Impacts du Covid19 dans le secteur agricole : Les 17 commandements du CNCR à l’Etat pour anticiper…

Le Président du Conseil National de concertation et de Coopération des Ruraux (CNCR) a tenu une conférence de presse ce mercredi 13 mai à Podor pour passer en revue leurs actions afin de pouvoir contribuer à l’effort national. Notamment dans la lutte contre le Covid-19. Les paysans ont également partagé leur analyse de la situation relative aux effets de la crise du coronavirus sur leurs activités agro-sylvo-pastorales et halieutiques. Ils ont en outre présenté leurs propositions pour la réussite du programme de résilience économique et sociale. En particulier le programme de riposte contre les effets du Covid-19 dans le secteur de l’Agriculture.

Concernant leurs actions à mener en guise de contribution à la lutte contre la propagation du virus 

Dès le début de la crise, le CNCR a pris contact avec les autorités du secteur agricolepour échanger sur les stratégies à mettre en œuvre en vue d’atténuer les effets du Covid 19 auprès des familles rurales. Dans ce sens, nous avons mis en place un dispositif de collecte de données et lancé une consultation auprès de nos membres qui sont actifs dans les différentes filières agro-sylvo-pastorales et halieutiques, et représentés dans les 45 départements du Sénégal. Cette consultation a permis de recenser les difficultés et de recueillir les propositions de nomembres qui ont été transmises au gouvernement à travers les ministres en charge de l’Agriculture et de l’élevage. 

Parallèlement au plaidoyer porté par le CNCR au niveau national, nos organisations à la base se sont mobilisées pour participer à l’élan de solidarité nationale en appui aux familles rurales vulnérables dans les différentes localités du pays. Des aides matérielles (savons et gel hydro-alcoolique), financières et en vivres (sacs de riz) ont été remises aux autorités locales et administratives en charge de la gestion de la crise au niveau local. 

Le CNCR a aussi au niveau national, versé une contribution au fonds « Force Covid 19 » mis en place par le Président de la République afin d’atténuer l’impact de la pandémie du coronavirus dans tous les secteurs de l’économie.

Différentes activités de sensibilisation en langues locales ont été menées par le CNCR et ses membres à travers les radios communautaires et nationales et les réseaux sociaux (whatsappafin de contribuer à la sensibilisation des populations jusque dans les villages les plus reculés du pays.

C’est au regard de ce rôle et à celui que nous avons toujours joué, depuis notre création en 1993, que nous avons regretté de n’avoir pas été associé aux consultations des forces vives de la Nation, organisées par le Président de la République pour recueillir leurs avis sur la crise du COVID 19.

En termes d’effets de la crise du coronavirus sur nos activités agro-sylvo-pastorales et halieutiquesnous notons que la crise du COVID-19 est venue ajouter aux effets d’une campagne agricole 2019-2020 dont les résultats ont été mitigés, en dépit de l’engagement de nos membres et des efforts du gouvernement

Aujourd’huil’essentiel de nos membres déclarent l’épuisement du stock vivrier familial et ont recours aux marchés pour acheter leur nourriture jusqu’aux prochaines récoltes. Or, la fermeture des loumas hebdomadaires où nous écoulions nos poules, moutons, chèvres, fruits, légumes, céréales, etc., pour maintenir une trésorerie familiale durant la saison sèche, a aggravé la situation alimentaire des familles

Nos exploitations horticoles dont la vente de leurs productions a coïncidé avec l’arrivée du COVID-19, traversent une situation très difficile avec la restriction du transport interurbain qui entrave l’écoulement de la forte production de légumes et de fruits vers les grandes villes.

En zones irriguées, la campagne de contre-saison est préoccupantela commercialisation et le remboursement des crédits aux banques dans ces conditions de quasi-confinement et de stricte limitation des contacts et des échanges, sont compromises.

En ce qui concerne l’élevage, les transhumants sont encore présents dans les zones de repli du bétail au Sénégal oriental et au sud du pays. Avec les restrictions dans les déplacements, la mobilité des communautés pastorales et agropastorales est très difficile voire impossible, ce qui complique l’accès du bétail aux pâturages et aux points d’eau. 

Concernant l’aviculture, l’annulation de grands événements religieux, les restrictions sur la mobilité, la fermeture d’hôtels, de restaurants et de certains marchés ou de consommation de masse ont causé de réelles difficultés dans l’écoulement des produits avicoles.

Le secteur de la pêche est aussi fortement impacté par la fermeture ou la réduction du temps d’ouverture des quais de pêcheNos membres constatent une baisse des débarquements entrainant une réduction significative des revenus des pêcheurs.Avec la fermeture des aéroports, les usines d’exportation qui prenaient 80% des captures ne s’approvisionnent plus auprès de nous

Les femmes transformatrices rencontrent des difficultés pour l’accès à la matière première et pour écouler leurs productions avec les restrictions dans le transport interurbain et la fermeture des marchés et surtout des loumas. La sécurité alimentaire des communautés de pêcheurs est ainsi lourdement affectée.

