La justice internationale, selon qu’on n’est riche ou pauvre, Par Cheikh Lamane DIOP

Faya Largeau, Ounianga Kebir, bande d’Aouzou, Forces armées nationales tchadiennes (FANT), opérations françaises « Manta » et « Epervier »…Jusqu’à son départ du pouvoir en 1990, l’image connue, sinon véhiculée de Hissène Habré est celle d’un héros qui a servi d’antidote au tout-puissant « poison » Mouammar Kadhafi, terreur de l’Occident, la figure d’un chef militaire et patriote qui a bouté l’ennemi hors du territoire tchadien, celle d’un chef d’Etat africain célébré dans tous les présidiums des sommets de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) à travers les capitales africaines.

C’est ce personnage qui est sur la sellette, avec les péripéties judiciaires- et pas fin – que l’on sait déjà alors que Idriss Deby Itno, son ex-chef des services de sécurité, ex-chef d’Etat-major général de l’Armée, entré en rébellion pour venir ensuite s’emparer du pouvoir avec des complicités occidentales et libyenne, reste intouchable.

Un tel constat est plus que jamais problématique. Pis encore, des proches de l’actuel président tchadien, pourtant inculpés par les Chambres africaines extraordinaires, ne comparaitront pas au tribunal ad hoc de Dakar, parce que ce dernier n’en veut pas. Le régime de Ndjamena s’est même permis un nième pied-de-nez aux magistrats instructeurs, en refusant le séjour à l’ex-Fort Lamy d’une cinquième commission rogatoire. Habré n’est sans doute pas aussi blanc que ne veuillent le proclamer ses conseils. Toutefois, l’ex-homme fort de N’Djamena devait être d’une puissance et d’une férocité hitlériennes, alliée à une cruauté stalinienne pour réussir, à lui tout seul, «crimes contre l’humanité, de crimes de guerre d’actes de torture» avec le chiffre effarant de 40 000 âmes tuées.

Par ailleurs, juger Habré «au nom de l’Afrique» alors que Denis Sassou Nguesso dont la milice a participé à son retour sanguinolent et meurtrier au pouvoir en 1998, s’emploie à ce moment à trouver la voie de tripatouiller la charte fondamentale de son pays pour s’arroger un mandat indu. Pendant qu’aussi de l’autre côté du fleuve Congo, Kabila fils nargue encore les principes élémentaires de la démocratie, tout comme son jumeau burundais Pierre Krunziza est en train de mettre en musique un putsch aux effluves déjà sanguinolents.

Faudrait-il aussi rappeler, le comble de l’horreur,  en cours sur les bords du Nil : des milliers d’Egyptiens dont des dirigeants politiques sont massacrés par le régime d’Al Sissi qui a déposé un président légalement élu, avant d’organiser une inquisition qui a eu comme lugubres retombées, plusieurs peines capitales prononcées. Faudrait-il aussi, dans la même veine, se remémorer le règne de la terreur pendant plus d’une décennie en Algérie (88 à 99) ; pas seulement du fait seuls terroristes.

Sans être exhaustif, le bilan est suffisamment sombre pour interpeler chaque Africain mais surtout tout être humain. Il s’y ajoute que malgré les avantages proclamés attendus de la tenue de cette première en Afrique, le principe d’universalité tant chanté est partialement sinon « parcellairement» appliqué; c’est selon qu’on est riche ou pauvre que l’on est puissant ou indigent.

Bush, Natanyahu, Sarkozy…., c’est pour quand ?

Les Américains, sous prétexte d’interventions militaires au nom de la démocratie, de l’humanitaire ou de lutte contre le terrorisme, ont tout juste réussi à désagréger des Etats et ouvert la boite de pandore qui laisse essaimer la mort, la faim et la maladie, si ce n’est le chaos tout court. C’est le cas depuis « Restaure hop » en 1990, en Somalie, jusqu’au cas de la Libye dont le détonateur est un certain Nicolas Sarkozy, sans oublier l’Afghanistan et l’Irak, tandis qu’Israël continue sa besogne en Palestine depuis plus de 60 ans.

Malgré ce lourd passif, aucune chance de voir les Bush, Sarkozy, Netanyahu et même Al Sissi., comparaitre devant un tribunal international. Ils se cacheront derrière leur petit doigt pour invoquer le fait que leurs États respectifs n’ont pas ratifié le traité de Rome. Une pitrerie. Un tribunal ad hoc fera en effet l’affaire comme dans l’exemple des Chambres africaines extraordinaires érigées à Dakar. Au bout du compte, ce sont les rapports de forces au niveau international et la realpolitik de la géostratégie mondiale qui finiront par triompher des sacro-saints principes proclamés par le droit et l’humanisme.

Bien sûr, il n’est pas question laisser impunie un quelconque crime d’un quelconque dictateur ou  potentat d’Afrique ou d’ailleurs. C’est au nom de cette « inégalité » devant la loi et de cette injustice internationale qu’il faut s’indigner de la parodie de justice en cours à Dakar et exiger un nivellement par le haut de l’arsenal judicaire international.

Cheikh Lamane DIOP

Journaliste

E-mail : lamanediop@gmail.com.

 

2 COMMENTAIRES
  • thierno

    mais cher confrère il faut un commencement à tout; pas d'apologie de la violence mais qu'il soit jugé rassure au moins les victimes.

  • MOUSSA WADE

    Je suis parfaitement en phase avec vous mon cher,on a commence a Dakar un feuilleton dont on ignore beaucoup sur la suite .En effet le report simplement de l audience jusque en octobre chamboule tous les plans préétablis pour le déroulement normal du procès et permet par la même occasion a Abre de dénigrer a la face du monde les combines occidentales. Il s y ajoute également que l après Abre risque d Etre un fardeau trop pesant sur les épaules des maigres dirigeants africain qui croulent déjà sous le poids du mépris.

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