Bassirou Diomaye Faye : L’article 258, héritage colonial, fait débat.

Bassirou Diomaye Faye : L’article 258,  héritage colonial,  fait débat.

De l’époque de Léopold Sédar Senghor à celle de Bassirou Diomaye Faye, la liberté d’expression au Sénégal a connu des fortunes diverses. Sous Senghor, les critiques étaient chuchotées. Sous Abdou Diouf, elles étaient murmurées. Sous Abdoulaye Wade, on parlait plus ouvertement. Sous Macky Sall, les critiques, plus véhémentes, pouvaient conduire au commissariat. Aujourd’hui, sous Diomaye, la parole est toujours présente, mais souvent accompagnée de la prudence juridique.

L’article 254 du Code pénal, qui punit l’offense au chef de l’État, est toujours en vigueur. « L’offense au président de la République par l’un des moyens énoncés dans l’article 248 est punie d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 100 000 à 1 500 000 francs, ou de l’une de ces deux peines seulement. Ces peines s’appliquent aussi à toute personne exerçant les prérogatives du président de la République. » Cet article, vieux de 65 ans, résiste au temps et aux changements de régime. Critiquer le président, manquer de révérence envers les institutions ou poser des questions sensibles restent des actes périlleux. Ces actes peuvent être qualifiés d’offense au chef de l’État, de discrédit envers les institutions ou d’incitation au trouble à l’ordre public.

L’article 258 du Code pénal, hérité de la période coloniale, vient renforcer ce dispositif. La République, selon le texte, semble peu tolérante aux critiques, sauf si celles-ci restent silencieuses et autocensurées. L’article 80, véritable joker judiciaire, punit « les autres manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique ou occasionner des troubles politiques graves, à enfreindre les lois du pays […]. » Il est utilisé lorsque l’article 258 est insuffisant.

Sous Léopold Sédar Senghor, le respect du président était de mise, imposé par un climat monarchique. Majmouth Diop, accusé d’avoir traité le président de « valet de la France », a été emprisonné pour atteinte à la sûreté de l’État. Abdou Diouf a maintenu l’article 258, l’utilisant contre Serigne Moustapha Sy en 1993, suite à des propos tenus lors d’un meeting. Talla Sylla a également été emprisonné pour offense au chef de l’État, diffusion de fausses nouvelles et appel à un mouvement insurrectionnel. Abdoulaye Wade, malgré sa promesse de démocratie, n’a pas hésité à recourir à ces articles. Madiambal Diagne et El Malick Seck en ont fait les frais. Sud FM a vu sa diffusion suspendue en octobre 2005 suite à la diffusion d’une interview d’un chef rebelle.

L’article 258 a été fréquemment utilisé sous Macky Sall. Maître El Hadj Amadou Sall, Sidy Lamine Niasse, Bara Gaye, Assane Diouf, Amy Collé, Adama Gaye et Birame Souley Diop ont tous été accusés sur la base de cet article. L’arrivée de Bassirou Diomaye Faye n’a pas changé la donne. Ameth Suzanne Camara, Assane Diouf et Moustapha Diakhaté ont été poursuivis pour offense au chef de l’État. Le chroniqueur Abdou Nguer est actuellement incarcéré pour diffusion de fausses nouvelles, offense au chef de l’État et apologie d’un crime ou délit. « Sud Quotidien » s’interroge : « À force de brandir ces infractions comme des gris-gris républicains, on finit par se demander si ce n’est pas la vérité elle-même qui est devenue subversive. »

Malgré une suggestion du Dialogue national de réfléchir à la suppression de l’article 80, celui-ci reste un outil de dissuasion pour le pouvoir en place.

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