soir, Ousmane Sonko a rencontré des membres de la communauté sénégalaise de Conakry lors d’une réception à l’ambassade du Sénégal. Le lendemain, lundi 2 juin, une séance de travail élargie s’est tenue en matinée entre les deux délégations, coprésidée par Sonko et son homologue Bah Oury. L’objectif affiché était de « redynamiser l’axe Dakar–Conakry », selon les termes employés par les deux gouvernements. Lors d’une conférence de presse conjointe, Ousmane Sonko a adopté un ton particulièrement fraternel, déclarant devant les médias guinéens : « Je suis ici chez moi. Je ne viens pas en tant que Sénégalais. Je n’ai jamais cru sérieusement aux frontières artificielles qui nous ont été imposées… ». En affirmant n’accorder qu’une importance relative aux frontières héritées de la colonisation, le Premier ministre sénégalais a voulu souligner la proximité entre les peuples guinéen et sénégalais, unis par l’histoire et la culture. « Les communautés guinéennes établies au Sénégal depuis des décennies, et les communautés sénégalaises en Guinée, ne se considèrent pas comme étant de nations différentes », a-t-il insisté, illustrant la profonde interpénétration humaine entre les deux pays.
Ce discours panafricaniste a été assorti d’engagements précis en matière de coopération. « Je suis là particulièrement pour continuer à consolider nos relations dans le sens… du renforcement des actes de coopération économique », a déclaré Sonko, convaincu que « ensemble, en mutualisant nos efforts, nos ressources, nos expériences, nous pourrons faire énormément plus ». Concrètement, Dakar et Conakry ont convenu d’actualiser et d’accélérer leur partenariat économique. Ousmane Sonko a annoncé la mise en place d’un comité technique bilatéral chargé de définir les nouveaux contours de la coopération entre le Sénégal et la Guinée. Ce comité aura pour mission d’identifier des projets concrets favorisant un développement mutuel et harmonieux, et de lever les obstacles entravant les échanges. Il s’agit, en quelque sorte, de formaliser une feuille de route économique commune pour les mois à venir, couvrant des secteurs tels que les infrastructures de transport, l’énergie, le commerce transfrontalier ou encore l’agriculture (les deux pays partageant de vastes bassins agricoles et fluviaux le long de leur frontière).
Sur le plan diplomatique et politique, cette visite a marqué l’apaisement de tensions persistantes depuis une dizaine d’années. Sous les régimes précédents, Conakry et Dakar avaient connu plusieurs différends, qu’il s’agisse de la fermeture intermittente de la frontière en 2020–2021, de désaccords sur la gestion de crises régionales, ou de tensions personnelles entre Alpha Condé et Macky Sall. Désormais, la donne a changé : « L’arrivée au pouvoir de nouveaux dirigeants dans les deux pays, une nouvelle génération, relance une relation en panne depuis une dizaine d’années », analyse un média sénégalais, rappelant que le rapprochement entre Dakar et Conakry s’était amorcé dès 2024 avec les premiers contacts entre Mamadi Doumbouya et Bassirou Faye. Cette normalisation rapide s’est concrétisée le 2 juin par une rencontre au sommet : en fin de journée, avant de quitter Conakry, Ousmane Sonko a été reçu par le président de la transition Mamadi Doumbouya au palais Mohamed V. Les deux hommes ont eu un entretien en tête-à-tête qualifié de chaleureux, confirmant la volonté de tourner la page des malentendus et de « raffermir les liens de solidarité et de coopération entre nos deux peuples frères », selon les mots de Bah Oury.
Il convient de noter que ce renouveau des relations sénégalo-guinéennes n’est pas exempt de toutes les réserves. Des organisations de la société civile sénégalaise ont profité de cette visite pour interpeller Ousmane Sonko sur la situation des droits humains en Guinée. Les ONG Afrikajom, Africtivistes et Tournons La Page ont ainsi appelé le Premier ministre à évoquer auprès des autorités guinéennes le sort d’opposants disparus ou détenus sans jugement à Conakry, notamment les activistes Foniké Menguè et Billo Bah ou le journaliste Habib Marouane Camara, introuvables depuis plusieurs mois. Si ces questions sensibles n’ont pas fait l’objet de déclarations publiques lors du séjour de M. Sonko, elles reflètent les attentes d’une partie de l’opinion quant à une diplomatie sénégalaise qui concilierait realpolitik régionale et défense des principes démocratiques. Néanmoins, l’accent principal de cette étape guinéenne est resté sur la reconstruction du partenariat économique et politique, dans un esprit de fraternité africaine revendiqué par les deux gouvernements.
