Forum civil : Un atelier pour explorer les ressources naturelles du pays…

Le Forum Civil, en partenariat avec la Commission Énergie et Ressources Minérales de l’assemblée nationale et Oxfam, a organisé un atelier de revue de la contribution parlementaire en matière de législation des hydrocarbures et des mines à l’hôtel Novotel-Dakar, ce samedi 02 novembre 2019. L’objectif est de revisiter avec ces parlementaires l’ensemble des législations adoptées en matière d’hydrocarbures mais également de ressources minérales.

« Les ressources naturelles appartiennent au peuple…« 

Pour Birahim Seck, « depuis la modification de la constitution, par Référendum en 2016, le constitutionnaliste a bien dit que les ressources naturelles appartiennent au peuple. Après, il y a eu les parlementaires qui sont intervenus pour reprendre un certain nombre de législation. Maintenant c’était à nous de revoir les contenus de ces législations en termes de forces, mais également de faiblesse, qu’on peut perfectionner davantage. Si on prend l’exemple des différents fonds qui ont été sécrétés par le Code minier, le Fonds de péréquation, le Fonds de développement local du secteur minier, je pense qu’il est assez important qu’il y ait une effectivité de ces fonds là pour que les parlementaires puissent travailler davantage pour que ces fonds soient alimentés, d’une part… »

Article 109 « assez vague »

« D’autre part, poursuit Birahim Sylla, souvent on parle de contenu local. Et quand on en parle, on pense uniquement au pétrole et au gaz. Alors que le contenu local s’intéresse également au domaine minier, d’autres domaines tels que l’agriculture, etc. Mais dans le domaine minier, l’article 109 est assez vague, dans la réglementation du contenu local…  Nous avons également partagé avec les parlementaires, sur la nécessité d’avoir un dispositif qui va rendre effectif le contenu local en termes d’emploi, en termes de forme, en termes de formation. Nous avons, bien entendu parler du pétrole« .

Pourquoi les parlementaires?

Le Forum civil qui avait fait des propositions au code pétrolier estime ainsi qu’il y a certains aspects qu’il faut revoir dans la définition des investissements, dans la définition des coups pétroliers. Raison pour laquelle Birahim Seck et Cie se sont dit, qu’avec l’accompagnement de la commission Energies et ressources minérales, mais également avec leur partenaire financier Oxfam, il fallait revisiter ces différentes réglementations…

D’où cet atelier introductif et d’autres sont prévus afin d’approfondir, davantage la législation pour amener les parlementaires au cœur du dispositif, car, en matière de pétrole et de gaz, ces parlementaires ne sont pas la « périphérie mais sont au cœur du dispositif… » D’où, selon Birahim Seck, « l’importance de les ramener à se positionner dans ce dispositif qui ne se limite pas uniquement à voter des lois, mais qui exerce pleinement le pouvoir de contrôle qui leur est conféré par la Constitution« .

Exploitation des ressources pétrolières et gazières, contribution des parlementaires…

Ibrahima Bachir Dramé, expert pétrolier et consultant international a introduit la thématique relative à la contribution des parlementaires à l’exploitation des ressources pétrolières et gazières. « Ce qui est une excellente chose« , selon le formateur dans les métiers du pétrole et du gaz. Car, rappelle-t-il, ce sont les députés qui votent les lois. Ainsi, pour qu’ils soient au fait des enjeux, il faut aussi qu’ils comprennent que ces enjeux peuvent « engager des générations et des générations… »

Aussi, dit-il avoir espoir en cette initiative du Forum civil, « d’autant plus qu’on y est allé avec la simplicité. Expliquer ce qu’est le pétrole, d’où ça vient, depuis quand on a commencé à l’exploiter? Pour le Sénégal, c’est quoi la chaîne des valeurs, qu’est-ce que le contenu local, qu’est-ce que la répartition des revenus issus du brut, qu’est-ce qui s’est fait par ailleurs pour qu’ils en prennent l’exemple? »

Contrat pétrolier, 70%? pour le Sénégal…

« Ce qui se trouve dans les contrats, en première lecture, est très simple. Quand vous regardez les contrats, vous voyez que le nombre de barils croit, la part du pétrolier diminue et celle du Sénégal augmente. In fine, on aura jusqu’à 70%, compte non tenu des 10% de Petrosen et de tout ce qui est taxes et impôts. Bien entendu, il faut aller  au fond des choses pour avoir une analyse beaucoup plus exhaustive. En tout cas, il ne s’agit pas aujourd’hui de dire que tout de suite, le Sénégal va perdre… »

