« Conflit Israël-Palestine : Point de vue sans complaisance » (Par Mamadou Moustapha Fall)

D’abord ma position de principe, sans équivoque, est que les Palestiniens doivent disposer d’un État viable dans des frontières sûres et reconnues. Mais force est de reconnaître que les Juifs ont lié les mains et les pieds des grandes puissances et même de certains pays arabes.

L’existence de l’État d’Israël est une réalité que le monde arabe doit accepter et, ainsi, essayer de trouver une issue honorable en étant solidaire et en tablant sur la solution des deux États. Les Israéliens modérés et les Palestiniens modérés doivent faire entendre leurs voix et tenir tête aux extrémistes du Likoud et du Hamas.

La première erreur des Arabes palestiniens a été de refuser la résolution 181 du 29 novembre 1947 avant d’entamer toute autre action. Contrairement à Ben Gourion, Premier chef du gouvernement israélien qui déclarait, après la victoire dans la guerre des Six Jours (5-10 juin 1967) : « Prenez Jérusalem et tous les territoires ! Mais seulement comme monnaie d’échange pour la paix ! » Aujourd’hui, Jérusalem est prise, les territoires occupés et l’État palestinie peine à naître réellement.

Tout ce qui passe aujourd’hui est le résultat :
– du jusqu’auboutisme des Palestiniens radicaux gonflés à bloc par certains pays arabes qui n’étaient pas du tout sincères comme en témoigne l’occupation de la bande Gaza par l’Égypte et de la Cisjordanie par la Jordanie après la « Nakbah » (« catastrophe née de la guerre de 1948-1949),
– de la léthargie proverbiale et de la division du monde arabe avec, surtout, la Ligue arabe (créée le 22 mars 1945) qui n’est plus que l’ombre d’elle-même,
– de l’incapacité de l’ONU à imposer la force car sa Charte ne le lui permet pas et son mode de fonctionnement qui demande un grand changement,
– du déséquilibre au niveau de la composition du Conseil de sécurité, organe décisif de l’ONU, qui ne reflète pas du tout la réalité géopolitique du monde actuel et qui doit être repensé et recomposé.

L’État juif, comme l’ont voulu les pionniers de l’Organisation sioniste mondiale créée le 3 septembre 1897, ne peut plus exister du fait du caractère cosmopolite de la composition de sa population actuelle. Effacer Israël de la carte, le rêve du Hamas, est également une utopie. Et il faut oser le dire sans complaisance.

La complexité des questions non encore réglées rend très difficile une solution durable à ce conflit :
– le statut de Jérusalem, occupée par Israël alors que la résolution 181 la classait comme une ville internationale sous contrôle de l’ONU. Jérusalem abrite, rappelons-le, la zone Haram el-Charif (Noble Sanctuaire) avec la Bayt al-Maqdis ou esplanade des mosquées, le Dôme du Rocher, la mosquée d’al-Aqsa qui est la plus grande de la ville, le Mur des Lamentations ou Mur occidental (ruines de l’ancien temple de Salomon détruit par les Romains), la basilique du Saint-Sépulcre ou basilique de la Résurrection ;
– la question de l’eau, dans une zone quasi désertique dans un monde dans lequel l’eau est de plus en plus un enjeu de première importance ;
– la question des centaines de colonies juives en Cisjordanie qui rendent impossible la continuité du territoire palestinien. Pourtant, la résolution 465 de l’ONU du 1er mars 1980 demandait le démantèlement des colonies.

En vain :
– la question des réfugiés regroupés dans des camps dans les pays voisins comme la Syrie, la Jordanie, le Liban, etc. qui réclament sans succès le droit au retour dans la Palestine historique conformément à la résolution 194 du Conseil de sécurité du 11 décembre 1948 ;
– la question de la constitution d’un État palestinien viable et reconnu dans des frontières sûres et stables rendue impossible par le bouclage systématique des territoires « autonomes » après chaque attentat ;
– la question du « Mur de Sécurité » qui serpente la Cisjordanie avec ses innombrables check points.