Sierra Leone : accords stratégiques et « corridor maritime » avec Dakar (3 juin)
Dernière escale de la tournée, la Sierra Leone a reçu Ousmane Sonko pour une visite officielle éclair de 24 heures. Arrivé dans la soirée du lundi 2 juin à l’aéroport international de Lungi (non loin de Freetown) avec une importante délégation ministérielle, le Premier ministre sénégalais a entamé dès le lendemain matin – mardi 3 juin 2025 – une série de rencontres de haut niveau à Freetown, la capitale. Il a d’abord été accueilli au palais présidentiel par le chef de l’État sierra-léonais Julius Maada Bio pour un entretien en tête-à-tête, suivi d’une réunion élargie incluant les principaux ministres des deux pays. Sonko était accompagné notamment de son ministre de l’Économie, de celui de l’Énergie et de la ministre des Pêches, signe que les questions économiques figuraient au premier rang de cette visite.
Le discours sénégalais en Sierra Leone s’est inscrit dans la continuité de la ligne panafricaine et intégrationniste affichée tout au long de la tournée. Ousmane Sonko a transmis à son homologue les salutations du président Bassirou Diomaye Faye, puis a plaidé pour l’ouverture d’un « corridor maritime Dakar–Freetown ». Cette proposition vise à tirer parti de la proximité géographique entre les deux pays côtiers – séparés par l’océan sur un axe ouest-est relativement direct – afin de faciliter les échanges commerciaux et humains. Concrètement, il s’agirait d’établir des liaisons maritimes régulières entre le port de Dakar et le port de Freetown, susceptibles d’accélérer le transport de marchandises et de personnes, et d’offrir à la Sierra Leone un accès optimisé aux marchés de la CEDEAO via le hub sénégalais. Le président Maada Bio a salué cette initiative, se disant prêt à approfondir les discussions pour donner corps à ce projet de corridor maritime, qui symboliserait une nouvelle ère de connectivité régionale.
Au-delà de cette idée phare, Dakar et Freetown ont scellé plusieurs accords stratégiques à l’occasion de la visite. Après la réunion technique entre les délégations, un communiqué conjoint a annoncé la signature d’accords dans des domaines clés tels que l’énergie, les ressources naturelles et la promotion d’un climat des affaires incitatif de part et d’autre. Ces accords visent à ouvrir une « nouvelle ère » entre les deux pays, jusque-là liés de manière assez marginale. Par exemple, en matière énergétique, le Sénégal pourrait apporter son expertise en gaz naturel liquéfié ou en électrification rurale, tandis que la Sierra Leone offre des opportunités dans l’hydroélectricité et les énergies renouvelables. Sur les ressources naturelles, des partenariats pourraient voir le jour dans les secteurs miniers (la Sierra Leone étant riche en minerais et diamant) ou halieutiques (gestion durable des stocks de pêche partagés dans l’Atlantique). Les deux gouvernements se sont également engagés à améliorer le cadre réglementaire pour encourager les investissements croisés, qu’il s’agisse d’entreprises sénégalaises en Sierra Leone ou vice-versa.
La dimension politique n’a pas été en reste. Ousmane Sonko a profité de son passage à Freetown pour présenter la nouvelle orientation diplomatique du Sénégal, résolument tournée vers l’intégration régionale et le renforcement des liens de solidarité panafricaine. Ce message a trouvé un écho favorable auprès du président Julius Maada Bio, un dirigeant lui-même sensible aux idées d’unité africaine. Le chef de l’État sierra-léonais a salué l’initiative sénégalaise et s’est dit disposé à approfondir les relations avec Dakar dans divers domaines d’intérêt commun, qu’il s’agisse de la sécurité maritime dans le Golfe de Guinée, de la lutte contre la pêche illicite, de la coopération dans le domaine de l’éducation (la Sierra Leone déployant un ambitieux programme d’éducation gratuite que le Sénégal observe avec intérêt) ou encore de la santé publique.