Non sans rappeler que les contrats ont des clauses de stabilisation. Pour lui, « il faut savoir de quoi on parle, interroger nos juristes pour nous poser les vrais questions… Réviser les contrats ? Qu’est-ce qu’ils faut réviser, quelle partie? Qu’est-ce qu’il faut revoir? Est-ce que ce sont les conditions? Ça c’est le travail des juristes. A cet moment là, nous pourrons nous faire une idée… »

Contexte et justifications

Les pays africains, qui détiennent l’essentiel des ressources naturelles (RN- et plus particulièrement des ressources minérales -RM-, pétrole, gaz et mines –PGM-) sont ceux qui tirent le moins profit de ces formidables potentialités. Le Sénégal ne fait pas, hélas, exception à la règle. Selon la BAD (Centre Africain des Ressources Naturelles) et la Banque Mondiale (Institut pour la Gouvernance dans les Industries Extractives), l’Afrique détient «30% des réserves de ressources minérales, qui représentent près de 25% du PIB des pays producteurs, et pour certains, 75% des revenus et 90% des recettes d’exportation.

La BAD estime à 82 000 milliards de dollars (près de 50 …millions de …milliards de FCFA) les ressources naturelles en Afrique. Mais du fait de la corruption et des flux financiers illicites, 50 à 60 milliards de dollars (35 000 milliards F) selon le PNUD, la BAD et Global Financial Integrity, quittent l’Afrique chaque année pour les pays du Nord. Ainsi, pour chaque dollar reçu en aide au développement, 10 (dix) dollars partent de façon illégale à l’étranger. Lors de son plaidoyer, en 2011, pour la candidature du Sénégal à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), le Forum Civil a estimé que le pays perdait plus de 400 milliards de francs en recettes fiscales non perçues des sociétés extractives.

Une autre étude, basée sur les projections financières de l’Agence Française de Développement-AFD- et de la société extractive elle-même, a montré que, pour les concessions ICS de phosphate à Tobène, sur 30 ans de durée de vie de la mine, la fraude ferait perdre près de 4000 milliards de francs au pays. Il convient de rappeler que selon tous les rapports ITIE de 2014 à 2016, sous l’égide de la Présidence de la République, les réserves de phosphate du pays sont de 1 MILLIARD de tonnes, soit, sur la base du taux actuel d’exploitation de 2 millions de tonnes par an, une durée de vie de 500 ans, soit 20 générations!

Le phosphate constitue la plus grande richesse minérale du pays, très loin devant l’or, le pétrole, le gaz, le zircon, etc. dont les réserves prouvées ne dépassent guère (or), voire n’atteignent même pas (pétrole) une génération (25 ans). C’est dire l’importance vitale des enjeux pour le pays et les générations futures. Plusieurs facteurs expliquent cette situation : mauvaise gouvernance, absence de transparence, corruption endémique, asymétrie des connaissances vis à vis des sociétés extractives étrangères (SEE), déficit d’expertise, d’expérience et de compétence, déficience du cadre légal et institutionnel, etc.

Le chef de l’État, évoquant devant les dirigeants du G7 la question de l’industrie minière et pétrolière, en 2015, a lancé un appel pressant pour ‘’l’adhésion de tous les membres du G7 et du G20 à la nouvelle plateforme mondiale de partenariat avec l’Afrique et l’aide basée sur la transparence’’. «Les notions de paradis fiscaux, de fraudes et d’évasion fiscale renvoient, selon lui, à des pratiques délictuelles lorsque l’entreprise cherche à se soustraire à l’autorité de la loi. «La corruption est facteur destructeur des fondements de l’état de droit, de la démocratie» a-t-il ajouté, soulignant ‘’le caractère déséquilibré des contrats miniers de façon générale’. Il a lancé un appel pour que ‘’les pays producteurs soient soutenus en matière d’expertise dans la négociation des contrats miniers’’. Il a réaffirmé le 5/5/2018, «la nécessité de renégocier les contrats extractifs » déjà signés.

Ainsi, pour discuter de toute ces mesures normatives et institutionnelles, Le Forum Civil, en collaboration avec les entités concernées et avec l’appui financier d’Oxfam, veut mettre en œuvre ce projet dénommé : Ateliers pour une bonne gouvernance du secteur extractif. Au niveau opérationnel, l’organisation d’ateliers d’échanges peut être considérée comme un outil efficace de diagnostic du système national d’intégrité, diagnostic qui doit aboutir sur l’élaboration de stratégies d’action. Ces cadres de rencontre visent à sensibiliser les pouvoirs publics, le secteur privé, la société civile sur l’importance du sujet et d’adopter une attitude de veille vis-à-vis d’un mal qui gangrène de plus en plus notre économie.

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