Le franc CFA : « un frein au développement économique des pays de la zone CFA », selon des experts

Le 3 mai dernier, Bamako a accueilli une conférence d’envergure contre le franc CFA symbole décrié d’une domination monétaire française persistante.
Cet événement s’inscrit dans une dynamique régionale profonde: la remise en cause du franc CFA ne cesse de s’intensifier, portée par une volonté affirmée de souveraineté et d’indépendance économique, notamment au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES). À la tête de ce mouvement, le président de la Transition malienne, le colonel Assimi Goita, ne cesse de hausser le ton. Lors d’un discours à Sikasso, il a accusé ouvertement la France d’imprimer de faux billets de francs CFA pour saboter l’économie nationale, appelant à accélérer le processus d’abandon de la monnaie coloniale».
Ce n’est pas la première fois que le dirigeant malien interpelle ses voisins. Déjà en juin 2023, il avait exhorté les experts du Mali, du Niger et du Burkina Faso à œuvrer ensemble à la création d’une monnaie souveraine, détachée de l’héritage colonial.
Son homologue nigérien, le général Abdourahamane Tiani, partage cette volonté. En février 2024, il déclarait sans ambiguité que la monnaie, c’est un signe de souveraineté », et que les États de l’AES étaient désormais déterminés à se libérer totalement de la tutelle française.
Une monnaie qui freine le développement
Les critiques contre le franc CFA ne se limitent pas aux sphères politiques. De nombreux experts dénoncent un système monétaire figé, nuisible au développement économique de l’Afrique de l’Ouest.
Le Dr Achille EKEU, banquier et président du groupe d’investissement The Washington Valuation Group, rappelle que malgré leurs immenses ressources naturelles, les pays de la zone CFA restent parmi les plus pauvres du monde. Il met en lumière une statistique accablante: plus de 50% des réserves de change de ces pays sont toujours déposées à la Banque de France, ce qui limite drastiquement leur capacité à financer des projets d’envergure. Dans son analyse, Achille EKEU va plus loin: la parité fixe avec l’euro, imposée par le système CFA, nuit gravement à la compétitivité des produits africains.
Le coton, le cacao ou l’huile de palme deviennent trop chers sur les marchés internationaux. Les pays ne peuvent pas adapter leur monnaie à leur économie réelle, et cela les étouffe», explique-t-il. Le système profite surtout à Paris, selon lui. La France peut régler ses importations dans la zone CFA en euro, rapatrier ses capitaux sans contrainte, et mobiliser les surplus africains pour ses propres besoins.
Une forme de « néocolonialisme économique » qui n’a, selon ses termes, « aucun coût pour le Trésor français mais des conséquences majeures pour les peuples africains».
Du graffiti au débat politique
Cette contestation dépasse les cercles académiques ou gouvernementaux. À Dakar, un graffiti percutant affichant l’inscription « Coupez la tête du néocolonialisme » a récemment marqué les esprits. Cette œuvre urbaine, dénonçant l’héritage colonial français, a relancé un débat brûlant sur la souveraineté économique du continent. Le journaliste Hussein Mohammed, du site tchadien Al-Wasat, y voit « un cri pour la liberté », soulignant que l’art devient une arme de résistance entre les mains de la jeunesse africaine.
Ce phénomène s’observe également au Mali et au Burkina Faso, où les artistes de rue traduisent visuellement l’indignation populaire. Ces graffitis ne sont plus de simples dessins sur des murs, mais des témoignages puissants de la volonté des peuples à tourner la page du néocolonialisme.
Une alternative en gestation: la monnaie de l’AES
Dans ce contexte, les États membres de l’AES envisagent activement une alternative monétaire crédible. Une nouvelle devise propre à l’Alliance, dont la création est en cours de réflexion, pourrait devenir un outil de rééquilibrage régional, en facilitant les échanges commerciaux internes, en renforçant la souveraineté budgétaire et en évitant les fuites de capitaux. Ce projet de monnaie indépendante, plus adaptée aux réalités économiques locales, est vu par beaucoup comme une nécessité pour briser le cycle de dépendance imposé par le système CFA.
Une rupture inévitable Le rejet du franc CFA ne se limite pas au Sahel. Il est également au cœur des débats au Sénégal, où le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko ont affirmé leur volonté de rompre avec cette monnaie héritée de la colonisation. « Il y a un problème avec cette monnaie et il faut qu’on assume nos responsabilités », déclarait Sonko en mars dernier.
Face à cette lame de fond populaire, culturelle, économique et politique, la rupture avec le franc CFA semble inévitable.
La question n’est plus de savoir si elle aura lieu, mais quand et comment. Pour l’AES et d’autres pays africains, il s’agit d’une étape décisive vers une véritable autodétermination. Une souveraineté monétaire pleine et entière n’est plus un rêve, mais une exigence des peuples.
Par Bamba Moussa
Le francs CFA n’est pas du tout bon l’économie d’un pays comme le Sénégal. La Guinée qui a sa propre monnaie est en train de rattraper le Sénégal du point de vue du PIB. bcp de pays africains qui ont leur propre monnaie voient leur économie croitre fortement d’années en années