Notons que cette visite en Sierra Leone, bien que plus brève, revêtait une importance particulière : elle constituait la première visite officielle d’un Premier ministre sénégalais à Freetown depuis plus d’une décennie. Elle a été soigneusement mise en scène par les deux parties. À son arrivée le 2 juin, Sonko a eu droit à un dîner d’honneur offert par le vice-président Mohamed Juldeh Jalloh, prélude convivial aux discussions du lendemain. Puis, le 3 juin, après les entretiens au palais présidentiel, le Premier ministre sénégalais a été convié à visiter des sites économiques stratégiques de la capitale sierra-léonaise, dont le terminal portuaire de Queen Elizabeth II, afin d’évaluer sur le terrain les possibilités de ce futur corridor maritime Dakar–Freetown. En fin de journée, avant de reprendre l’avion pour Dakar, Ousmane Sonko et Julius Maada Bio ont ensemble dévoilé une plaque commémorative célébrant l’amitié sénégalo-sierra-léonaise, scellant symboliquement le succès de cette dernière étape.
Une nouvelle diplomatie sénégalaise entre intégration et tensions régionales
Au terme de ce périple, le Premier ministre Ousmane Sonko est rentré à Dakar auréolé de succès diplomatiques, mais conscient des défis qui l’attendent pour donner suite à ces promesses. Sa tournée ouest-africaine a en tout cas confirmé la réorientation stratégique de la politique étrangère du Sénégal depuis l’alternance politique de 2024. Sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye, dont Sonko est le chef de gouvernement, Dakar concentre désormais ses efforts sur le voisinage régional, renouant avec la doctrine des « cercles concentriques » énoncée jadis par le président-poète Léopold Sédar Senghor. Cette doctrine place le bon voisinage et l’Afrique de l’Ouest au cœur des priorités diplomatiques, et le moins que l’on puisse dire est qu’elle a été appliquée à la lettre ces dernières semaines. « Une attention particulière est davantage accordée aux États voisins », s’inscrivant dans la lignée de Senghor, note le chercheur Alioune Aboutalib Lô, pour qui la tournée de Sonko « confirme […] la réorientation stratégique de la diplomatie sénégalaise sur la sous-région ».
La nouvelle approche diplomatique de Dakar se caractérise par un discours panafricaniste affirmé et la recherche de coopérations « gagnant-gagnant ». Le panafricanisme n’est plus invoqué seulement comme un idéal politique abstrait, mais comme un cadre concret de coopération visant une prospérité mutuelle des pays africains. En ce sens, le Sénégal de Sonko et Faye s’aligne sur l’élan souverainiste qui traverse une partie de l’Afrique de l’Ouest : volonté d’affirmer son indépendance (d’où la fermeture annoncée des bases étrangères), refus des injonctions extérieures, et valorisation des partenariats Sud-Sud. Cette inflexion a permis de dégeler des relations bilatérales jadis difficiles – l’exemple de la Guinée en est l’illustration – et de poser de nouveaux jalons, comme on l’a vu avec la Sierra Leone. Elle ouvre aussi la porte à des projets inédits (corridor maritime, échange de lois et de bonnes pratiques avec Abidjan, etc.) qui pourraient redessiner le paysage de la coopération ouest-africaine.
Cependant, cette diplomatie ambitieuse doit composer avec un environnement régional contrasté, voire fragmenté. En effet, l’Afrique de l’Ouest est actuellement traversée par des lignes de fracture géopolitiques sans précédent. Depuis le renversement de plusieurs régimes civils au Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger) et la formation de l’« Alliance des États du Sahel » par ces trois pays, la cohésion de la CEDEAO s’est fissurée. Bamako, Ouagadougou et Niamey, suspendus des instances de la CEDEAO, ont officiellement entériné leur retrait de l’organisation en janvier 2025, entamant un bras de fer avec les États ouest-africains restés dans le giron traditionnel. Cette situation tendue a pour corollaire un défi diplomatique : comment réconcilier ou du moins rapprocher des voisins aux orientations désormais divergentes ? Le choix du Sénégal d’inclure le Burkina Faso et la Guinée dans sa tournée, malgré leur statut de régimes de transition militaires, envoie un message clair : Dakar se positionne en partisan du dialogue avec tous, refusant d’isoler ces pays limitrophes. Ousmane Sonko l’a d’ailleurs assumé publiquement : il entend « entretenir des relations avec tous les pays de la région, y compris les régimes militaires », rompant ainsi avec la politique plus réservée qu’avait adoptée l’ancien président Macky Sall vis-à-vis des juntes. Cette ouverture sénégalaise a été bien accueillie à Conakry et Ouagadougou, où l’on voit en Bassirou Faye et Ousmane Sonko des dirigeants d’une même génération soucieuse de souveraineté africaine.
