Hommages aux femmes de Nder : Ce fut un certain mardi 1820… ( Aïda Mbodj )

Jamais la célébration de la « Journée Internationale de la Femme » n’a revêtu un cachet aussi particulier et symbolique que celle de cette année 2020. Elle coïncide en effet avec le bicentenaire de l’acte héroïque et mémorable des femmes de Nder. Sous la houlette de la vaillante Linguère Fatim Yamar Khouriyaye Mbodj, ces braves femmes ont, non seulement, écrit les plus belles pages de l’histoire du Walo, mais ont surtout donné ses lettres de noblesse à la gent féminine. Pour leur refus de la soumission et leur profond attachement à la dignité de la femme, elles ont préféré mourir, brûlées vives, plutôt que de céder à l’acte barbare, lâche et inhumain d’envahisseurs qui voulaient abuser d’elles. Ce fut un certain mardi, 07 mars 1820, de sinistre mémoire.

Certes, la commémoration chaque année de cet événement tragique nous fend le cœur. Mais elle éveille aussi en nous un sentiment de fierté à l’endroit de ces femmes de Nder qui restent et demeurent les meilleurs modèles que nous puissions avoir en tant que femmes. Il est vrai que nous ne les égalerons jamais en bravoure, mais nous devons absolument nous en inspirer pour nos combats présents et futurs en tant que femmes.

Personnellement, en tant que descendante directe de Ndiack Arame Bakar MBODJ, je vis et respire avec le souvenir impérissable de leur acte héroïque. Il en est de même pour toutes ces femmes, responsables politiques, opératrices économiques et actrices de développement dont le leadership s’inspire et se nourrit de l’action des femmes de Nder. Exactement, comme ont eu à le faire les Linguères Ndjeumbeut Mbodj et Ndaté Yalla qui sont restées dans la même lignée que leur mère.

C’est ainsi qu’en 1855, alors que les colonies de Faidherbe sont entrées au Walo, la Linguère Ndatté Yalla s’adressa aux dignitaires de son pays en ces termes : « Aujourd’hui, nous sommes envahis par les conquérants. Notre armée est en déroute. Les tiédos du Walo, si vaillants guerriers soient-ils, sont presque tous tombés. L’envahisseur est plus fort que nous, je le sais, mais devrions-nous abandonner le Walo aux mains des étrangers ? » Naturellement, c’est pour avoir eu à l’esprit l’acte des femmes de Nder et pour se montrer aussi héroïque que ses devancières que la Linguère Ndatté Yalla refusa toute soumission aux troupes de Faidherbe. Aussi, ce suicide collectif doit-il constamment être célébré comme il se doit pour servir de leçon de vie à toutes les femmes sénégalaises. Il appartient donc désormais aux générations présentes et futures de s’en inspirer.

Dans un monde en perte de repères et où des valeurs cardinales telles que la dignité, le courage et l’attachement à ses convictions ont tendance à disparaître, ces générations présentes et futures doivent faire de l’histoire des femmes de Nder leur bréviaire, leur code de conduite et leur balise pour aller de l’avant. Car, faut-il le rappeler, la Linguère Fatim Yamar Khouriyaye Mbodj et ses compagnes d’infortune sont la meilleure incarnation de ces valeurs que je ne me lasserai jamais d’énumérer et qui renvoient, toutes, à notre substrat culturel. Il s’agit des valeurs de « Foula », « Fayda », « Fiit », « Ngor », « Goree » et « diomb diomb ». Ce sont là autant de valeurs qui sont hélas en voie d’extinction. Mais que nous devons pourtant garder et sauvegarder, vivre et faire vivre, mettre en exergue et transmettre à nos enfants. Ceci est un impératif dans un monde qui a tout d’un bateau ivre voguant en eaux troubles.

C’est aussi une nécessité absolue dans un monde où l’argent est Roi, où la fin justifie tous les moyens et où la débauche n’émeut plus, pourvu qu’elle rapporte. En tant que femme et mère de famille, leader politique et membre de la représentation nationale, c’est à cela que j’exhorte toutes les femmes de ma génération et celles plus jeunes qui sont appelées à prendre le relais. Car, c’est en inculquant à la femme sénégalaise les valeurs incarnées par les femmes de Nder qu’on arrivera à restaurer la cellule de base qu’est la famille pour parer aux multiples travers du monde moderne.

Les pouvoirs publics doivent y aider en inscrivant dans le marbre l’histoire du Walo en général et celle des femmes de Nder en particulier. Il est en effet grand temps d’ériger un musée en leur honneur. C’est le meilleur moyen d’établir une passerelle entre les femmes de Nder et les générations futures. C’est surtout le meilleur moyen de permettre à nos enfants de vivre, en permanence, avec le souvenir de ces femmes dont l’exemplarité n’est plus à démontrer. Ces grandes figures du Walo dont nous sommes si fières et dont nous ne cesserons jamais de célébrer l’acte de bravoure.

Aida Mbodj, député à l’Assemblée nationale

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