Les Canaries, « route la plus meurtrière au monde » : Près de 10 000 morts et disparus en 2024 (ONG)

Les Canaries, « route la plus meurtrière au monde » : Près de 10 000 morts et disparus en 2024 (ONG)

Près de 10 000 personnes ont perdu la vie sur les routes migratoires menant vers l’Espagne, l’immense majorité en direction des Canaries, selon le rapport 2024 de l’ONG espagnole Caminando Fronteras.

En cette fin d’année, les arrivées et opérations de sauvetages se succèdent dans ce que l’ONG qualifie désormais de « route la plus meurtrière du monde », rapporte InfoMigrants

Selon l’ONG Caminando Fronteras, 10 457 personnes sont décédées ou portées disparues sur les routes migratoires menant vers l’Espagne en 2024. Soit une moyenne de 30 morts ou disparus par jour. Parmi ces victimes, 1 538 étaient des enfants.

Un rapport paru ce 26 décembre détaille les données compilées par l’ONG auprès des familles et rescapés de naufrages sur cette route, « la plus meurtrière au monde ». L’immense majorité des victimes, 9 757 personnes, ont perdu la vie sur la route des Canaries.

L’année 2024 bat ainsi un triste record. En 2023, Caminando Fronteras avait décompté 6 618 personnes mortes ou disparues sur ces routes migratoires menant à l’Espagne. Un chiffre déjà en hausse de 177% par rapport à 2022, alors le plus haut jamais atteint depuis 2007, selon l’ONG.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) comptabilise, de son côté, 979 morts et disparus en 2024 sur les routes de l’Atlantique vers les Canaries. L’an dernier, elle enregistrait aussi un chiffre en-deçà de celui de Caminando Fronteras, à savoir 1 200 morts. Mais l’institution onusienne le reconnaissait alors auprès d’InfoMigrants : « Il y a sûrement plus de morts que ce que révèlent nos statistiques ». L’OIM recense uniquement les naufrages « dont on est certains à 100% », expliquait Flavio di Giacomo, porte-parole du bureau de coordination méditerranéen de l’OIM.

L’ONG Caminando Fronteras, elle, se base sur les appels de détresse des migrants en mer ou de leurs familles pour élaborer ses rapports annuels.

« Il est plus facile d’avoir des certitudes sur la route de la Méditerranée que sur celle de l’Atlantique, plus longue, et dont les bateaux sont plus difficiles à repérer », précisait encore Flavio di Giacomo. « Ce chemin en plein océan est très dangereux, c’est donc probable qu’il y ait beaucoup de naufrages dont personne n’entend parler. »

De fait, en 2024, l’ONG Caminando Fronteras affirme qu’au moins 131 embarcations ont été perdues au large. Avec toutes les personnes à bord, depuis portées disparues.

Les proches de victimes demeurant sans nouvelles font face à des difficultés « particulièrement choquantes » pour déposer des plaintes ou prélever les échantillons d’ADN nécessaires aux identifications des corps, commente le rapport de l’ONG.

Celle-ci souligne néanmoins « quelques progrès dans la réception des plaintes et des exemples de bonnes pratiques », en citant les services de police judiciaire de la garde civile espagnole de Costa Teguise à Lanzarote, de Huércal à Almería ou encore le poste de commandement d’El Hierro.

Mais les obstacles à l’exercice des droits de ces familles de disparus restent légion. Celles-ci sont « re-victimisées par un système qui les stigmatise et considère leurs proches comme des victimes de seconde zone », déplore l’équipe de Caminando Fronteras.

L’ONG pointe aussi les lacunes des États dans la coordination du sauvetage. Le 26 octobre, elle a alerté sur la détresse d’une embarcation avec 150 personnes à bord, partie du Sénégal. Pendant plusieurs jours, l’Espagne et le Maroc se sont « renvoyés la responsabilité », l’embarcation dérivant à partir de la zone SAR3 qui relève à la fois de la responsabilité de l’Espagne, du Maroc et de la Mauritanie.

« L’embarcation était en train de dériver vers l’ouest, loin de la côte, où, comme on l’a vu lors de tragédies précédentes, des bateaux se perdent et disparaissent », souligne l’ONG. Dix jours plus tard, l’embarcation a échoué en Mauritanie : entre-temps, 28 des passagers sont décédés, selon les témoignages de rescapés.

Malgré l’extrême dangerosité de ces traversées, le rythme des tentatives ne faiblit pas. En témoignent les arrivées et opérations de sauvetage qui se succèdent en cette fin d’année. Tôt ce jeudi 26 décembre, trois embarcations transportant environ 200 personnes ont été secourues et leurs occupants débarqués sur les ports de Los Cristianos, sur l’île de Tenerife, et de La Restinga, sur l’île d’El Hierro.

La veille, la journée de Noël a été marquée par des « arrivées continues », décrit le journal espagnol El Mundo. Au moins huit embarcations ont débarqué dans l’archipel des Canaries. La dernière, avec 63 exilés subsahariens à bord, est arrivée au port de Los Cristianos. Avant elle, sept autres sont arrivées à Gran Canaria et à El Hierro, avec à leur bord près de 400 personnes.

Les centres d’opération du Salvamento Marítimo de Tenerife et Las Palmas ont coordonné les sauvetages de sept de ces embarcations. Plusieurs bateaux des sauveteurs espagnols ont été déployés, en plus de l’avion Sasemar 103 et l’hélimère 204. Des navires privés présents sur zones ont également apporté leur soutien aux opérations.

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