La question idéologique dans les politiques publiques (Mamadou BADIANE*)

Le premier président noir des Etats-Unis, à travers les politiques publiques américaines, avait rêvé d’un dépassement de clivage entre républicains et démocrates. Il aborde cette possibilité par un questionnement : quelles sont les valeurs fondamentales que partagent les Américains ? A la page 35 de son œuvre (Audace d’espérer), Barack OBOMA met à nu les difficultés de leur système sanitaire : « Nous savons que notre système de santé est en panne : terriblement coûteux, tout à fait inefficace et très mal adapté à une économie qui ne repose plus sur l’emploi à vie. C’est un système qui expose nombre d’américains qui travaillent dur à une insécurité chronique et, éventuellement, à la misère. Mais année après année l’idéologie et les astuces stratégiques n’ont débouché que sur l’inaction… ».

Est-ce une remise en cause des valeurs politiques source de clivage pour proposer une autre démarche basée sur des fondements communs, des convictions plus fédératrices ? Un processus qui doit être entamé pour changer notre politique et nos vies de citoyens.
Une interrogation qui interpelle les élus politiques, investis d’une autorité légitimée par le pouvoir par représentation. Les politiques, ceux-là même, officiellement détenteurs d’un statut et disposant prophétiquement de la faculté du politique, du sens des exigences de l’identité collective.
Comment estimer le bien-fondé d’une valeur, d’une idéologie face à la portée d’une politique mise en agenda et en œuvre ?

Reprenons l’exemple Français de la loi Thomas en 1997 portant fonds de Pension. L’absence de décret d’application de cette loi, l’avait rendue virtuelle avant d’être abrogée en 1998.
Le fondement de la caducité de cette politique est idéologique. La loi Thomas a été votée par la droite mais très contestée par la gauche. Cet exemple cadre bien avec la part prépondérante des idéologies, des valeurs dans les politiques publiques.

Faut-il vraiment s’inspirer, pour les pays Africains, des valeurs établies et théorisées en occident pour asseoir des politiques locales ?
En mon sens toute la production stéréotypée occidentale, servant de référentiel aux politiques du sud, les rend floues et inadaptées. La construction des politiques publiques de nos Etats devraient tirer leur force des différents programmes qui s’encastrent les uns des autres autour d’un problème posé et des valeurs locales mettant en avant les bonnes pratiques.
Au Sénégal, le régime libéral du Président Macky SALL a réglementé le loyer en imposant un modèle de tarification aux bailleurs. L’offre et la demande du loyer avaient fini par installer une spéculation inflationniste de son coût. Un déni idéologique pour un régime libéral qui a voulu faire face à un problème social justifié par un libéralisme social, un glissement sémantique autour des idéaux afin de valider et légitimité une politique sociale.

Je pense, foncièrement, à tort ou à raison, que la situation actuelle de nos pays, ceux sous-développés, requièrent que l’on fasse abstraction de ces considérations idéologiques pour mettre en place des politiques qui répondent uniquement aux besoins primaires insatisfaits-
Une prise de conscience sur le recul par rapport à un standard- Le TER en est une parfaite image.

Faudrait-il calquer cette prise de conscience sur notre lucidité traditionnelle de discuter des problèmes sous l’arbre avant leurs résolutions ? la participation à l’état pur.
Je demeure toujours critique à l’endroit de la participation, dans sa forme actuelle, son instrumentalisation par le politique dans ses politiques. La question, à ce sujet, qui me vient souvent à l’esprit, est : « Est-ce que la participation n’est pas un instrument de légitimation des politiques publiques ? »
A chaque fois que je me la pose, cette question, me vient à l’esprit la pensée de Pierre Bourdieu : « La participation est une invention auto mystificatrice des technocrates pour donner un supplément d’âme à leurs décisions ».

Cette réflexion sur la part, la place des valeurs dans les politiques publiques est actuelle.
On peut extraire, pour finir, des conclusions des travaux de Phillipe ALDRIN et Nicolas HUBE, pour un changement de perspective sur le travail de légitimation politique, le passage assez illustratif suivant : « Chez les entrepreneurs d’Europe, de politiques publiques nationales ou du territoire, la pluralité des intérêts à concilier produit une sorte d’évitement du politique, tant d’ailleurs dans les procédures de négociations que dans le discours public des parties prenantes. C’est donc conjointement que ces diverses évolutions créent les conditions d’un mouvement d’apparente ‘dépolitisation de la politique’, au sens du moins d’une relégation des partis pris idéologiques dans le travail de production d’un diagnostic et de solutions aux problèmes sociaux ».
Pour exemple, c’est seulement lors du dernier conseil des ministres que Le Président de la République Macky Sall consent, enfin, à l’urgence d’une réorientation des priorités autour de la Jeunesse.

Il compte, à cet effet mobiliser des ressources publiques exceptionnelles pour financer la première phase de la mise en œuvre du Programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socio-économique des jeunes. Ainsi donc, il aura fallu un coup de gueule, violent, dévastateur et meurtrier de la jeunesse sénégalaise pour un éventuel changement de cap dans sa politique de jeunesse. Mieux vaut tard que jamais.
N’est-il pas le moment de fonder la conception des politiques sur des valeurs fondamentales partagées par tous plutôt que sur des pensées classiques et séparatistes qui semblent atteindre leurs limites.
*Coordonnateur
Du Grand Parti
A Pikine

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