Baptême de Feu : Quand le « Yebbi » transforme la dote en dette…

Baptême de Feu : Quand le « Yebbi » transforme la dote en dette…

L’arrivée d’un nouvel enfant, fruit d’un amour profond, était signe de bonheur dans la famille, surtout chez les jeunes couples. Mais de nos jours, bon nombre de femmes ont tourné le dos à la maternité. A contrecœur. Le «Yebbi», qui a transformé la dot en dette, est devenu une hantise pour nombre de mariées, au point que certaines ont décidé de ne plus faire d’enfants pour l’éviter. Ou un espacement forcé.

Les épouses vivent un calvaire insoutenable à cause des cérémonies de baptême qui les ruinent, les dépouillent de tous leurs biens. Le gaspillage noté lors de ces cérémonies, communément appelées «Yebbi», où la nouvelle maman se transforme, le temps d’une soirée, en un distributeur automatique de billets de banque, de tissus de luxe, de parures en or, à la belle-famille. Toute femme aspire à recevoir de son futur époux une dot conséquente pour être «respectée» par les siens. Sauf que cette dot semble être un piège ou une dette que l’épouse doit rembourser. Puisque lors de la célébration du mariage ou à la naissance d’un enfant, cette femme est contrainte de faire plaisir à sa belle-famille à travers le fameux concept du «Yebbi» ou encore une contre-dot. C’est une épreuve par laquelle la famille de la mariée doit nécessairement passer pour rétablir l’équilibre des relations dominant dominé. Une façon d’imposer le respect de la belle-famille. Et pour ce faire, rien n’est de trop. Argents, boubous de valeur, bijoux en or… tout y passe. Plus la dot est importante en nature comme en espèce, plus l’est obligatoirement la contre-dot. D’où les énormes dépenses et le gaspillage extraordinaire notés à l’occasion des mariages et des baptêmes au Sénégal, avec des belles-familles toujours plus exigeantes. Mais une pratique qui finit même par briser des couples. Pour éviter tout cela, certaines femmes ont tout simplement décidé de ne pas faire d’enfant. Ou à tout le moins, d’espacer les naissances.

CAS PAR CAS

KHADY DIOP, 40 ANS, MERE D’UN ENFANT : «A cause de la pression du Yebbi, j’ai dû recourir au planning…»

«Je me suis mariée il y a 5 ans maintenant à un homme qui m’a donné une dot d’un million de FCFA. A mon mariage, je n’ai pas fait de «Yebbi» car on avait pas beaucoup de temps pour la préparation. Ce qui fait que ma mère n’a donné à ma belle-famille que le «Rakhassou (une version simplifiée du «yebbi)», sans tissus de valeur ni bijoux et autres cadeaux de luxe. En réalité, je ne présageais pas que cela allait se passer si vite, car juste après ma nuit de noce, j’ai contracté une grossesse. Ce qui fait que j’ai accouché avant même mon premier anniversaire de mariage. Prise de court et stressée durant toute ma grossesse, je me suis faite toute petite le jour du baptême car j’avais promis à ma belle-famille de faire le «yebbi» avec l’arrivée de mon premier enfant. Mais puisque les moyens ne suivaient pas, je n’ai pas pu réaliser cela. Car pour faire un tel cérémonial, il faut des millions et on est une famille modeste. Encore que je ne travaille pas, je ne compte que sur ce que me donne mon mari. Et pour ne rien arranger, il y a la cherté de la vie. Le pire dans cette affaire, c’est que je n’ose pas avoir un second enfant, pour ne pas achever ma mère qui vit avec ce poids depuis lors. Mon fils va avoir 5 ans dans quelques jours, mais j’ai peur d’avoir un second enfant, car là, on ne pourra plus se débiner. J’ai dû recourir aux méthodes contraceptives pour ne pas retomber enceinte», rapporte Senplus.

SEYNABOU NDIAYE, 35 ANS, JOURNALISTE MERE D’UNE PETITE FILLE :  «Le jour où j’aurai un autre enfant, je préfère aller en Europe ou rester dans la clinique»

«Le Yebbi est déjà un traumatisme pour certaines femmes. Pour mon cas, je me suis mariée au mois de février 2021 et j’ai accouché en novembre de la même année. C’est 9 mois pile-poil ! Lors de mon mariage, j’avais tout fait avec ma mère pour satisfaire ma belle-famille avec ce fameux Yebbi. Mais quand je suis tombée enceinte à 3 mois de grossesse, ma mère m’a dit : ‘’Il faut te préparer car c’est son premier enfant, bonjour le stress’’. Quel qu’en soit le prix, je l’ai fait donc en dépensant plus de 4 millions FCFA entre les tissus, les bijoux en or, les chaussures, tapis de prières, un panier rempli de cadeaux rien que pour ma belle-mère, puis les belles-sœurs, le beau-père, les beaux-frères, etc. Personnellement, je me suis dit qu’avant de tomber enceinte, il faut que je réfléchisse à 1000%. Je suis épuisée, je ne plus faire ça, j’ai dépensé beaucoup d’argent. Très sincèrement j’ai regretté, c’est des futilités, juste de la gabegie. C’est aussi une concurrence entre les belles-filles et les coépouses. Je ne sais qui a introduit ce fameux Yebbi dans la tradition, mais ça nous angoisse, ça nous stresse. Moi, on a programmé mon accouchement par césarienne mais je ne voulais pas. Je pensais à ce Yebbi, et à cause de ce stress, ma tension est montée. C’est toi qui es tombée enceinte, c’est toi qui accouches, c’est toi qui prépares pour la famille et au finish c’est toi qui dois les couvrir de cadeaux. C’est beaucoup trop, il faut l’éradiquer. Je ne ferai plus jamais le Yebbi. Le jour où j’aurai un autre enfant, je préfère aller en Europe ou rester dans la clinique».

MARIAMA FALL, MERE DE 2 FILLES : «J’ai mis l’argent pour ma voiture dans le Yebbi»

«Pour mon premier gosse, c’était durant la période du Covid-19. Du coup, je ne n’avais pas fait de baptême, ni de Yebbi. Et vite un deuxième enfant pour pouvoir leur donner ces fameux cadeaux. Parce que vous n’avez pas fait de fête pour le premier bébé, il faut songer à avoir un autre enfant. Or, ce Yebbi n’est rien d’autre que rendre la monnaie à ceux qui vous ont offert des cadeaux de mariage, la dot. Et si c’était à refaire, je ne l’aurais jamais fait. Moi, j’avais un projet d’acheter une voiture, j’ai fini par dépenser cet argent dans ce Yebbi. J’ai été aussi dans les tontines avec des millions. Parce qu’il fallait acheter des bijoux en or, donner de l’argent, acheter des tissus, des habits de valeur, etc. On ne peut pas le quantifier. C’était terrible ! Et heureusement que même pour mon prochain enfant, je ne compte pas faire de fête. Car, je l’ai fait une fois cela m’a ruinée, je suis complément repartie à zéro pour pouvoir gérer des économies. J’en ai fini avec les histoire de Yebbi».

Bés Bi le Jour

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