Et, pourtant, de belles initiatives de paix étaient prises notamment avec Yitzhak Rabin, Premier israélien de 1992 à 1995 (assassiné le 4 novembre 1995 par l’extrémiste juif Ygal Amir) et le chef de l’OLP Yasser Arafat (mort le 11 septembre 2004), par le Président américain Bill Clinton, qui avaient signé les accord d’Oslo I du 13 septembre 1993 pour la création d’un État palestinien sur une période de cinq ans (1994-1999). Hélas Rabin est tué. Shimon Peres le remplace pour un temps très court car il sera battu par Benyamin Netanyahou en 1996. Depuis lors c’est le blocage avec notamment le sinistre passage d’Ariel Sharon au pouvoir et… le retour de Netanyahou ensuite, encore lui.

Comme initiative de paix importante il faut citer la « Feuille de route » proposée par un quartet de médiateurs internationaux (ONU, Union européenne, États-Unis et Russie), seul plan de paix accepté par les deux parties mais les 14 « réserves » émises par Israël ont empêché encore une fois la création d’un État palestinien pour 2005. Une autre initiative de paix proposée par des autochtones n’a pas eu aussi le résultat escompté.

Il s’agit de l’Accord de Genève, préparé et présenté officiellement le 1er décembre 2003 par l’Israélien Yossi Beilin et le Palestinien Yasser Abed Rabbi qui, lui aussi est resté lettre morte. Une action similaire à été entamée par l’Israélien Ami Ayalon et le Palestinien Sari Nusseibeh, à travers l’initiative dite « La Voix du peuple ». Sans succès. Il faut signaler que des Israéliens mêmes sont opposés à la politique d’occupation menée par leur pays : c’est le cas – et ceci mérite d’être souligné – de Yiftach Spector (ancien pilote militaire, héros de la Guerre Six Jours, aujourd’hui âgé de 81 ans) et 26 autres pilotes qui ont dénoncé vigoureusement les opérations d’assassinats ciblés notamment ceux qui ont coûté la vie à Cheikh Ahmed Yassine, chef du Hamas le 22 mars 2004 et de son successeurs Abbel Aziz al-Rantissi quelques jours plus tard 17 avril 2004.

Enfin des anciens chefs du Shin Beth (Services secrets israéliens), comme Ami Ayalon, Yaakov Perry, Carmi Gilon ou encore Avraham Shalom, ont aussi élevé la voix contre la politique d’occupation et de répression de Tsahal (l’armée israélienne). Malgré tout, Israël reste dans sa logique. C’est le moment pour le monde arabe de se réveiller et de s’entendre, pour l’Organisation de la conférence islamique de faire entendre sa voix, pour l’ONU de se réinventer, pour les grandes puissances géopolitiques de dire stop à Israel et pour l’Afrique de régler ses contradictions internes et de promouvoir une unité franche lui permettant de compter réellement dans la marche du monde et de se faire entendre elle aussi.

Ne me dites pas que le Sénégal n’a rien fait pour la Palestine. Non ! Notre pays a toujours été à l’avant-garde du combat pour le respect des droits des Palestiniens mais il n’a pas – il faut le reconnaître – les moyens de tordre la main de l’État hébreu. En attendant chapeau au Gouvernement du Sénégal et à tous les autres gouvernements qui ont condamné les violences au Proche-Orient. Oui la création, enfin, d’un État palestinien.

Mamadou Moustapha Fall, Professeur.

1 COMMENTAIRE
  • Alassane Ndiaye

    La loi du Talion ne saurait prospérer, au contraire….. L’escalade de la violence dans cette partie du monde, choque toute l’humanité, même si par ailleurs, la complicité des « grands » avec Israël est manifeste. La reconnaissance de la légalité et de la légitimité des deux Etats par eux mêmes d’abord (les partis en conflits) et in fine par toute la communauté est gage de la paix, de prime abord. Autrement, les choses iront de mal en pis…..Merci pour cette contribution, professeur.

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