Face à ce contexte difficilele CNCR regrette la non prise en compte des produits horticoles et avicoles dans les kits alimentaires destinés aux ménages vulnérables au moment où les restrictions sur les déplacements et la fermeture des marchés (loumas) ont empêché l’écoulement de la production.

Les recommandations des acteurs du monde rural

Le CNCR reconnait et remercie l’État du Sénégal pour les nombreuses mesures de soutien et de facilité en faveur des ménages vulnérables et des familles rurales en particulier, pour limiter au mieux les effets du COVID 19 sur leur sécurité alimentaire et leurs conditions de vie en général. Il s’agit notamment de l’aide alimentaire d’urgence destinée aux ménages vulnérables, des facilités de mobilité offertes aux producteurs et travailleurs saisonniers pour la poursuite de leurs activités de production ou de commercialisation, la réouverture des marchés hebdomadaires (louma), des dons en aliments de bétail et de volaille, des fonds mobilisés pour soutien à la prochaine campagne agricole 2020-2021

Toutefois, nous souhaiterions formuler les recommandations ci-après pour renforcer l’action de l’Etat en faveur de nos membres. 

Des propositions dans le court et moyen termes  

Proposition n° 1 : Procéder dans les meilleurs délais à la distribution des vivres pour soulager les exploitations familiales affectées par la mauvaise campagne agricole de l’année dernière et atténuer les conséquences de la période de soudure dans le monde rural. 

Proposition n° 2 : Acheter ou faciliter la commercialisation de la production maraichère et avicole et l’ajouter dans les kits àdistribuer aux ménages vulnérables.

Proposition n° 3 : Sécuriser la production de riz de la contre-saison dans la vallée du fleuve Sénégal et dans le bassin del’Anambé. Pour éviter une perte d’une partie de la production de riz avec l’arrivée des pluies, la récolte et le stockage devront se faire très rapidement. 

Proposition n° 4 : Eponger tout ou partie des dettes dues par les paysans aux industriels et à « La Banque Agricole (LBA) »pour préserver le système de contractualisation prometteuse et sécuriser la prochaine campagne agricole.

Proposition n° 5 : Démarrer rapidement la distribution des intrants (semences, engrais, aflasafe) en revoyant à la hausse la subvention 

Proposition n° 6 : Renforcer l’accompagnement de la production dans les zones où il y a une maîtrise de l’eau(vallée, anambéniayes, etc.) à travers l’entretien et la réhabilitation des aménagements et une forte subvention des intrants et matériels agricoles.

Proposition n° 7 : Evaluer et accompagner le système de contractualisation liant OP, Industriels et opérateurs de marchés, en vue de sa généralisation.

Proposition n° 8 : Subventionner le carburant des forages de la zone sylvo-pastorale et prendre en charge la maintenance et la réparation pour un bon abreuvement du cheptel gratuitement ou à moindre coût

Proposition n° 9 : Soutenir le plan de relance de la filière avicole à travers la mise en place d’un fonds qui permettra aux acteurs actuels de redémarrer leurs activités

Proposition n° 10 : Réviser et adapter les horaires de travail dans les quais de débarquement de la pêche pour permettre aux acteurs de la pêche de mener leurs activités dans les meilleurs conditions possibles

Proposition n° 11 Soutenir la relance de la pêche artisanale à travers la mise en place d’un fonds qui permettra aux pêcheurs et aux femmes transformatrices de redémarrer leurs activités.

Des propositions sur le moyen et long termes

Il s’agira de : 

Proposition N° 12 Poursuivre et amplifier le renouvellementdu matériel et équipement agricoles des exploitations familiales. 

Proposition n° 13 : Généraliser l’accès à l’eau d’irrigation complémentaire par un programme « Une exploitation familiale, un point d’eau agricole ».

Proposition n° 14 Examiner la possibilité d’une diminution sensible du taux d’intérêt débiteur du crédit agricole en l’allégeant de 7,5% à 3% l’an 

Proposition n° 15 Bonifier la prime d’assurance agricole à hauteur de 90% en vue de généraliser cette forme de protection de notre agriculture et de ses exploitants familiaux

Proposition n° 16 : Renforcer les investissements dans les marchés pour améliorer l’offre de services et assurer le respect les normes d’hygiène  

Proposition n° 17 évaluer et engager la préparation de la nouvelle LOASP en instaurant un dialogue multi-acteurs base sur des évidences scientifiques 

Le CNCR est disposé à accompagner l’Etat dans la réalisation de ces propositions à travers des contrats d’objectifs. 

Le CNCR s’engage à ne ménager aucun effort pour accroître la résilience des exploitations familiales et ménages ruraux vulnérables face au COVID-19 grâce au renforcement des capacités productives et alimentaires ainsi que des conditions sanitaires.

COMMENTAIRES
    Publiez un commentaire