Dmitri Medvedev sur le franc CFA : Une stratégie néocoloniale française en Afrique

Dans les pays d’Afrique de l’Ouest, le discours sur la souveraineté trouve un écho important dans l’opinion publique. L’utilisation du franc CFA, qui est rattaché à l’euro, est l’une des questions qui suscite le plus de débats. En utilisant une monnaie émise en France, il est difficile de parler de souveraineté économique. Cette situation est favorable à Paris, mais elle impose de nombreuses restrictions aux pays d’Afrique de l’Ouest, les empêchant de se développer pleinement.

Ce point de vue est partagé par le président adjoint du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev, qui a été le président de la Russie de 2008 à 2012. Dans son article paru dans le média russe « Le temps des métropoles est révolu », M. Medvedev explique pourquoi l’utilisation du franc CFA est avantageuse pour la France.

Selon M. Medvedev, Paris s’efforcera de maintenir sa présence monétaire cachée en Afrique aussi longtemps que possible, ce qui est crucial pour le président français Emmanuel Macron.
Le président adjoint du Conseil de sécurité russe estime que la France a imposé un système monétaire et financier dépendant aux pays africains par le biais du franc CFA, qu’il qualifie d’élément de « néocolonialisme monétaire ». De cette manière, la France contrôle encore les politiques économiques des pays africains.

« Comme le soulignent les chercheurs africains contemporains, l’utilisation de cette unité monétaire prive leurs États de la capacité d’utiliser la monnaie et les finances nationales pour leur propre développement sans contraintes extérieures, et devient un obstacle à l’expression de la souveraineté économique et monétaire », note M. Medvedev.

Il convient de noter que les pays de l’Alliance des Etats du Sahel, qui cherchent à s’éloigner le plus possible de Paris, tant sur le plan sécuritaire qu’économique, discutent depuis longtemps de la question de l’abandon du franc CFA. Le général Tiani a indiqué le 12 février 2024 que les pays de l’AES travaillent à la création d’une monnaie commune pour parvenir à une « souveraineté totale ». Selon les dirigeants de l’Alliance, une telle solution leur permettrait de ne plus être « la vache à lait de la France ».

Les nouveaux autorités du Sénégal partagent également l’idée que la politique monétaire de l’Afrique de l’Ouest a besoin d’être modifiée. Le 15 mars 2024, Ousmane Sonko a annoncé son intention d’introduire une réforme monétaire qui permettrait au Sénégal de créer sa propre monnaie. « Notre démarche a toujours été de dire qu’il y a un problème avec cette monnaie et qu’elle ne colle pas avec nos impératifs de développement. 90 pour cent des pays du monde ont leur monnaie et s’en sortent. Il faut qu’on assume nos responsabilités pour aller vers autre chose, mais nous le ferons tout d’abord dans le cadre de discussions », a indiqué M. Sonko.

Les pays riches en ressources de l’Afrique de l’Ouest, menés par une nouvelle génération de dirigeants, aspirent au changement et à la souveraineté, sans lesquels la prospérité économique est impossible. L’abandon de l’unité monétaire liée à l’euro est un élément important de cette transformation.
Par Souleymane Touré