Pour autant, le rapprochement avec les régimes de transition pourrait susciter quelques crispations chez d’autres partenaires du Sénégal. Des pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana ou le Nigeria – piliers de la CEDEAO fidèles à une ligne dure contre les putschs – observent sans doute avec prudence l’attitude conciliante de Dakar. Officiellement, la visite de Sonko à Abidjan a été couronnée de succès et Alassane Ouattara s’est montré tout sourire aux côtés du Premier ministre sénégalais. En coulisses toutefois, les visions ne sont pas parfaitement alignées : « certains partenaires comme la Côte d’Ivoire restent dans une posture traditionnelle voire conventionnelle », analyse le Dr Lô, alors que le Sénégal adopte désormais une approche réformiste axée sur sa souveraineté et des coopérations rééquilibrées. Autrement dit, Abidjan demeure très lié à ses alliances classiques (France, appuis occidentaux, etc.), tandis que Dakar affiche une volonté plus marquée de s’émanciper de ces schémas. Cet écart n’entrave pas la coopération ivoiro-sénégalaise immédiate – comme en témoigne la relance de la Commission mixte – mais il constitue un point de vigilance pour l’avenir. De même, les relations du Sénégal avec d’autres voisins pourraient être à gérer avec doigté : par exemple, l’absence de la Gambie et de la Guinée-Bissau dans l’itinéraire de la tournée n’est pas passée inaperçue. Si la Gambie avait déjà reçu Ousmane Sonko fin 2024 lors d’un déplacement séparé, le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló – ancien allié de Macky Sall et critique virulent de Sonko par le passé – pourrait voir d’un œil méfiant le repositionnement de Dakar, même si aucune déclaration publique ne l’indique pour l’instant.
En définitive, la tournée ouest-africaine d’Ousmane Sonko apparaît comme un pari diplomatique audacieux du Sénégal de 2025. En l’espace de quelques semaines, le Premier ministre sénégalais aura réussi à resserrer les liens avec des partenaires variés : du Burkina Faso révolutionnaire de Traoré à la Côte d’Ivoire économique de Ouattara, de la Guinée en transition de Doumbouya à la Sierra Leone stable de Maada Bio. Des accords concrets ont été signés, qu’il faudra désormais mettre en œuvre : comité technique sénégalo-guinéen, commission mixte avec Abidjan, projets sécuritaires avec Ouagadougou, corridor maritime avec Freetown, pour ne citer que quelques exemples. Surtout, Dakar s’est posé en acteur central de l’intégration régionale, capable de parler à tous les camps dans une Afrique de l’Ouest polarisée. Ce rôle de pont entre les blocs – si le Sénégal parvient à le maintenir – pourrait s’avérer crucial pour la stabilité et le développement économique de la sous-région. Les abonnés sénégalais, avertis des dynamiques locales, retiendront de cette tournée l’image d’un Ousmane Sonko déployant une diplomatie proactive et souveraine, misant sur la coopération africaine pour relever les défis communs, sans éluder pour autant les questions sensibles. Reste à convertir l’essai : le véritable bilan de ce voyage se mesurera dans les mois à venir, à l’aune des avancées tangibles obtenues sur le terrain de la coopération régionale.
« Tous les musulmans ne sont bien entendus pas des terroristes mais en revanche tous les terroristes sont musulmans. L’islam doit se poser des questions dont l’islamisme se développe en son sein. Quand une religion voit proliférer à l’intérieur de sa communauté des gens qui deviennent dangereux pour les autres, elle doit se poser des questions »
Philippe Val
Qui est ce monsieur ?
Philippe Val, né le 14 septembre 1952 à Neuilly-sur-Seine, est un journaliste, chroniqueur, humoriste, écrivain, auteur-compositeur-interprète et chansonnier français.
Dans les années 1970, il est un chanteur engagé, en duo avec Patrick Font, dans le duo Font et Val.
Il a été à la tête du journal Charlie Hebdo durant dix-sept ans, en tant que rédacteur en chef (1992-2004) puis comme directeur de publication (2004-2009), puis il a dirigé France Inter de 2009 à 2014.
Senego vous êtes des nafékeu ce long document n’a rien d’objectif dites nous en quoi ces promenades de Mr sweet beauté est bénéfique pour le Sénégal , mbaye weundélou ne sais pas où aller il faut le dire pour que nul n’en ‘ignore